S’il y a bien une chose qu’on retient de la venue de Thundercat à la salle Wilfrid-Pelletier mardi, c’est qu’il existe deux facettes bien distinctes du virtuose de renommée internationale : celle qu’on découvre sur album, et celle qu’il offre sur scène. Les adeptes présents ont rapidement compris de quel bois se chauffait cette dernière.
Pendant près de deux heures, le bassiste américain a transformé chacun de ses morceaux en tremplin vers de longs élans d’improvisation, sentis et hypnotisants. Iconique Ibanez orange à six cordes en main, Thundercat — de son vrai nom Stephen Lee Bruner — a puisé aux quatre coins de sa discographie, en se concentrant principalement sur son plus récent projet, It Is What It Is.
Au centre de la scène, le Californien s’éclatait en compagnie de ses acolytes de longue date et excellents musiciens : Justin Brown à la batterie et Dennis Hamm aux claviers. Sourire aux lèvres, et plus souvent qu’à son tour les paupières closes, l’artiste de 40 ans se laissait emporter par ses impulsions créatives, naviguant entre jazz fusion, R&B, funk et hip-hop.
Alors qu’il s’abandonnait à la tâche, le public suivait, porté par des changements de direction soudains, mais toujours maîtrisés.

En ouverture, l’enfilade Lost in Space / Great Scott / 22-26, Interstellar Love puis Overseas a donné le ton à cette célébration jazz presque jeu-vidéo-esque. Aux allures de George Duke ou de Marvin Gaye moderne, Thundercat superposait avec brio sa voix éthérée et rêveuse aux fondations enveloppantes du trio. Par moments enterré par les instruments, le chanteur aurait toutefois bénéficié d’un gain plus généreux sur son micro.
Fort de plus de vingt ans d’expérience sur la scène musicale, tout semblait si facile pour lui. Thundercat enchaînait les changements d’ambiance et les interactions avec la foule avec une aisance déconcertante. Le moment fort de la soirée est survenu lorsqu’il a invité un jeune homme sur scène pour danser pendant ses deux morceaux les plus populaires, Them Changes et Funny Thing.
La soirée s’est conclue en beauté alors que l’organisation du Festival de Jazz lui a remis le Prix Miles Davis, une distinction décernée chaque année à un artiste de jazz afin de souligner sa contribution au renouvellement du genre. Que ce soit pour ses nombreuses venues à Montréal, ses offrandes solos ou ses collaborations marquantes avec Kendrick Lamar, Erykah Badu, Childish Gambino ou même Kamasi Washington, cette reconnaissance est plus que méritée.
Voir Thundercat sur scène, c’est une expérience bien différente de ce à quoi on pourrait s’attendre. N’en déplaise aux quelques spectateurs et spectatrices qui ont quitté la salle, une fois le délire saisi, on y embarque pleinement.
Déjà cinq ans se sont écoulés depuis son dernier album. Vivement du nouveau matériel, plus tôt que tard.
Crédit photo: Benoit Rousseau