METZ, ou le bruit du changement

Entrevue réalisée par Patrick Baillargeon

Avec Atlas Vending, METZ signe l’album de la maturité… mais ne s’assagit pas pour autant.

Genres et styles : noise-rock / post-punk

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Crédit photo : Norman Wong

Pour ce quatrième album studio, le trio de Toronto affirme être rendu à une autre étape de son existence. METZ est toujours aussi brutal, tordu et malaisant mais avec Atlas Vending, le groupe pousse sa musique vers de nouvelles dynamiques, explorant le thème de la croissance et de la maturation à grands coups de rythmiques martiales et de riffs tordus. Dans toute cette furie et ce maelström sonique, il se cache quelques hooks, signe que le combo, à défaut de s’adoucir, se veut légèrement moins oppressant et anxiogène. Le bassiste de la formation, Chris Slorach, nous en dit davantage à propos de cette nouvelle charge et de ce que cette nouvelle maturité signifie pour le groupe.    

PAN M 360 : La photo qui illustre votre quatrième album est fascinante, l’image est forte. Quelle est son histoire et que signifie ce titre, Atlas Vending ?

Chris Slorach : C’est vraiment difficile à dire. Ce titre a de nombreux sens mais à un niveau plutôt personnel. Une grande partie de cette signification est d’ailleurs liée à notre croissance et à notre évolution. Ce terme n’a peut-être pas de sens littéral, mais ce qu’il signifie est important pour le groupe. C’est difficile à expliquer comme ça. Pour ce qui est de la photo, elle a été prise par le père d’Alex [Edkins, guitariste et chanteur], il est photographe amateur. Cette photo attendait depuis environ trois ans de trouver une maison. Nous avons d’abord pensé l’utiliser pour un 45 tours, puis nous avons changé d’avis. Pour la pochette de ce disque, nous sommes passés par cinq ou six maquettes, mais nous revenions toujours à cette photo. Plus nous la regardions, plus il était évident qu’elle devait figurer sur la couverture de ce disque. Je pense que c’est une photo vraiment puissante, qui colle vraiment à la musique. 

PAN M 360 : Tu parles de croissance et d’évolution, qu’entends-tu exactement par là ?

Chris Slorach : Les influences et les modes de vie, ce que nous sommes en tant que personnes; nous avons tous beaucoup grandi et changé au fil des ans. Nos influences sont en constante évolution. Nous sommes tous de grands fans de musique et d’avides collectionneurs de disques, et nos influences musicales sont très différentes de ce qu’elles étaient il y a dix ans. Mais aussi sur le plan personnel, Alex et moi sommes tous deux mariés et sommes maintenant parents. Je suis au début de la quarantaine, je ne suis plus un jeune homme. Les choses qui sont importantes pour moi au quotidien sont très différentes de ce qu’elles étaient auparavant. Tous ces changements ne peuvent pas se produire dans votre vie sans affecter ce que vous faites, n’est-ce pas ? La façon dont nous abordons la musique a changé, tout comme notre vie au quotidien. 

PAN M 360 : Et en ce qui concerne ces différentes influences, peux-tu en citer quelques-unes ?

Chris Slorach : Je suis très inspiré et influencé par ma femme et mes deux enfants. Je trouve que c’est une force motrice pour moi et une source d’inspiration pour travailler fort. Musicalement, j’ai beaucoup écouté Charlie Megira, c’est un véritable caméléon. Certains trucs ressemblent à une rencontre entre les Cramps et Santo and Johnny, et d’autres peuvent ressembler à Joy Division. Ça part vraiment dans tous les sens. J’ai aussi une longue histoire d’amour avec le métal, je suis allé plusieurs fois à Montréal pour voir des concerts de métal. Cette année, j’ai réécouté beaucoup de vieux métal, mais il y a aussi un groupe de Finlande qui s’appelle Oranssi Pazuzu qui a sorti un disque incroyable cette année. Et puis je réécoute de vieux trucs comme les Kinks. J’ai lu des bouquins sur des groupes assez instables et l’histoire des frères Davies est assez fascinante. 

PAN M 360 : Peux-tu me dire comment et quand l’album a été enregistré ?

