D’emblée, je dois avouer ma partialité. Je ne manque pas une occasion de louanger Avec pas d’casque. Depuis leur grand retour sur scène, marqué par la sortie de Cardinal, je les ai déjà vus trois fois, mais il faut dire que vendredi soir aux Foufounes, quelque chose de singulier s’est produit. Le public — dense et attentif — semblait suspendu à une force tranquille enivrante.
Stéphane Lafleur est arrivé avec assurance dès le premier accord. Jamais la musique et sa voix ne m’avaient paru si parfaitement agencées ; l’univers d’Avec pas d’casque flamboyait dans sa plus juste plénitude. La sobriété des riffs et l’épuration des fioritures reflétaient une économie de moyens, où chacun des choix sonores était pensé pour servir le texte. C’était juste assez dépouillé pour être revêtu d’une bienveillance profonde et universelle. Ce qui saisit, c’est l’intention qui traverse chacune des chansons. D’une précision désarmante : pas un mot de trop, pas une note de trop.
Puis j’ai entendu des paroles qui m’avaient toujours échappé à l’écoute domestique. Ce genre de réalisation en concert arrive assez rarement. Le travail à la console d’Antoine Goulet y est sans doute pour beaucoup. La voix de Stéphane Lafleur était rendue avec une clarté saisissante, portée dans toutes ses nuances, jusque dans ses plus infimes fluctuations. Il chantait avec la quiétude de quelqu’un qui sait humblement que c’est bon.
Après quelques chansons, Stéphane Lafleur a glissé, fier, qu’il suivrait le conseil de Mathieu Charbonneau — claviériste, barytoniste, genre de bruiteur à tout faire — qui lui aurait dit : « On est aux Foufounes, on joue juste des bangers !» Ceux qui écoutent depuis les balbutiements ont été gâtés. Quant au répertoire d’Avec pas d’casque, les mauvaises chansons sont difficiles à trouver, témoignant d’une loi, un principe, une constante tout à fait remarquable.
Voir des slows langoureux se danser aux Foufounes, c’est à la fois rare et bienvenu. La foule fredonnait en chœur. On aurait dit un seul souffle chaud et uni qui portait celui de l’interprète. Ils ont conclu avec Nos corps (en ré bémol), tirée d’Effets Spéciaux. Une chanson qui est plus belle que jamais : « Et ce soir dans tes bras / C’est la paix dans le monde ».
Bon, ce n’est pas le genre de chose qu’on souhaite lire dans un compte rendu de spectacle, mais fallait être là.