SOMMM toute… Ariane Moffatt, DRMS et cie.

Entrevue réalisée par Alain Brunet

Ariane Moffatt et D R M S, Étienne Dupuis-Cloutier de son vrai nom, érigent des ponts. Deux rives générationnelles sont ainsi reliées, deux rives stylistiques, deux façons de faire devenues SOMMM, dont le premier album vient de paraître sous étiquette Mo’Fat Productions. Cultures indie pop, hip-hop, électro, franco et anglo se trouvent au confluent d’une pop de création bien en phase avec son époque, Ariane et D R M S en sont les maîtres d’œuvre. PAN M 360 a emprunté ces ponts avec leurs constructeurs.

Genres et styles : électro-pop / hip-hop

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PAN M 360 : Ariane, tu es sans conteste la personnalité la plus connue de ce projet collaboratif, quelle était ta motivation de travailler avec cette nouvelle génération de musiciens québécois rompus au beatmaking hip-hop ou électro ?

ARIANE : « C’est parti après Petites mains précieuses, mon dernier album solo. Ayant alors misé surtout sur une approche néo-seventies, j’avais le sentiment de ne pas être allée jusqu’au bout de ce que cet album aurait pu être. J’ai eu un sentiment d’urgence et je suis allée vers Étienne pour essayer autre chose, rattraper la part que je n’avais pas accomplie. Finalement je suis allée au bout de quelque chose d’autre, c’est là que ça s’exprime. »

PAN M 360 :  Quelle était l’esprit de la conception du projet SOMMM ?

ARIANE : « On n’avait pas de plan, c’était un projet studio à la base. Avec un artiste invité par chanson, l’idée était de mener un projet plus en phase avec les façons de faire d’aujourd’hui plutôt que de travailler pendant deux ans sur un album à 100 000 $. L’idée était de mettre en marché une chanson à la fois et… on s’est fait prendre au jeu : on sort un album complet. »

ÉTIENNE : « Tu pars de zéro et tu montes une chanson le jour même, tu fais les beats, les arrangements, les hooks (accroches). Pour notre première séance, on a travaillé comme ça et ça a vraiment cliqué.  Pour Ariane comme pour moi, il y avait une nouveauté de création, un mélange de modernité et de old school, un équilibre idéal. Au lieu de l’introspection tout seul dans son coin, c’était de pouvoir faire ça ensemble. Nous étions capables de mener ça plus loin en créant un album, c’est devenu un vrai projet. »

ARIANE : « Nous venons tous deux d’une forme de songwriting classique. Alors soit que ça nous mène à être plus conformistes dans nos structures, soit que ça nous permet de ne pas faire que des beats, textures ou échantillons, mais de vraies chansons avec ces pratiques. C’est un mélange. Dans cette optique, nous voulions sortir de la chanson avec feature rap, nous voulions les chansons plus aériennes, décloisonnées. Les douze mesures d’un rapper qui débarque, faut que ce soit cohérent, il faut manipuler la structure afin qu’elle devienne une chanson. »

PAN M 360 : Plus concrètement, quelle était la manière de faire?

ARIANE : « Nous étions toujours ensemble dans la création, vraiment ensemble. Chacun dans son studio, mais nos deux ordinateurs ouverts en même temps. Mon piano était toujours là… On s’envoyait des tracks par AirDrop et… Le peaufinage de la production, c’est un bal qui peut durer de longues heures. Ce travail, c’est aussi du songwriting. On peut aujourd’hui considérer l’ordinateur comme un instrument de musique à part entière. »

ÉTIENNE : « J’adore travailler en studio avec des gens qui ont des idées pour enregistrer la voix. Ariane me lance des idées sans arrêt, c’est du matériel créatif vraiment inspirant. Ça me permet à mon tour de développer l’idée et de produire la voix. En tant que producteur et créateur, y a rien que j’aime plus que de recevoir des idées des artistes, puis retourner traiter tout ça dans mon studio. »

PAN M 360 : Vous êtes à la fois musiciens, arrangeurs, beatmakers et réalisateurs dans ce projet. Expliquez-nous.

