Étant de sa génération, je connais Diane Tell depuis ses débuts professionnels, et j’ai commencé à l’interviewer et causer musique il y a très longtemps. Encore aujourd’hui, soit quatre décennies plus tard, je me réjouis de garder contact avec cette artiste d’exception avec qui je partage pleinement cette anti-nostalgie du bon vieux temps. Pour Diane Tell, effectivement, aujourd’hui et demain l’emportent largement sur hier, ce qui mérite toute notre admiration ! Bien au-delà de ses accomplissements créatifs, elle demeure encore farouchement indépendante, très curieuse, à l’écoute de la production actuelle, à l’affût de toutes les pop de création, sans renier pour autant ce qu’on doit retenir du passé. En 2025, elle est encore sur la coche lorsqu’il est question de débusquer la coolitude! Or, même parmi ses fans, ses qualités de tête chercheuse et de féministe affirmée sont beaucoup moins connues, et c’est précisément pourquoi PAN M 360 lui accorde un statut d’autrice en cette Journée internationale des droits des femmes. Voici le préambule inspiré de sa liste de 100 femmes à écouter, à consulter ci-dessous ! (Alain Brunet)
« Voilà ma « liste de jeux » de dames. Mes six heures de perles rares. Ma liste top 100 de chansons 100% féminines. Des morceaux choisis minutieusement d’abord pour mon seul plaisir, celui de fouiller la toile pour y découvrir des musiques que je ne connais pas encore, les liker pour ne plus avoir à les rechercher, puis les écouter à fond une fois, 10 fois, en boucle dans mon automobile ou à la maison sur mes enceintes Jean Maurer.
Cette Journée internationale des droits des femmes, selon l’appellation officielle de l’ONU, nous la devons à des héroïnes audacieuses du début du siècle dernier. En ce 8 mars 2025, cette bataille est loin d’être gagnée à l’aube troublante des jours sombres auxquels on nous presse de nous préparer. Cette terre promise des va-t-guerre reléguera forcément le droit des femmes pour ne pas dire les droits tout court aux oubliettes. S’il est impossible de couper la parole aux inlassables discoureurs inaudibles, on peut toujours s’entendre pour monter le son, chanter plus fort qu’eux le temps d’une playlist.
Mes 100 femmes du jour le font passionnément. Priorité à la nouveauté, à quelques exceptions près. Vous ne trouverez pas ici de classiques usés par les ondes radio. Je n’ai pu m’empêcher d’inclure un extrait des répertoires de Nina Simone ou Joni Mitchell, j’ai biberonné à leurs seins. Elles ont leur place parmi toutes ces talentueuses musiciennes. Plus ou moins connues, 50 ou 5 millions d’auditeurs par mois sur les plateformes, elles ont en commun de me plaire. C’est tout. Dominique, Crystal, Matilda, Ada, Suki, Jeanne, Marie, Ruby, Rachel, Zella, Rozi… ne partagent pas toutes la même langue, le même univers ou la manière d’exprimer leurs états d’âme ou leurs coups au cœur. Elles créent, elles publient, il faut que ça sorte. Et c’est pour notre grand bonheur.
Permettez-moi d’attirer votre oreille vers certaines. Pardonnez-moi de ne pas toutes les citer. Carolina Eyck, musicienne sorabe allemande, maîtrise un des plus anciens instruments de musique électronique, le thérémine. Son jeu et ses compositions sont hors normes. La poétesse Kae Tempest, rappeuse qui ne rappe pas, me bouleverse avec ses textes magnifiques et leurs écrins musicaux somptueux. Dans notre jargon, on parle de « musique à l’image » lorsque l’on associe l’une à l’autre. Kae incarne pour moi la « musique à la poésie ». Arooj Aftab, عروج آفتاب, née à Riyadh, originaire de Lahore au Pakistan, artiste chez Verve Records, n’en finit pas de séduire, de franchir les frontières géographiques et culturelles, de rassembler autour de sa musique des peuples et des publics qui d’ordinaire ne s’écoutent pas.
Je pourrais causer d’elles durant des heures. Je termine, parce qu’il le faut bien, par ce court mais affectueux message à mes petites sœurs québécoises présentes ou absentes de cette liste. « J’ai peut-être été pour certaines d’entre vous une pionnière dans cette industrie, maîtresse de ma vie, de mon indépendance, de ma liberté, de mon art et de mon droit d’exister non pas dans l’ombre des hommes mais avec eux. Oui, j’ai beaucoup travaillé avec des hommes. Je partage encore avec eux la scène, l’écriture, la réalisation en studio. J’ai reçu beaucoup d’amour et de respect de ces hommes rencontrés sur ma route. Tantôt louve, tantôt muse, j’ai préféré être créative que créature. Aujourd’hui, c’est vous les filles qui m’inspirez le goût d’écrire les derniers chapitres de ma vie. Soyez fortes, soyez belles et continuez de verser vos larmes brillantes de désir pour l’amour de l’art et de celles et ceux qui aiment votre musique. Vous sublimez nos vies. »