Philip Glass… et le côté givré d’Angèle Dubeau

Entrevue réalisée par Alain Brunet
Genres et styles : minimaliste / musique contemporaine

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Pleinement appuyée par l’organisation veillant à l’interprétation publique des œuvres de Philip Glass, Angèle Dubeau s’applique actuellement à dresser un second portrait du fameux compositeur, dont le buste devrait apparaître sur le Mont Rushmore du minimalisme américain aux côtés de Steve Reich, Terry Riley ou La Monte Young… si cette cime existait, bien entendu.

Un premier portrait de Glass avait été rendu public sous étiquette Analekta en 2008, certes l’un des meilleurs enregistrements de l’entier répertoire de l’ensemble à cordes La Pietà. Qu’en sera-t-il du second?

L’enregistrement de nouvelles œuvres ou extraits d’œuvres est prévu ce printemps mais les mélomanes qui aiment cette inclination givrée de la violoniste auront droit à un avant-goût de choix à la Salle Bourgie.

« Au fil des ans, amorce Angèle Dubeau sur le site web du MBAM, j’ai enrichi mon répertoire de signatures uniques de créateurs qui marquent notre époque, en développant des portraits musicaux qui m’ont nourri et fait grandir intellectuellement et musicalement. À la demande générale, et pour mon plus grand plaisir, je vous invite à vous joindre à moi et aux musiciennes de La Pietà pour une soirée envoûtante, entièrement consacrée au visionnaire infatigable et icône vivante du courant minimaliste, considéré comme l’un des compositeurs les plus influents du 20e siècle. »

 

PAN M 360 : On vous joint dans les Laurentides. Pas de ski aujourd’hui à Mont Tremblant  ? 

ANGÈLE DUBEAU : Pas en ce moment ! J’ai les oreilles pleines de notes de Philip Glass. Il fait froid aujourd’hui et je suis très bien lorsque je me retrouve seule avec mon violon!  Honnêtement, quand je suis à la production, au développement des programmes,  quand je vais aller fouiller et essayer des affaires avant les arrangements, je suis heureuse ! On me dit « Tu travailles quand même sur ton 48e album » et je dis non je suis encore motivée comme au premier. La direction artistique  est toujours excitante. 

PAN M 360 : Et le prochain album est consacré à Philip Glass, ce qui en soit est un gros facteur de motivation.

ANGÈLE DUBEAU : Philip Glass, si prolifique. Il a 86 ans et il continue! C’est tellement une icône, il a tellement écrit de musiques différentes. On dit qu’on le reconnaît d’entre tous avec ses marches harmoniques qui montent et descendent. Tu sais, je m’attends à ce que beaucoup de gens diront oui mais Philip Glass, on le reconnaît entre tous. Tu as quand même les marches harmoniques qui montent et descendent et tout ça mais sais-tu quoi? Il a des élans de plus en plus romantiques. Mon grand plaisir, c’est d’aller chercher la diversité de Philip Glass, de l’étaler. 

PAN M 360 :  Votre premier album consacré à Philip Glass est l’un de vos meilleurs, raison de plus pour prolonger le plaisir!

ANGÈLE DUBEAU : Et je suis très fière de ce premier Portrait! Cet album m’avait menée dans une sphère complètement différente.

PAN M 360: Votre relation avec le compositeur remonte aux années 80, on peut comprendre cette fidélité.

ANGÈLE DUBEAU: Dans les années 80, il faut dire, j’avais découvert la musique de Philip Glass et ses contemporains, comme Steve Reich, Terry Riley, La Monte Young, etc.  J’avais assisté à un concert de Glass dans les années 90, et j’avais été vraiment fascinée, moi qui étais dans les concertos de Beethoven, de Brahms ou de Sibelius.

Woops, je découvrais une autre façon d’écrire la musique, une autre façon de la concevoir et tout, ça me titillait pas mal !  Dans les années 90, je suis entrée en contact avec lui parce que je voulais jouer son premier concerto pour violon qu’il écrivait pour Gidon Kremer. Il m’avait dit “ J’aimerais travailler ce concerto avec toi car il y a des choses dont je ne suis pas encore certain, je ne sais pas si c’est assez violonistique. Alors j’ai bien sûr accepté l’offre et je suis allée à New York pour travailler sur ce concerto. Et puis ensuite je l’ai joué. 

PAN M 360 : Ce côté givré d’Angèle Dubeau gagne encore à être découvert. Alors après avoir pris contact avec ce maître, comment y êtes-vous  revenue?

ANGÈLE DUBEAU : Les années ont passé, j’étais dans d’autres répertoires avec La Pietà,  je me suis dit qu’il était temps que j’aille de nouveau vers Philip Glass et j’ai fait ce premier opus lui étant consacré.  Depuis lors, j’ai rejoué souvent sa musique, j’ai écouté souvent sa musique qui me nourrit et je suis restée en contact avec son équipe qui me connaît bien. Alors avant les Fêtes, je suis entrée en contact avec eux, puis je leur ai dit Ah, ça me tente de faire un nouveau portrait.  On m’a dit oui oui , tu as carte blanche, tu peux arranger à ta façon, on te fait confiance, on sait ce que tu es capable de faire, on sait que ton travail est respectueux envers l’œuvre de Philip. J’ai donc carte blanche pour faire ce que je veux, c’est extraordinaire!  Et là je m’éclate parce qu’ il y a des choses comme que je n’ai pas mis au programme de La Salle Bourgie mais que je vais jouer pour la simple et bonne raison que je ne savais pas si c’était une bonne idée ou pas, mais ça en est une très très bonne. 