Chris Slorach : Nous l’avons enregistré fin novembre, début décembre 2019. À Providence, dans le Rhode Island, avec Seth Manchester (Daughters, Lingua Ignota, The Body) et notre ami Ben Greenberg (Uniform). Nous avions commencé à composer un an, un an et demi avant d’entrer en studio. Nous avons sorti Strange Peace (2017), nous l’avons beaucoup joué en tournée et nous avons pris quelques mois de congé pour récupérer. Puis, je suis parti jouer de la basse avec un groupe appelé Daughters et quand je suis revenu, nous nous sommes mis au travail. Nous avons écrit ce disque et nous sommes allés à Providence pour le faire. Tout s’est passé comme sur des roulettes; nous étions très bien préparés. Nous avons enregistré et mixé le disque en 14 jours.

PAN M 360 : Couvrant des thèmes apparemment disparates tels que la paternité, l’anxiété sociale écrasante, la dépendance, l’isolement, la paranoïa induite par les médias et l’envie de tout plaquer, chacune des dix chansons d’Atlas Vending offre une sorte d’instantané de la situation actuelle. Si tu ne m’avais pas dit à quel moment le disque a été enregistré, j’aurais pensé que vous l’aviez fait durant la pandémie, c’est la trame sonore parfaite pour la pandémie. Cela dit, tous vos albums pourraient être la trame sonore parfaite pour une pandémie ! 

Chris Slorach : Je pense que nous fonctionnons avec suffisamment d’anxiété pour survivre à toute une pandémie (rires). Nous avons quatre albums de pure anxiété si vous en voulez ! Celui que nous écrirons pendant la pandémie ne comportera qu’un banjo acoustique, question de nous sortir vraiment de notre élément (rires).

PAN M 360 : Vous avez choisi de travailler avec un réalisateur sur cet album. Vous ne vouliez pas travailler avec Steve Albini comme vous l’avez fait sur votre précédent ? Est-il trop cher ?

Chris Slorach : Nous n’avions jamais travaillé avec un réalisateur avant ce nouvel album. Albini était l’ingénieur du son du précédent. C’est quelqu’un de très compétent pour qui le studio n’a pas de secrets, c’était donc une situation idéale pour nous. Or, j’ai développé une relation amicale avec Seth, et quand nous nous sommes demandés où enregistrer le disque, le studio de Seth s’est révélé l’endroit tout indiqué. C’était tout naturel de travailler avec eux. Nous voulions une situation confortable avec des visages familiers pour nous sentir chez nous et faire ce disque en nous amusant plutôt qu’en ayant l’impression de travailler. Je ne dis pas que travailler avec Albini n’est pas amusant. Ce l’est, c’est un gars très gentil, il est incroyablement talentueux, mais nous cherchions quelque chose de plus amical. Et travailler avec Seth et Ben nous a aidés à nous sentir dans notre élément. C’est donc notre premier album fait avec un réalisateur, nous avions toujours assuré la réalisation nous-mêmes. 

PAN M 360 : Dirais-tu que cet album est plus mélodique que les précédents ?

Chris Slorach : Oui, je le pense. C’est impossible de le nier avec des chansons comme Hail Taxi ou A Boat to Drown In, il y a des mélodies évidentes. Je pense que nous avons toujours cherché à avoir des éléments accrocheurs dans notre musique, nous aimons tous la structure des chansons de rock’n’roll. Cet album révèle une évolution dans l’écriture de nos chansons, mais il y a aussi une confiance qui vient à force de jouer. Nous nous sommes donc sentis plus en confiance en faisant ce disque, assez pour faire un disque plus mélodique. 

PAN M 360 : Peux-tu nous résumer l’évolution du groupe depuis ses débuts ?

Chris Slorach : Quand nous avons commencé, nous étions davantage un groupe de math-rock avec des chansons plus longues. Nos premiers 45 tours étaient assez longs et plus lents, puis avec le temps, nous sommes devenus un groupe de rock’n’ roll beaucoup plus simple et direct. De l’extérieur, un auditeur occasionnel ne remarquera peut-être pas ce genre d’évolution, de croissance et de mouvement vers l’avant que nous ressentons au sein du groupe. Nous avons le sentiment qu’avec chaque disque, nous avons fait un pas en avant et évolué. Comme le dit Alex : « le changement est inévitable si vous avez de la chance ». C’est donc ce que nous essayons de faire, nous cherchons à nous améliorer dans l’écriture de nos chansons et dans la maîtrise de nos instruments et à évoluer librement dans l’espace que nous créons; grandir personnellement et en tant que musiciens à chaque nouvelle sortie d’album.

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