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Comme une nouvelle planète révélée aux confins du système solaire, le trio tokyoïte KUUNATIC est un ajout relativement récent et éminemment digne d’intérêt à la constellation du psycho-rock japonais, ainsi qu’à la passionnante vague panasiatique de musique alternative imprégnée de folklore, de croyances et de rituels. Fondé il y a cinq ans, le trio tribal-psychique composé de la claviériste Fumie Kikuchi, de la batteuse Yuko Araki et de la bassiste Shoko Yoshida (toutes les trois chantent) a donné naissance à un univers sonore étrange mais attrayant, conçu à partir d’éléments d’anciennes traditions du monde entier, de musique plus exploratoire des dernières décennies et de leur propre imagination débridée. Leur dernière parution est l’album Gate of Klüna, produit par Tim DeWit de Gang Gang Dance. Écouter cet album ouvre une porte vers un monde en soi, à la fois familier et mystérieux. PAN M 360 a contacté ces émissaires de la planète Kuurandia pour obtenir des renseignements et des révélations, qu’elles nous ont fournis collectivement.
PAN M 360 : Gate of Klüna raconte une histoire précise au cours de l’enregistrement, un arc de l’histoire de la planète imaginaire Kuurandia. Pouvez-vous résumer brièvement ce cycle d’histoire?
KUUNATIC : Le titre de notre premier microalbum, KUURANDIA, est le nom d’une planète imaginaire sur laquelle nous vivons. Comme le prologue d’une histoire, la dernière chanson du microalbum, Battle of Goddesses, parlait de l’Armageddon des divinités. Par conséquent, une nouvelle planète est née, Kuurandia. Nous avons donc étendu le concept à notre nouvel album Gate of Klüna, qui s’inspire de mythes anciens. L’histoire se déroule comme suit : les cloches sacrées sonnent à l’aube d’une nouvelle ère. Notre nouvelle impératrice se lève, avec en tête des refrains magiques. Alors que la planète prospère, les Kuurandiens organisent un bal sous la pleine lune et célèbrent les récoltes. Cette période de paix semble durer éternellement, jusqu’à ce qu’un gigantesque volcan émerge au milieu des montagnes de la lune. Les KUUNATIC chantent des mantras énigmatiques comme des prières, pour empêcher son éruption. Cependant, des envahisseurs non identifiés apparaissent de sa lave et la guerre commence. Les KUUNATIC se battent et lancent des sorts magiques. Finalement, ils gagnent la bataille. Puis trois pythonisses entonnent un chant de triomphe mystique, conduisant leur peuple vers une forêt profonde et onirique.
PAN M 360 : Vous n’êtes pas les seules artistes à présenter à votre public votre vision d’une utopie, d’une terre ou même d’un monde imaginaire (comme Kuurandia). Un tel endroit n’est pas nécessairement un paradis, mais on peut gagner à explorer ces idées, tant pour l’artiste que pour le public. Pour les membres de KUUNATIC, quel est l’intérêt de faire cela?
KUUNATIC : Pour nous, la musique est une expérience surréaliste. Vous avez votre propre réalité, mais vous pouvez vous évader dans un monde différent lorsque vous créez ou écoutez de la musique. Vous savez que c’est un fantasme, mais nous aimons penser que notre musique est quelque chose qui coexiste avec votre réalité, un univers parallèle que vous pouvez expérimenter. C’est à la fois très onirique et très excitant. Lorsque les auditeurs nous font parvenir des commentaires, nous pouvons nous remémorer cette expérience surréaliste.
PAN M 360 : Il y a des éléments typiquement japonais dans la musique de KUUNATIC. J’entends le minyo, la musique traditionnelle des festivals, dans Dewbow et Full Moon Spree, par exemple. Mais j’entends aussi des éléments empruntés à d’autres traditions folkloriques et spirituelles du monde entier. Pouvez-vous nous donner quelques indications à ce sujet?
KUUNATIC : Kuurandia est ancienne mais aussi future. Il n’y a pas de frontières géographiques sur cette planète. Nous essayons probablement d’imaginer une utopie en fusionnant musicalement des cultures dispersées dans le monde entier. Cela nous fait toujours réaliser que des cultures sans aucun rapport peuvent avoir des coutumes très similaires, et que le monde est en fait connecté. Jouer de la musique de manière primitive est aussi notre principale façon d’incarner des sentiments mystiques que tous les êtres humains peuvent avoir en commun.
PAN M 360 : De même, vous utilisez plusieurs langues dans vos paroles, vos noms et vos titres. Parfois, les langues sont même mélangées. Japonais, anglais, finnois, je pense qu’il y a même un peu d’hawaïen dans les paroles de Lava Naksh. Quel est, selon vous, le but de la langue dans l’art que vous créez?
KUUNATIC : Chaque chanson que nous composons a une histoire et nous aimons adopter les langues en fonction de la narration. L’utilisation et le mélange de différentes langues ont simplement du sens pour nous pour colorer et façonner le récit. Certaines paroles que vous pourriez penser être japonaises sont en fait dans notre propre langue appelée Kuurandish, qui est basée sur la phonologie japonaise. C’est aussi une expérience très fascinante pour nous de découvrir comment les gens vont percevoir nos idées, en écoutant notre musique et les langues.
PAN M 360 : Il y a d’autres musiciens asiatiques qui mélangent le psych-rock avec des éléments traditionnels et folkloriques, en ce moment. On peut citer Mong Tong, de Taiwan, ou Haepaary et TENGGER de Corée du Sud. Ressentez-vous une affinité ou une parenté particulière avec ces groupes ? Il semble parfois que cette musique soit plus appréciée par le public étranger que dans votre pays.
KUUNATIC : Notre concept principal est fantaisiste, donc ça peut différer légèrement de leurs styles, mais nous sommes de grands fans de musique tribale et traditionnelle. Nous aimons beaucoup leur musique aussi. La musique de cultures différentes semble souvent très exotique et plus excitante pour les autres, c’est ce que nous ressentons. Mais cela nous fait aussi aimer davantage nos propres racines.
Photo : Shawn Chao