Un nuevo capítulo… Papi Chulo

Entrevue réalisée par Rupert Bottenberg

Ritmo de lo Habitual de Papi Chulo y su Grupo Invisible est la plus récente folie latino-futuriste du Montréalais Mariano Franco et de ses amis.

Genres et styles : cumbia / électronique / latino / synthwave / tropical bass

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Photos : Marie Belzil

Occupé comme cinéaste et sculpteur de jouets étranges, en plus de veiller à la bonne marche du restaurant familial Ta Chido (essayez les tortas !), le Montréalais d’origine mexicaine Mariano Franco trouve encore le temps de faire de la musique. Il en a d’ailleurs fait beaucoup au fil des ans. Arrivé à Montréal au milieu des années 90, il a commencé avec le groupe de métal Mi Santa Sangre avant d’enchaîner avec une série de groupes et de projets qui se sont mis au diapason de la nouvelle vague de musique latine qui a déferlé sur les Amériques. À chaque étape, Franco, son fidèle collaborateur Fernando Pinzón et leurs acolytes ont fait flotter le drapeau de la contre-culture latine dans le Nord, tout en faisant preuve d’une sensibilité cinématographique surréaliste. Pour sa plus récente formation, Franco a adopté le surnom de Papi Chulo. En 2017, il s’est lancé dans l’aventure avec La tierra promitida, un album électrocentrique de tropical bass à la fois sexy et inquiétant. Le voici maintenant de retour avec Ritmo de lo Habitual, un album qui est tout sauf habituel avec ses mutations futuristes de mambo, champeta, cumbia et plus encore. PAN M 360 s’est entretenu avec Franco pour en savoir plus et faire connaître son Grupo Invisible.

PAN M 360 : Vous faites la plupart des voix sur le disque. Pour les auditeurs qui ne comprennent pas bien l’espagnol, comment décririez-vous ce que vous faites sur le plan des paroles ?

Mariano Franco : Tout comme ma musique, mes paroles sont assez bizarres. Ce sont des images mises en mots, comme de longs haïkus qui parlent d’amour, de colère, de passion et d’idées métaphysiques d’une manière surréaliste et satirique. Il y a la chanson Dispárame al corazón, par exemple, qui est une chanson d’amour sur un type qui demande à son amour de le tuer au plus vite parce que son cœur ne bat plus. Satánico est comme une prière, une chanson sur la passion, la sueur et la fusion cellulaire, si cela peut avoir un sens, et El Encuentro est un poème sur deux univers qui entrent en collision.

PAN M 360 : On retrouve un goût prononcé pour la musique de films d’horreur italiens des années 1970 dans beaucoup de parties jouées au synthétiseur et le motif de synthétiseur dans Pa Que Lo Sepas me rappelle le thème un peu ninja de Shogun Assassin. Vous êtes vous-même cinéaste, quelle influence les bandes sonores de cinéma exercent-elles sur votre musique ?

MF : J’aime beaucoup les films et leurs bandes-sons, surtout ceux des années 60 et 70. Je viens d’acheter la bande originale de La Planète sauvage en vinyle parce qu’elle me rend fou avec toutes ses bizarreries et son psychédélisme. Je pense que ce que je fais s’apparente aux bandes sonores, parce que lorsqu’on compose de la musique pour le cinéma, on suscite des sentiments, on transmet des images, sans être contraint par une structure ou des formules musicales. On part sur un trip juste pour rehausser la dimension visuelle, et dans la musique de Papi Chulo il y a un peu de ça. Je ne me considère pas comme un musicien. Souvent, je ne sais même pas ce que je fais et, à cause de mon ignorance musicale, je m’appuie sur des impressions et des émotions plutôt que sur une structure, et tout cela aboutit à cet univers insolite appelé Papi Chulo.

PAN M 360 : Votre groupe comprend Fernando Pinzón à la basse. Ensemble, vous avez depuis une vingtaine d’années été membres de plusieurs groupes successifs, comment se fait-il que votre partenariat soit si solide ?

MF : Fernando est un collaborateur de longue date. Je pense qu’il comprend vraiment ce que j’essaie de faire musicalement. Nous avons collaboré à tellement de projets depuis la fin des années 90 que je pense qu’il sait comment fonctionne mon cerveau. Il est devenu une sorte d’oreille externe pour moi, une façon de savoir si je vais dans la bonne direction. C’est mon Jiminy Cricket. Il dit que j’ai une façon bizarre de faire de la musique, de mélanger des choses qui ne vont pas ensemble, mais il m’encourage à aller de l’avant, car il pense que c’est en même temps très beau.

PAN M 360 : Les arrangements de cuivres d’Étienne Lebel sont superbes, vraiment très efficaces et ont souvent une saveur étrange. Les percussions d’Omar Diaz, du Panama, ajoutent également beaucoup au disque, que pourriez-vous me dire à leur sujet et sur leur contribution ?

