Angèle Dubeau dresse le portrait d’Alex Baranowski

Entrevue réalisée par Alain Brunet

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Insatiable directrice artistique faisant équipe avec son redoutable entrepreneur de mari (Mario Labbé, patron du label Analekta), la célébrissime Angèle Dubeau n’en est pas à son premier portrait de compositeurs : Arvo Pärt, Philip Glass, John Adams, Max Richter, Ludovico Einaudi, auxquels s’ajoutent en ce 14 octobre 2022  un artiste moins connu mais qui le deviendra assurément, de surcroît très apprécié des féru de post-romantisme, post minimalisme et néoclassicisme : Alex Baranowski.

La violoniste et fondatrice de l’ensemble à cordes La Pietà, dont elle assure toujours la direction artistique, met tout son pouvoir attractif au service de ce jeune compositeur britannique, artiste montant dans la sphère néoclassique.

Alex Baranowski est un compositeur d’origine polonaise basé à Londres. Il est diplômé du Liverpool Institute for Performing Arts (LIPA) initié à l’origine par Sir Paul McCartney. Difficile de savoir si cette formation fut déterminante pour l’artiste aujourd’hui âgé de 38 ans mais ses profils biographiques nous apprennent qu’il est bardé de prix et nominations aux plus hauts niveaux de la culture populaire ou néoclassique impliquant des formes classiques dans l’arrangement et l’orchestration.

Ainsi, Alex Baranowski fut sélectionné pour un Tony Award pour la musique de The Cripple of Inishmaan à Broadway. Fut nommé aux British Academy Film Awards  pour la musique du film McCullin. Récolta un Music + Sound Award pour son travail à la chaîne BBC Two. Rafla un South Bank Award for dance pour la musique du ballet 1984, commandée par le Northern Ballet.

Très prolifique, Alex Baranowski  a composé la musique du film The Windermere Children pour la BBC / Wall to Wall, il a signé la musique de la bande originale du long métrage documentaire Nureyev. Il a écrit la trame sonore de A Christmas Carolaring avec Carey Mulligan et Andy Serkis. Il a aussi composé la musique des films publicitaires Come Together de Wes Anderson pour H&M, Paddington et le Visiteur de Noël pour Marks & Spencer, ainsi que de nombreux courts métrages primés,notamment The Departure avec l’actrice Gillian Anderson.

Au théâtre, il a bossé avec les metteurs en scène Danny Boyle (Frankenstein), Rupert Goold (Earthquakes in London), Sir Nicholas Hytner (Hamlet), Benedict Andrews (Un tramway nommé désir), pour ne nommer que ceux-là. Il fut associé de près à de nombreuses productions: West End, Broadway, Old Vic, Donmar, RSC, Royal Opera House, Shakespeare’s Globe, Manchester International Festival, Crucible Theatre et Royal Court, pour ne nommer que celles-là.

Côté pop indie, il a écrit les orchestrations et arrangements d’artistes ou groupes tels Jungle, The XX (pour The XX Symphony),  Underworld, Clean Bandit  ou même Peter Hook (Joy Division & New Order).

Stimulée par l’émergence d’une nouvelle génération de compositeurs dont les œuvres ont un impact réel auprès du grand public, Angèle Dubeau a repéré le talent d’Alex Baranowski. À la sortie de son nouveau portrait endisqué chez Analekta, elle nous raconte le processus.

PAN M 360 : Comment situer Alex Baranowski d’entrée de jeu ? 

ANGÈLE DUBEAU : À l’image de Rebecca Dale, entre autres, il fait partie de cette nouvelle génération de compositeurs qui écrivent dans toutes sortes de contextes au-delà des enregistrements d’albums et des commandes d’orchestres  – il nous a d’ailleurs fait une œuvre magnifique. Ils travaillent aussi dans plein d’autres domaines;  télé, vidéo, danse, publicité, etc. Ils font tout! Alors on se retrouve aujourd’hui avec des jeunes qui vivent de leur « plume » de compositeurs, de leur passion d’écriture. Ils peuvent vivre de leur art, ce qui n’était pas évident  dans le domaine de la composition il n’y a pas si longtemps. Aujourd’hui cette ouverture rend la chose possible, un marché s’ouvre et demande une plus grande variété de musiques aux compositeurs. Tant mieux! De plus en plus de jeunes vivent de leurs compositions et ça nous fait (les interprètes) de plus en plus de musique à jouer. 

