Je me souviens encore du jour où j’ai craqué A Place to Bury Strangers, ce groupe noise-punk new-yorkais. Un de mes amis et moi faisions une expédition motorisée lorsque la chanson Worship a commencé à secouer et à déchirer les haut-parleurs de sa voiture. À cette époque, j’étais à fond dans le doom-métal, j’écoutais des groupes comme Electric Wizard, Uncle Acid & the Dead Beats et Pentagram. Cependant, j’étais las des thèmes récurrents de sorcières, de sectes, de gobelins et de goules. Je voulais quelque chose de lourd pour me « perdre dans le néant », pour ainsi dire, un truc sur lequel je pourrais me « dissocier » presque consciemment.
A Place to Bury Strangers (APTBS) avait un son imprégné de réverbération distordue qui m’a figé là. Worship sonnait plus lourd et plus sinistre que n’importe lequel des groupes doom-métal que j’écoutais, avec en plus la hargne punk d’un groupe comme The Germs.
Téléportons-nous une dizaine d’années plus tard, alors que APTBS lance See Through You, son sixième album qui fait suite à l’EP Hologram paru l’an dernier. Dirigé par le magicien du matos Oliver Ackermann [nous l’avons interviewé ici], qui joue le triple rôle de chanteur et de multi-instrumentiste (guitare, synthés, boîte à bruit), See Through You est beaucoup plus axé sur les accroches mélodiques que les autres albums d’APTBS.
Il y a toujours des « murs de son », mais les accroches vocales de chansons comme So Low ou la folie de Anyone But You semblent plus songées que le son qui « tape dans le rouge » des albums précédents. Ne vous méprenez pas, j’adore ce son qui tape dans le rouge, je n’écoute pas APTBS pour les paroles mais je devrais peut-être commencer, avec cet album. Broken, par exemple, est le truc le plus indie rock qu’ils aient jamais fait.
Il semble qu’Ackermann fasse vraiment confiance à son nouveau duo d’accompagnateurs mari et femme, John et Sandra Fedowitz (qui jouent de la basse et de la batterie). En fait, John et Sandra ont leur propre projet bruitiste, Ceremony East Coast, dont Ackermann a toujours été fan. John et lui ont également fait partie du groupe shoegaze Skywave, dans les années 90. Bref, la nouvelle formation fonctionne bien et pousse le son d’APTBS plus loin dans le vide cosmique.
De l’annihilation sonore, il y en a plein, comme dans I Disappear (When You’re Near), pièce qui peut vous désarçonner si le volume est au max (j’aurais dû me méfier). Ackermann est un type qui aime les choses qui sonnent la fêlure : haut-parleurs, guitares – les siennes sont généralement rafistolées comme des monstruosités frankensteiniennes –, pédales, cymbales. Cet homme repousse les limites du son contemporain. See Through You est un excellent album qui plaira à tous ceux qui veulent se plonger dans le noise-rock/post-punk, peu importe sa désignation, et qui rappellera aux fans finis l’époque glorieuse de Worship.