MF : Initialement, j’avais programmé toutes les percus et les cuivres et je m’apprêtais à sortir le disque comme s’il s’agissait d’un album de musique entièrement électronique. Puis, la pandémie est arrivée et a frappé durement la scène musicale, mais elle a aussi favorisé toutes sortes de collaborations artistiques. Étienne et Omar, qui ont déjà joué avec Papi Chulo dans le passé, m’ont tendu la main et m’ont dit : « Hé ! enregistrons toute cette musique de façon à ce que ça sonne vrai ! » Ils ont donc pris mes arrangements et les ont adaptés, et le résultat est très intéressant. Étienne enregistrait chez lui à Montréal et Omar à Panama City ! Ce sont de grands musiciens et je leur suis reconnaissant de leur collaboration et leur soutien.

PAN M 360 : Il y a trois chansons avec des chanteurs invités – Ultra K, Stephanie Osorio et Nagano Morro, qui est complètement dément sur Corriente Alterna –, qui sont-ils ?

MF : C’est la première fois que j’invite d’autres personnes à chanter mes chansons. J’ai senti que celles-ci ne voulaient pas de moi. Je voulais Ultra K pour El Encuentro, parce que sa voix a quelque chose de très particulier et donne à la chanson un aspect à la fois sombre et éthéré parfait. Pour Chispas, qui est une sorte de cumbia, je voulais une voix qui fasse écho au mélange de voix africaines, espagnoles et indigènes, le son des Caraïbes. Stephanie Osorio, qui chante avec Bumaranga, nous y emmène vraiment. On peut presque voir le coucher de soleil derrière les palmiers en écoutant la chanson. Corriente Alterna est une chanson sur le fait d’être différent et un peu dingue, c’est une chanson punk. Je connais Nagano depuis longtemps et après avoir écouté son nouveau projet funk-métal DéKorà – Tira Barrio, je savais qu’il serait parfait pour cette chanson. Il a vraiment mis le paquet. Quand je lui ai envoyé le morceau, il m’a fait cinq différentes pistes de voix !

PAN M 360 : La pochette de l’artiste serbe Mihailo Kalabic est vraiment remarquable, comment êtes-vous arrivés à cette image ?

MF : En jetant un œil sur mon Instagram, je suis tombé sur le travail délirant de Mihailo et j’ai aussitôt su que c’était ce que je voulais pour cet album. Je lui ai envoyé un mot et la musique, et il m’a dit : « Je suis très occupé mais j’adore la musique et je suis prêt à réserver un peu de temps pour faire la pochette. » Je lui ai envoyé un autre mot dans lequel je relatais un trip de champignons magiques il y a environ 15 ans, à l’occasion duquel des esprits africains m’ont guidé et aidé à me reconstruire. Il m’a alors fait parvenir ce croquis qui dépeint de façon magique cette expérience. J’étais en état de choc ! C’est comme s’il avait trippé avec moi. J’aime l’illustration de la pochette parce qu’elle représente vraiment mon univers. Elle reflète aussi l’époque à laquelle l’album a été conçu, une période sombre de pandémie et de politiques obscures, c’était vraiment mon paysage intérieur et l’art de Mihailo rend vraiment bien mon désir de voir au-delà de l’ordinaire un univers de possibilités magiques et infinies.

PAN M 360 : Comme je l’ai mentionné, vous et Fernando avez participé à plusieurs groupes et projets ensemble, dont le Psychotropical Orchestra et Sonido Nordico, le collectif de DJ dont fait également partie Marie Belzil. Vous avez été les premiers hérauts et représentants du Nord du renouveau de la cumbia qui a commencé il y a 15 ou 20 ans. Il s’est avéré que ce renouveau s’est poursuivi et la cumbia est maintenant plus répandue et diversifiée. Que pensez-vous de la situation actuelle de la cumbia dans le monde ?

MF : La cumbia se rend aujourd’hui à des endroits que personne ne connaissait à l’époque quand nous expérimentions dans les années 2000. Des DJ et des producteurs célèbres dans le monde entier jusqu’aux artistes grand public, la cumbia occupe maintenant une place bien méritée dans le cœur des gens qui aiment faire de la musique et danser. Lorsque nous avons commencé, nous pensions que la cumbia allait disparaître et revenir à ce qu’elle avait été pendant longtemps, une musique pour une frange de la société latino-américaine, mais depuis elle s’est épanouie et s’est imposée comme la reine de notre musique, le gène musical que nous partageons de l’Argentine au Mexique et qui est maintenant reconnu même au Japon. Je ne sais pas ce que l’avenir lui réserve, on l’a croisée au rock, au hip-hop, à la musique électronique, elle a été sur-instrumentée par de grands orchestres et réduite au minimum par les expérimentateurs. Je suppose qu’elle vivra éternellement.

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