Le genre guitar instrumental était déjà suranné quand Joe Satriani – trentenaire à l’époque – plaça non pas un, mais trois singles de Surfing with the Alien (1987) au top 40. Il fit rebelote avec Flying In A Blue Dream (1989). L’exploit était inédit depuis Classical Gas et le demeure. Satriani – contrastant avec l’esthétique métallisante cheap de ses émules de Shrapnel Records – ne s’est jamais distancé du son et de l’iconographie Silver Surfer qui ont fait son succès, même si le genre est tout à fait mort. Il y revient néanmoins avec Shapeshifting. Tout y évoque sa grande époque : pose à la Flying In A Blue Dream, lignes lyriques, microtonalité, timbres saturés et compressés joués au micro manche, rythmes carrés à la Eliminator, sensibilité pop, vocabulaire harmonique nuancé, mais surtout un plaisir juvénile à « jouer vite » (et foutrement bien). Le single Nineteen Eigthy donne le ton en renvoyant à la fois à AC/DC, Van Halen et… Satriani. Lui reprocher l’autocitation alors qu’il n’a, malgré son érudition et son influence professorale, jamais fait le pari de l’audace serait injuste : l’album ne sombre pas dans l’autopastiche, bien que les pistes plus faibles de l’opus, voulues plus ambitieuses, recyclent quelques trucs et astuces usés. Satch refait des recettes; All for Love et Perfect Dust sont des remakes de Always with Me, Always With You et Satch Boogie. La pièce-titre cite allègrement The Extremist (1992). Satriani flirte toutefois avec l’autodérision en invitant le « vrai » Nigel Tufnel (si, si!) sur la dernière piste. Shapeshifting aurait pu paraître il y a trente ans; on est assurément dans la gestion de patrimoine. En est-ce de la bonne ? Par moments. Si l’ensemble de l’œuvre s’essouffle, certaines pistes plus volontaires et gamines trouveront assurément leurs Mustangs décapotables.
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