PAN M 360 : Semble-t-il que le programme annoncé sur le site du MBAM soit modifié pour le concert du 2 mars.

ANGÈLE DUBEAU : Oui, car je ne savais pas exactement tout ce que je ferais au moment où nous avons prévu jouer Glass à Bourgie. Il y aura des œuvres du portrait que j’ai fait en 2008.   

Donc nous ferons  l’ouverture de  La Belle et la Bête, le Quatuor à cordes no 3 Mishima, un mouvement de la Suite de The Hours. Sinon, je vais dans du nouveau pour moi. Alors je fais l’Opening de Glassworks, c’est une signature, cette fameuse utilisation du triolet sur un rythme binaire.

Aussi je ferai le dernier mouvement de sa Symphonie no 3 pour cordes, une commande du Stuttgart Chamber Orchestra. C’est une œuvre classique dans son écriture, un de ses plus classiques de Philip Glass dans laquelle il a donné presque un rôle de soliste à tous les musiciens d’un orchestre à cordes. D’autres versions ont été faites par la suite et il y aura maintenant la version Pietà pour 12 cordes. 

Je vais faire aussi mes deux mouvements préférés (2 et 5 ) de la Suite Bent, écrite pour quatuor à la fin des années 90. Je jouerai aussi une œuvre beaucoup plus récente, écrite en 2018 pour un quintette piano et cordes qui s’intitule Annonciation, plus classique et plus mélodique que jamais. C’est sûr qu’il y a des passages de montées harmoniques mais vraiment c’est entrecoupé de formulations plus classiques.

Également à ce programme, je vais jouer deux pièces de la musique d’un film documentaire, A Brief History of Time.  

D’autre part, j’ai déniché une magnifique version pour violon et piano d’une musique du film Candyman, par Michael Riesman qui est aux côtés de Philip Glass depuis toujours. Michael a travaillé avec Philip d’une Suite pour violon et piano, une œuvre que je peux qualifier de romantique côté Glass, de laquelle je fais une mouture sur mesure pour La Pietà. Ça chante dans cette œuvre, c’est mélodique,  ça coule de source, et l’on n’a pas ces montées d’arpèges qu’on lui connaît.  On est ailleurs! 

De plus, j’ai choisi de jouer Metamorphosis, écrite à l’origine pour piano et dont j’ai entendu ad nauseam plusieurs versions différentes. Moi j’ai décidé de revenir à l’originale, soit prendre les parties de piano et les colorer avec les cordes et, franchement, j’en suis très contente. 

En dernier lieu, j’ai débusqué une sonate pour violon et piano très rarement jouée et enregistrée, et dont je jouerai le 3e mouvement transformé pour La Pietà. C’est un mouvement très fourni démentiel sur le plan technique. J’ai hâte que Philip entende ça ! 

PAN M 360 : Évidemment, ces pièces ou extraits de pièces sont arrangés pour 12 cordes et piano de La Pietà.  

ANGÈLE DUBEAU :  Oui. Il y a toutefois des moments dans certaines œuvres où l’on se retrouve en formation plus réduites mais grosso modo c’est fait pour La Pietà. Et puisque je suis une femme fidèle, je suis retourner travailler avec l’altiste et excellent arrangeur François Vallières. C’est sûr qu’avec les années, je suis rendue pas mal rapide sur les arrangements, comment je les veux. Et François me connaît tellement bien qu’on se devine tous les deux. Nous avons une grande expérience commune, il a signé tant d’arrangements pour La Pietà, tu ne peux pas changer ça. C’est toujours très agréable de travailler avec lui, dans le respect mutuel. Des fois on essaie des choses et il reste très souple avec mes demandes. Nous formons une très belle équipe et ce nouveau travail sera joué pour la première fois. 

PAN M 360 : S’ensuivra l’enregistrement du 2e Portrait consacré à Glass, dans quelques mois.

ANGÈLE DUBEAU : À partir de ce que nous avons déjà préparé, je pense avoir les deux tiers de mon prochain album. Après quoi je vais peaufiner et ajouter d’autres idées pour l’enregistrement, je vais fouiner un peu partout pour compléter ce deuxième Portrait de Philip Glass. Il y aura possiblement des solos et duos. 
PAN M 360 : À suivre!

LE CONCERT D’ANGÈLE DUBEAU ET LA PIETÀ CONSACRÉ À PHILIP GLASS EST PRÉSENTÉ CE JEUDI 2 MARS, 19H30, À LA SALLE BOURGIE.

BILLETS ET INFOS, C’EST ICI

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