Paramirabo : Seuls ensemble

Entrevue réalisée par Marie-Pierre Brasset

La remise des prix Juno qui devait avoir lieu en mars dernier a été reportée à une date encore inconnue, laissant derrière une multitude d’artistes méritant d’être célébrés. Parmi ceux-ci, l’Ensemble Paramirabo, en lice pour l’album classique de l’année avec Alone and Unalone, consacré au compositeur canadien James O’Callaghan. PAN M 360 s’est entretenu avec le compositeur ainsi que Jeffrey Stonehouse, flûtiste et directeur artistique de l’ensemble. Nous avons abordé la genèse et la création de l’album, dont un des enjeux fondamentaux a été l’adaptation d’une musique conçue pour la salle de concert à un support enregistré, sujet drôlement pertinent en ces temps si particuliers.

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Crédit photo : Lou Scamble

PAN M 360 : Quelle a été la genèse de l’album ? Qu’est-ce qui vous a poussé à le faire ?

Jeffrey Stonehouse : La création de l’album a été motivée par une fascination profonde pour la musique de James. Après avoir collaboré avec lui à la création de son œuvre AMONG AM A en 2015, j’ai de nouveau fait appel à lui pour un concert Carte Blanche lors de notre saison 2018-2019. Pour ce concert, les musiciens de Paramirabo ont eu la chance de découvrir ses autres sextuors et créer une toute nouvelle pièce, Alone and Unalone. Son titre est devenu celui de notre album et résonne de façon singulière en ces temps étranges que nous vivons.

PAN M 360 : Y avait-il un concept particulier pour le contenu de l’album? (À part que ce soit un album monographique.)

James O’Callaghan : Ce qui lie ces œuvres, curieusement, c’est le fait qu’il semble paradoxal de les enregistrer pour un album. Ces pièces ont toutes été conçues pour la salle de concert et elles jouent spécifiquement avec ce contexte. Il y a beaucoup d’aspects spatiaux dans la musique, des déplacements des interprètes sur la scène et, plus fondamentalement, une réflexion sur la fonction de la musique de concert.

L’album est donc devenu l’occasion d’expérimenter avec les illusions spatiales et l’imagerie dans le mixage, les façons de « simuler » le mouvement des musiciens, la spatialisation électroacoustique, la distinction entre un son acoustique et un son amplifié, etc. pour un enregistrement stéréo. Par exemple, nous avons passé beaucoup de temps à enregistrer des pas et des grincements de chaises pour « fabriquer » cette présence humaine artificielle. Ces moments ont été particulièrement amusants et captivants.

Crédit photo : Anna van Kooij

PAN M 360 : Comment s’est déroulé l’enregistrement ? 

Jeffrey : Le processus d’enregistrement a été un peu, comment dire, surréel. Comme interprètes, nous avons rarement l’occasion de plonger aussi longtemps dans l’univers sonore d’un compositeur. Les parties instrumentales des œuvres de James requièrent une attention particulière en ce qui concerne le synchronisme rythmique de l’ensemble, et ce, afin que les hits soient parfaitement coordonnés.  Je considère que ces moments d’attaques tutti sont des moments forts de l’écriture de James. Comme nous sommes un ensemble non dirigé, ça ajoute du piquant à nos séances d’enregistrement car il faut réussir à tous percevoir la musique de la même façon au même moment.

PAN M 360 : Comment décririez-vous la musique de James ?

Jeffrey : Ce que j’adore dans sa musique, c’est qu’on ne perçoit pas la différence entre les éléments acoustiques et électroniques. C’est complètement fou car, parfois, on écoute sa musique et on ne distingue pas les instruments des sons de la bande! 

On se sent comme si on était en train de se promener dans un environnement où les sons de la nature ou de la ville se mêlent à l’écriture instrumentale. Selon moi, présentement, il n’y a pas de compositeur qui réussisse une telle mixité d’éléments acoustiques et électroniques. C’est une musique fascinante. Étrange, mais fascinante.

PAN M 360 : Comment décrirais-tu l’interprétation et le jeu de Paramirabo ?

James : Sans peur. C’est pour ça que je me sens libre de prendre des risques et d’essayer des choses un peu étranges avec eux. Je me souviens lorsque j’ai remercié l’ensemble d’avoir été si ouvert, Jeff m’a répondu : « Ce n’est pas notre premier rodéo! »  La direction artistique de l’ensemble est plutôt polystyliste, alors ses interprètes sont incroyablement flexibles et expérimentés dans de nombreuses techniques et approches de jeu différentes. De plus, ils sont tous formidablement talentueux.

PAN M 360 : L’album est en lice aux prix Juno, comment avez-vous pris la nouvelle ?

Jeffrey : Je l’ai apprise par texto d’une amie qui écoutait le lancement en direct. Quelle incroyable surprise! Surtout après avoir reçu le prix Opus Interprète de l’année… Être sélectionné aux côtés de Marina Thibeault, James Ehnes et du Quatuor Molinari, entre autres, est un grand honneur et témoigne d’une grande ouverture de la part des Juno. 

James : C’est particulièrement significatif car il est assez rare qu’un album de musique contemporaine expérimentale se retrouve dans cette catégorie, aux côtés d’interprètes des géants du classique.

PAN M 360 : Quel est l’impact de la pandémie sur votre saison, et votre carrière ?

Jeffrey : Ouf! L’impact pour Paramirabo est énorme. Il va sans dire que les musiciens de l’ensemble qui sont tous pigistes ont perdu énormément de travail. Paramirabo de son côté a dû annuler deux autoproductions à Montréal qui incluaient trois créations. Une reprise montréalaise de Alone and Unalone était prévue le 3 avril dernier en même temps que la création de l’arrangement de Voi(Rex) pour voix d’homme de Philippe Leroux dans le cadre du Forum IRCAM à Montréal. C’est un grand deuil pour l’ensemble, d’autant plus que nous avions déjà commencé les répétitions. De plus, Paramirabo a dû reporter un concert à Berlin (encore en collaboration avec James). Finalement,  il y a l’annulation du stage de Musique Nouvelle du Domaine Forget où nous étions en résidence. Mais au-delà de tout, ne plus se voir et ne plus faire de la musique ensemble est infiniment triste. Nous avons très hâte de nous retrouver!

James : C’est assez démotivant, pour être honnête. Mais en même temps, j’ai beaucoup de chance en tant que compositeur car mes revenus sont fondés principalement sur des commandes. Contrairement aux interprètes, mes moyens de subsistance ne sont donc pas vraiment en jeu, et je continue de travailler sur mes différents projets, dont l’avenir est incertain.

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