Œuvre cruciale du regretté compositeur polonais Krzysztof Penderecki (1933-2020), la Passion selon saint Luc fut exécutée par l’OSM en ouverture de saison au Festival de Lanaudière, peut avant qu’elle ne soit interprétée quelques jours plus tard à Cracovie et à Salzbourg, sous la direction de Kent Nagano. Sans équivoque, Penderecki s’était montré ravi : « C’était fantastique. Sa direction m’a semblé très classique, très nette et peu portée sur le côté dramatique. J’ai beaucoup apprécié cette direction très lyrique », m’avait-il confié en interview au lendemain des concerts européens donnés en sa présence. Voilà justement ce que certains pourraient réprouver : netteté et ténuité relative du drame. Voilà justement ce qu’un chef d’orchestre doit faire avec une œuvre de cette envergure : lui donner une facture distincte tout en respectant la partition. Or, une telle œuvre, imaginée au milieu des années 60 malgré son caractère sacré et la foi chrétienne de son concepteur, laisse une liberté plus grande aux exécutants qu’une œuvre classique du répertoire précontemporain, d’où l’aval de son compositeur dans ce contexte. Nagano n’est pas un artiste du paroxysme dramatique, son approche naturellement encline aux vertus méditatives de la musique, forcément plus réservée et plus intellectuelle, ne sied pas à tous les interprètes qui travaillent sous sa baguette… ces différences de perception et de valeurs entre maestro et musiciens peuvent générer à l’occasion des exécutions moins convaincantes, moins engagées. Dans le cas qui nous occupe, il n’en est rien. Cet enregistrement du concert donné le juillet 2018 au grand festival de Salzbourg révèle toutes les qualités de l’œuvre et expriment dans le même élan la singularité de la direction selon Nagano. Lui-même enfant de la Californie contre-culturelle des années 60, le maestro de l’OSM a su faire monter les œufs en neige aux moments opportuns de l’oeuvre (séquences extrêmement intenses assorties de formes très ouvertes) et choisir une certaine épure dans les passages plus spirituels de cette Passion selon saint Luc. Ainsi les solistes Sarah Wegener (soprano), Lucas Meachem (baryton), Matthew Rose (basse), Slawomir Holland (narration), le Choeur de garçons de Varsovie et le Choeur Philharmonique de Cracovie sont pour la plupart habités par cette œuvre titanesque, à la fois très contemporaine et atypique des années 60 pour sa dimension sacrée.
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