Becca Stevens ne fait jamais deux albums identiques. Cette fois-ci, la native de la Caroline du Nord nous présente une pure création folk, avec voix et guitare accoustique, sans aucun doublage de piste. Becca se met à nu, derrière son unique instrument, comme l’indique la pochette.
Cet exercice fait mouche. Il touche l’âme, le cœur et le cerveau. La voix de Becca Stevens est complexe et transmet de multiples émotions. Sans être une grande virtuose, Becca dispose d’un jeu de guitare fluide et possède un excellent « finger picking ».
Comme univers, on peut penser à la Joni Mitchell de Blue, à Nick Drake et à la Britannique Laura Marling. Vocalement, on pourrait penser également à Sinead O’Connor. Mais c’est d’abord et avant tout Becca Stevens, qui arrive une fois de plus à se réinventer.
Becca Stevens reste relativement inconnue sur nos territoires, malgré une feuille de route très garnie : sept albums solos et de multiples collaborations, la plus connue étant au sein du quartette folk du légendaire David Crosby (ex Crosby, Stills & Nash), entre 2016 et 2021, baptisé le Lighthouse Orchestra.
C’est au sein de ce groupe, qui compte aussi le fondateur de Snarky Puppy, Michael League, que j’ai découvert Becca Stevens. J’ai creusé sa discographie et j’ai découvert une compositrice folk qui était attirée par la complexité; sur son album Weighless de 2011, on jurerait qu’elle est fan du groupe prog britannique Gentle Giant.
Becca Stevens a aussi fait un album magnifique avec le trio de musique orientale The Secret Trio, un disque jazz avec la pianiste Elan Mehler. Elle s’est également aventurée dans la pop alternative avec les albums Regina (2017) et Wonderbloom (2020), avec des résultats plus mitigés, mais toujours intéressants.
Becca Stevens expérimente sans arrêt. Elle a également fait un disque avec le quatuor à corde Attaca, que dirige son conjoint, Nathan Schéma.
Aujourd’hui âgée de quarante ans, elle tente avec Maple to Paper une réflexion intime sur la vie et la mort, au moment où elle est devenue maman tout en perdant sa maman. La première pièce, Now Feels Bigger Than The Past, est dédiée à David Crosby, récemment décédé. La chanson titre évoque le destin d’un arbre, qui se transforme en papier, pour arriver à une méditation sur le destin humain.
Cet opus alterne constamment entre la tristesse et le bonheur. Au moment d’écrire ces lignes, je n’ai pas encore saisi toute la profondeur des textes. Car Becca a aussi un talent certain pour l’écriture.
Avec Michael League et Sufjan Stevens (aucun lien de parenté), Becca Stevens incarne le meilleur de la musique populaire américaine actuelle.