Yseult, profil géant

Entrevue réalisée par Alain Brunet

Sur le territoire prévisible de la variété française, Yseult suggère l’imprévisible, l’indépendance d’esprit, l’assomption de soi, la singularité. Voyons voir le profil géant de cette artiste âgée de 25 ans.

Genres et styles : chanson / électronique / gospel / hip-hop / pop / soul / trap

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L’expression : voix d’exception, phrasé d’exception, mots simples et incarnés. La diversité des genres investis : chanson française, pop, trap, hip hop, soul, électro, gospel. Le look : taille imposante, visage magnifique, opulence capillaire, sensualité à toute épreuve malgré un physique atypique. La bosse des affaires : productrice, manager, gestionnaire de sa propre société, propriétaire de son œuvre.

À peine sortie de l’adolescence, Yseult Onguenet s’est fait remarquer à la téléréalité. Nouvelle Star l’a fait naître en 2014 et… ç’aurait pu se terminer là, en suspension dans la nébuleuse des chanteurs génériques. Il n’en fut rien.

Interviewée lors d’un séjour récent à Montréal, elle se montre tout de même reconnaissante de ce passage au petit écran, devant le grand public hexagonal.

« Ce fut un beau tremplin. Du coup, j’ai pu créer ma propre société, mon propre label. Aujourd’hui, je suis productrice de mes clips et de mes enregistrements, je suis propriétaire de mes contenus, chef de mon projet. Après, c’est beaucoup de boulot, gestion, management d’équipe, administration, négociations, etc, mais quand je vois tout ce qui est en train de se passer aujourd’hui, c’est impressionnant… grave… trop bien! »

Convenons d’emblée qu’Yseult a les prédispositions et la stature nécessaires pour mener sa barque à bon port sans se faire bouffer par les grosses structures du showbiz. Vraisemblablement, elle a saisi qu’il fallait plus qu’un succès à la téléréalité pour vraiment faire carrière.

Ainsi, Yseult s’est extraite de la circulation après avoir amorcé sa carrière discographique en 2015. Lorsqu’elle a renoué avec le public quelques douzaines de mois plus tard, ce qu’elle annonçait était fort différent. Tour à tour, les EP Rouge et Noir l’ont clairement imposée parmi les meilleures recrues de la variété française. Et c’est exactement la raison pour laquelle le Centre Phi l’a accueillie : hors-normes, néanmoins conquérante, néanmoins star.

« À Paris, relate-t-elle, on avait commencé avec une salle de 200 personnes. À Montréal, on a commencé devant 400! C’était incroyable, un truc de ouf (fou) ! »

Fin février, effectivement, la salle était pleine à ras bord de fans plus que fervents. Accompagnée d’un claviériste équipé de sons informatisés, Yseult a mis le feu à la place, l’auteur de ces lignes peut en témoigner. Lorsqu’un artiste génère un tel émoi à sa première apparition publique, il est clair que le buzz s’annonce considérable.

Yseult est Parisienne de naissance, elle a grandi à Bercy / Cour Saint-Émilion, elle a aussi vécu dans le 20e arrondissement, près du fameux cimetière du Père-Lachaise. Ses parents sont originaires de Yaoundé (mère) et Douala (père), tous deux issus de la communauté éton du Cameroun. Aujourd’hui retraité, son père a été cadre chez Land Rover.

« Il a fait de grandes études pour y parvenir, raconte fièrement sa fille. Ce fut très difficile pour lui dans le contexte français. Aujourd’hui je me dis que si mon père a réussi dans la vie, il est impossible que je n’y parvienne pas. Il est un grand amateur de musique, il aime le jazz, la musique classique, la musique africaine et plus encore. Ma mère, elle, est fan de variété française, elle est dedans! »

Il n’y a pas si longtemps, Yseult n’aurait peut-être pas évoqué ses parents avec une telle admiration, elle a clairement vécu un conflit de génération. Anxieux face aux velléités artistiques de sa fille, papa Onguenet lui avait interdit de faire de la musique et… elle n’en fit qu’à sa tête, avec les résultats que l’on sait. Les jurés de Nouvelle Star avaient d’ailleurs souligné publiquement au paternel le talent évident de sa fille. Aujourd’hui, les parents sont très fiers d’Yseult. Et on imagine que les liens se sont resserrés car elle dit avoir récemment perdu un frère aîné, sans vouloir donner de détails sur cette disparition.

Pour vivre sa vie d’artiste et peaufiner son personnage pop, Yseult a déménagé ses pénates à Bruxelles.

« Franchement, c’est trop bien! Avec Angèle, Damso et plusieurs autres, la scène là-bas est hyper-éclectique, on y trouve une vraie mixité. C’est plus sain, plus serein qu’à Paris où c’est trop rapide, trop gros à mon sens. Artistiquement, Bruxelles est incroyable ! De plus, on y ressent une forte influence anglophone. C’est clairement plus mixte qu’à Paris. En Belgique, avec les Flamands, les Wallons et les ressortissants étrangers, les gens naviguent entre les langues, un peu comme vous le faites à Montréal. Je me sens d’ailleurs hyper bien chez vous. Je vous sens bienveillants! »

Voilà qui a mené Yseult à monter une équipe essentiellement bruxelloise :

« Je garde le même noyau de producteurs qui ont fait mes deux derniers EP, musicalement et visuellement. J’essaie de ne pas trop me mettre de pression, prendre le temps de bien exprimer ce que je ressens, mes conflits intérieurs, mes sentiments, sans trop dévoiler de détails de ma vie privée. Dans cet esprit, je sortirai donc huit titres en octobre prochain. Pour ce, je travaille avec Prinzly, qui a collaboré avec Damso, aussi avec Ziggy (Franzen) et Romain (Descampes) qui ont travaillé avec moi sur mes enregistrements précédents. Tous basés à Bruxelles, ces producteurs restent dans l’ombre. Avec eux, il y a un échange et une vraie proposition artistique que je n’ai pas trouvés à Paris. »

Chanson, électro, R&B, hip hop, variété française figurent au programme d’Yseult. « Je suis hybride, j’aime ce mot », corrobore-t-elle avant de laisser éclater un rire sonore.

On lui fait observer l’absence de musique africaine dans sa musique, elle dit assumer son choix.

« J’aime trop la variété française… j’ai pris le côté de ma mère! (rires) J’aime trop Barbara, j’aime trop Brel, j’aime trop les mots. Ça m’émeut. Bien sûr, la culture africaine fait partie de moi, mais ce qui m’anime d’abord, c’est la variété française. Ça ne ment pas, t’as pas besoin de prod pour pouvoir exister, tu ne peux te cacher derrière les arrangements. Je trouve ça cool, beau et fort de me présenter piano-voix en 2020. Le plus beau, c’est le plus simple. Vous savez, plusieurs artistes noirs en France aimeraient faire de la variété et n’osent pas. L’industrie française de la musique ne nous permet pas d’être mixte. »

Devinez qui est en train de changer les choses?

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