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Il s’appelle Moulaye Dicko, mais on le connaît sous celui de Dicko Fils. En quelque 20 années de carrière, le musicien burkinabè, joueur de kora et de n’goni, a produit douze albums, dont le tout récent La route. Une vedette dans son pays natal (le Burkina Faso) et dans une large partie de l’Afrique de l’Ouest, l’artiste a néanmoins dû emprunter le chemin de l’exil et s’installer à Montréal. Car, voyez-vous, l’homme, plutôt timide, n’a quand même pas froid aux yeux et s’est investi depuis 2016 dans une cause humaniste, celle de combattre certaines traditions ancestrales comme les mariages forcés des jeunes filles, l’excision, et le refus d’éduquer les filles pour les confiner au rôle de femme de maison. Cet engagement courageux dans une société encore très attachée à ces coutumes lui a valu des problèmes avec des opposants. Des problèmes suffisamment graves pour l’obliger à s’installer sous des cieux certes plus froids, mais aussi plus cléments pour ce genre de militantisme.
C’est donc à Montréal que Dicko Fils à finaliser la construction de La route, le douzième album de sa carrière. Un album qui poursuit dans la même voie que les précédents, c’est-à-dire celle d’une adaptation des rythmes, couleurs instrumentales et particularités mélodiques de la musique traditionnelle peule à la modernité. Tant à travers la cohabitation des instruments traditionnels et modernes (guitares, batterie, lutherie électronique), il y a également l’apport de facettes stylistiques importées d’autres genres musicaux qui permettent un arrimage conséquent de la musique de Dicko avec celle d’autres stars de la musique ouest-africaine. On peut penser à Salif Keita et Oumou Sangaré. Là encore, selon Dicko, cette modernisation n’a pas toujours été facile. Certains lui ont reproché de ‘’gâter’’ la tradition peule. Mais il a poursuivi son chemin, accumulant sur celui-ci des dividendes appréciables comme l’appréciation et l’admiration d’une nouvelle génération de musiciens peuls qui sillonnent désormais dans les traces laissées derrière lui.
Quand je lui demande de dresser un bilan de sa carrière, de ces 20 années de musique et des résultats dont il est fier, il me dit que c’est le message de paix entre les peuples qui a été entendu par des milliers et des milliers de ses compatriotes qui lui font penser qu’il y a lieu d’être positif. Mais, tout de même, il a dû s’exiler. Le combat ne peut pas encore s’arrêter, et ce combat il affirme être prêt à le mener à partir d’ici, désormais.
Lors du concert de lancement donné au Balattou le 8 mars 2025, de nombreux représentants de festivals étaient présents avec pour résultat que Dicko a des engagements pour la prochaine saison de Québec à Hamilton, en passant par Ottawa et Halifax (et Montréal bien sûr).
Je lui demande comment s’est passé sa relocalisation. Il ne ment pas : ç’a été difficile. D’ailleurs, il était en tournée quand des menaces sérieuses lui ont été proférées. L’exil a donc été très subit, sans trop de réflexion ni de préparation. Mais Dicko avait déjà un bon réseau au Québec. Montréal est depuis longtemps une ville visitée par l’artiste lors de ses nombreuses tournées. Nuits d’Afrique et d’autres amis lui ont permis d’atterrir relativement en douceur. Il ne fait pas de doute que l’accueil positif qu’il a reçu l’aide à amortir le choc et à se concentrer sur la poursuite de sa mission et de sa carrière (les deux sont intimement liées désormais).
La route est donc en partie balisée par une certaine montréalitude, et ce pour notre plus grande fierté, car il s’agit d’un album d’Afro pop bien mené, bellement produit et qui a toutes les qualités requises pour se démarquer sur les scènes où Dicko Fils se présentera.
Déjà, confirme-t-il, il a reçu des appels d’ailleurs dans le monde pour aller le présenter en concert. La route est droit devant, pas en arrière.