ÉTIENNE : « Auparavant, j’ai tourné avec Ariane, Coeur de pirate et d’autres artistes. Je jouais de la batterie, des percussions, des synthétiseurs. En 2016, j’ai décidé de me concentrer sur la production et la composition. J’ai dû réfléchir à la méthode de production, ce qui m’a mené à DRMS. Ça m’a permis de multiplier les collaborations en tant que réalisateur et de faire SOMMM avec Ariane. J’ai dû explorer plus en profondeur, autant le rap que la pop. J’ai dû observer comment les autres travaillent et collaborent, ce qui est super enrichissant. Le travail collaboratif est en vogue; de plus en plus, les producteurs veulent travailler ensemble, partager leurs connaissances, partager différentes visions du traitement vocal par exemple. »

ARIANE : « Je suis en train de me pincer!  Je peux parler du tuning de ma voix et de la production! Je travaillais avec DRMS, je ne me colle pas l’étiquette de réalisatrice mais je m’intéresse à la production en tant qu’auteure, compositrice et interprète. Ainsi je pousse mon côté producer et ça nourrit la création. »

PAN M 360 :  Parlez-nous de cette diversité d’artistes impliqués à vos côtés ? 

ARIANE : « On s’est retrouvés avec la nouvelle garde du hip-hop et aussi avec des filles musiciennes que j’aime beaucoup. J’avais envie d’aller voir comment ils créent, comment ils fonctionnent, ce qui les anime. Je jouais à la cool girl qui invite les petits jeunes dans son studio. On a beaucoup ri avec l’écart d’âge! »

ÉTIENNE : « Quand tu proposes à un artiste de se joindre à nous, il lui faut de l’air, une dose de liberté. On fait des sessions, on construit une forme ensemble, on complète le songwriting préliminaire. On peut se dire hé! ça prendrait peut-être de vrais instruments – basse, batterie, guitare… De fil en aiguille, la chanson se précise, c’est un terrain de jeu. Après ça, Ariane et moi, on doit s’assurer que c’est ce qu’on veut. »

PAN M 360 : Des exemples?

ARIANE : « Sur une ou deux tounes où l’on voulait plus de liveness, on a pris la basse de François Plante et la batterie de Max Ballavance, une section rythmique pas piquée des vers!  Ils se retrouvent notamment dans la chanson Le ciel s’est renversé, qui implique aussi Rosie Valland. Rosie est venue en studio faire une session avec sa propre proposition : ce chorus imbriqué dans le texte que j’avais commencé à écrire, c’est exactement ce qu’on cherchait. Get Well Soon impliquait le rapper Maky Lavender. Il est venu avec ses tracks prêtes à insérer dans la chanson. Il m’appelait madame Ariane, haha ! J’ai joué la basse sur cette chanson, je ne me suis pas gênée puisqu’on peut traiter, éditer, mener ça ailleurs. »

ÉTIENNE : « Pour la chanson Essence, La F est arrivée en studio, deux producers, trois MC avec Ariane, tout le monde composait ensemble, une chanson brute était conçue à la fin de la journée, suivie de longues séances de fine tuning en studio, allers-retours sur les textes, etc. On vivait un bel équilibre entre spontanéité et travail structuré. Il fallait être attentif, chaque recoin des chansons devait être pris en compte. »

ARIANE : « Plutôt introverti, le beatmaker Ruffsound est très important dans les carrières de rappers québécois, à commencer par Loud. Avec lui, on a amorcé la chanson Finir seule… et puis un poulet jerk, une couple de bières et woop! Sunshine était en chantier! J’ai alors l’idée d’un chorus en anglais, Clay and Friends m’est venu en tête, et ainsi de suite. Idem lorsque pour la chanson Danger j’ai écrit zay… c’était sûr que FouKi y apparaîtrait. J’ai aussi pensé à Marie-Pierre Arthur pour Chérie. Je ne m’imaginais pas quelqu’un d’aussi près de moi pour jouer ce climat d’intimité, nos voix parlées se mélangent et ça finit l’album en douceur. » 

PAN M 360 : En SOMMM… où ce projet vous a-t-il menés?

ARIANE : “J’ai eu beaucoup de questionnements pendant tout ce travail. Je voulais que ce soit émotionnellement crédible sans avoir l’air de trop essayer. C’était le risque de faire des chansons de cette manière, Ce fut mon plus gros défi.”

ÉTIENNE: “Rien n’a été forcé. Ça faisait plusieurs années que je voulais faire quelque chose du genre, mais ça prenait un contexte, ça prenait une Ariane devant. Ça prenait une artiste avec une identité assez forte pour lier tout ça et qui prenait bien soin de conserver son identité à travers ce processus. Et ça prenait des jeunes, cette nouvelle garde de millénariaux assez ouverts pour faire évoluer leur travail à travers ces rencontres. Ils se sont sentis valorisés à travers ce projet, ce fut très enrichissant pour nous tous. Et si ça peut créer des ponts, c’est tant mieux.”

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