Pays : Québec Label : ATMA Classique Genres et styles : néoclassique / opéra / opéra contemporain Année : 2022

Catherine Major / Michel Tremblay – Albertine en cinq temps – l’opéra

· par Frédéric Cardin

Deux opéras québécois de facture accessible, coup sur coup, sont proposés par la maison Atma classique. Je vous parlais de Nelligan la semaine dernière (lire mon texte ICI), l’opéra désormais bien connu d’André Gagnon sur un texte de Michel Tremblay. Cette fois, c’est Catherine Major qui s’intéresse à un texte de Tremblay, celui-là déjà exécuté sur scène de nombreuses fois, et j’ai nommé Albertine en cinq temps. Cela dit, tout le reste de cette production est entièrement nouveau : la mise en musique par Catherine Major, l’adaptation du texte d’origine par le Collectif de la Lune Rouge, composé de Nathalie Deschamps, Chloé Ekker, Chantal Lambert, Monique Pagé et Catherine St-Arnaud. Un projet essentiellement féminin, donc, pour cette réflexion fine sur la condition féminine à travers cinq sections de vie du personnage principal de l’œuvre, Albertine. À travers elle, c’est l’évolution de la place de la femme dans la société québécoise qui s’exprime dans un joual précis, incisif sans agressivité, mais surtout directement connecté sur l’expression nécessaire à l’étoffe du personnage.

La musique de Catherine Major, résolument tonale, est de facture néo-romantique plus que néoclassique (dans l’acceptation actuelle du terme). Cela rend les diverses incarnations d’Albertine plus facilement approchable pour le grand public, peu habitué aux grincements contemporains, n’en déplaise aux puristes de la musique dite sérieuse d’aujourd’hui. Il faut comprendre qu’en ce début de 21e siècle, toutes les expressions harmoniques peuvent se revendiquer de l’étiquette « savante ». Le temps du diktat boulézien est bel et bien révolu, et c’est tant mieux. Cela veut-il dire qu’un sujet « populaire » doit nécessairement être traité de cette façon, au détriment d’une certaine modernité harmonique? Bien sûr que non! Mais je constate que le Québec est arrivé relativement en retard dans le monde de l’opéra par rapport aux cousins européens. Ceux-ci ont eu le temps de se créer des fondations lyriques bien enracinées dans le terreau littéraire et culturel national, et ce de façon « accessible » en termes de mélodies et d’harmonie. Le Québec, non. Alors, pourquoi ne pas prendre le temps, ici également, de bâtir ce genre de répertoire que tout un chacun pourra fredonner ou accueillir avec une aisance trop souvent dénigrée? La beauté de notre culture lyrique en construction est que nous pouvons la faire avec une autonomie et une indépendance qui favorisera la diversité. Aux côtés d’Albertine ou Nelligan, se trouveront aussi des bijoux comme Les Feluettes, La Beauté du Monde de Julien Bilodeau ou encore l’exceptionnel opéra-féérie de Gilles Tremblay, L’eau qui danse, la pomme qui chante et l’oiseau qui dit la vérité, un chef-d’œuvre d’atonalité lumineuse s’il en est un.

https://www.youtube.com/watch?v=r_xnzDQTUI4

Albertine et ses cinq « saisons » sont très bellement incarnées par un quintette de voix formé de Catherine Saint-Arnaud (Albertine à 30 ans), Florence Bourget (Albertine à 40 ans), Chantal Dionne (Albertine à 50 ans), Monique Pagé (Albertine à 60 ans) et Chantal Lambert (Albertine à 70 ans). Je donne des mentions spéciales à Florence Bourget et Chantal Lambert pour des performances plus que solides qui donnent au personnage tout son cynisme et sa brocardise désabusée. La langue de Tremblay est admirablement rendue (diction claire et tranchante) par ces deux interprètes lors de passages mémorables (Tant qu’à ça, plage 3, un coup de cœur perso).

La musique de Catherine Major ne déroutera pas les fans de la première heure de l’artiste. Ici, elle est simplement plus élaborée et plus étoffée grâce à une instrumentation chambriste équilibrée entre le piano, les cordes (violon, violoncelle et contrebasse) et un instrument à vent (le hautbois). Ce choix établit un canevas où les forces se complètent très bien entre graves et aigus, entre velours sombre et couleurs franches.

L’enregistrement a été réalisé en septembre dernier au Domaine Forget, peu de temps après la création au Théâtre du Rideau Vert à Montréal. Albertine part en tournée au Québec dans les semaines à venir. Il sera donc possible d’aller à sa rencontre près de chez vous. Ne ratez cela pour rien au monde!

Un autre coup de circuit pour la musique québécoise et la maison Atma. Bravo et merci.

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