Comme nous tous, Paul McCartney a dû faire face au confinement en 2020, il a alors entrepris d’enregistrer dans son studio personnel. Entièrement conçu par l’homme-orchestre, McCartney III s’inscrit dans le sillon de deux projets soliloques réalisés en 1970 et en 1980, soit après la dissolution des Beatles et de Wings respectivement. Le premier de ces trois projets en one-man band annonçait la suite esthétique du Fab Four, qu’il avait enchaîné avec le mémorable RAM. Une décennie plus tard, il s’était bardé de synthés pour enregistrer McCartney II, ce qui était en soi une posture éditoriale à l’ère électro-pop. Nous voilà quatre décennies plus tard et Macca a encore envie de communiquer savoir-faire, grande maîtrise, émotions : séances acoustiques, groove soul (Deep Deep Feeling, superbe !), rock, country-folk, allusions à ses périodes indiennes, pop typiquement beatlesque, bref, tout ce qui caractérise son œuvre. Cette fois, aucune dissolution de groupe ne précède la démarche, l’isolement préventif de la pandémie en est le facteur déterminant. On y apprend peu du compositeur, mélodiste, multi-instrumentiste, réalisateur, clairement le meilleur musicien des Beatles quoi qu’on pense de ses talents de parolier, de ses positions idéologiques ou morales. En 2020, il s’est contenté d’être lui-même avec la voix à peine flétrie d’un septuagénaire en pleine possession de ses moyens. Il joue de tous les instruments, guitares électriques et acoustiques, basse, piano, orgue, claviers, synthés, batterie, flûtes, machines, il a enregistré, modifié électroniquement certaines prises et mixé tout lui-même. En bref, il recycle ses meilleures recettes tout en conservant la ferveur essentielle à toute composition pop. Que demander de plus à cet homme de 78 ans qui fait preuve d’une verdeur à toute épreuve ? On n’est jamais loin de la maquette, faut-il en outre le souligner. Ces aspérités bien présentes dans le mixage relativement sommaire confèrent à cet enregistrement une crudité pop éminemment sympathique qui peut représenter un avantage pour ce Macca assumant ses petits défauts au crépuscule de son existence, déployant néanmoins le savoir-faire d’un véritable yoda de la pop.
