Le compositeur Airat Ichmouratov, qui est également clarinettiste au sein de l’ensemble montréalais Kleztory, a écrit son opus 50, Ouverture « pour la jeunesse », en 2016 pour souligner le 15e anniversaire de l’OF, dont il a été un membre de la première heure, avec son épouse, l’altiste Elvira Misbakhova. C’est cette pièce, accueillie par une ovation lorsque l’orchestre l’a interprétée à l’époque au Domaine Forget, qui ouvre l’album. Si le compositeur est bel et bien vivant, sa musique n’est pas « contemporaine » au sens où on l’entend habituellement. La mélodie y a toute sa place et les compositions sont fort accessibles. Ichmouratov, qui a passé son premier quart de siècle en Russie, a gardé une influence marquée des grands compositeurs de sa patrie d’origine, Chostakovitch, Prokofiev et autres Rachmaninov. Sa musique a aussi d’indéniables qualités cinématographiques et, dans l’Ouverture, c’est Chaplin que l’on croit reconnaître ! Disons que celui-là avait aussi un certain sens de la mélodie. L’œuvre la plus directement inspirée de sa Russie natale est sans doute l’Ouverture « Maslenitsa », op. 36, créée en février 2013 à Chicoutimi dans un environnement nordique qui devait lui aller comme un gant.
Mais le gros morceau ici, c’est la première symphonie d’Ichmouratov, « Sur les ruines d’un vieux fort », opus 55, dédiée à Marc David et à l’Orchestre symphonique de Longueuil qui en ont fait la création en 2017. L’œuvre dépeint l’histoire de la ville de la Rive-Sud, depuis l’époque de Charles Le Moyne de Longueuil jusqu’à aujourd’hui (vaste programme, comme disait l’autre). L’œuvre pourrait plaire particulièrement aux amateurs de films de science-fiction à grand déploiement, avec des accents qui rappellent le John Williams de Star Wars dans le mouvement final. C’est dire, par ailleurs, la qualité de l’orchestre, qui joue cette musique avec aplomb et qui trouve un plaisir manifeste à le faire. Il faut insister sur ce point, l’OF étant un orchestre qui se donne un mandat pédagogique et dont une bonne partie des membres change chaque année. Son chef et fondateur, Jean-Philippe Tremblay, livre ici, encore une fois, un travail remarquable.
L’Orchestre de la francophonie a déjà publié plusieurs enregistrements chez Analekta, dont rien de moins qu’une intégrale des symphonies de Beethoven, mais c’est Airat Ichmouratov, qui y faisait déjà paraître un premier disque l’année dernière, qui a emmené l’OF avec lui chez Chandos. L’un et l’autre demeurent à surveiller.