PAN M 360 : Comment as-tu repéré Alex Baranowski ?

ANGÈLE DUBEAU : Il y a cinq ans, je faisais des recherches et je suis tombée sur une musique d’un film d’art consacré à la vie  Nureyev. Que c’est beau! Qui a écrit ça? J’ai commencé à fouiller, et tout ce que j’entendais de ce compositeur me plaisait car je l’entendais rarement ou jamais. Alors j’ai pris contact avec lui, je l’ai ensuite rencontré à Londres. Je lui ai donné rendez-vous en fin d’après-midi et… ça s’est rendu au digestif!  Mario était avec moi et on s’est très bien entendu avec Alex. On a parlé musique, de son parcours, et je lui ai demandé comment et pourquoi il écrivait si bien pour les cordes, pour le violon. Et j’ai tout compris lorsqu’il m’a dit qu’il avait reçu son premier violon de son grand-père, alors âgé de six ans. J’ai compris pourquoi les cordes ont tant de plaisir à jouer sa musique. 

PAN M 360 : Ainsi donc, une collaboration était née entre Angèle Dubeau et Alex Baranowski.

ANGÈLE DUBEAU : À partir de cette rencontre, je lui ai dit que j’aimerais travailler avec lui, et qu’on devrait y aller par étapes. Je lui ai alors passé une commande, quelque chose de personnel, composé dans la forme classique. Il m’a dit oui et qu’il s’y mettrait au terme d’un gros contrat de musique de film.

PAN M 360 : La commande d’une œuvre fut donc la première étape avant d’envisager un portrait discographique.

ANGÈLE DUBEAU : Exact. Il m’est revenu d’abord avec une œuvre intitulée Wiosna, qui signifie printemps en polonais. Cette œuvre est inspirée du grand-père d’Alex qui avait écrit un recueil de poèmes alors qu’il était prisonnier dans les camps de concentration en Sibérie. Dans la solitude et la douleur, le grand-père avait frôlé la mort là-bas, on comprendra que l’arrivée du printemps dans ces camps était synonyme d’espoir.

Alex a donc repris un poème du recueil de son grand-père et l’a mis en musique. Extraordinaire! Ça n’a pas de bon sens comme c’est beau! Les premières notes au violon donnent le ton… quelle force d’évocation!  Quand tu comprends le contexte et que tu lis le poème du grand-père, c’est merveilleux et assorti de pointes d’espoir. Alex m’a alors confié que c’était son œuvre la plus personnelle jamais écrite. J’étais très émue! J’ai réuni les musiciennes de La Pietà, on a fait une première lecture et la lui avons envoyée. Il a pleuré, me disant que c’était une des grandes journées de sa vie. 

PAN M 360 :  Cette charge émotive était assez forte pour qu’un portrait d’Angèle Dubeau soit dans les plans, force est de déduire. Comment as-tu procédé ensuite?

ANGÈLE DUBEAU :  J’ai eu une très belle collaboration avec Alex, qui m’a envoyé plein de musique dont  3 œuvres spécialement composées pour La Pietà.  J’ai fouillé le répertoire très diversifié de son œuvre sans limites formelles car il a touché un peu à tout. J’ai sélectionné une œuvre pour le ballet 1984, notamment. J’ai fait écouter à Mario qui a souvent présenté de la danse dans une autre période de sa carrière, il a trouvé ça très bon sans que je lui dise qui en était le compositeur!  Hormis ses pièces composées pour nous, Alex a remanié plusieurs de ses œuvres, en a allongé ou développé certaines.Avec Alex, on a choisi ces œuvres et j’ai eu plus d’échanges avec lui qu’avec les autres compositeurs plus âgés dont j’ai fait le portrait.  Ce travail s’est élaboré sur 3 ans. 

PAN M 360 : Et voilà le travail! Merci Angèle.

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