FLABBERGAST:  savant mélange entre introspection et humanisme

Entrevue réalisée par Salima Bouaraour
Genres et styles : électronique / house / minimaliste

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Existe-t-il une formule miracle de la longévité d’un projet musical? Comment réagir et s’adapter au monde de la musique en constante transformation sans perdre son âme? Est-il toujours nécessaire de se positionner quant aux multiples paramètres de la production, de la promotion et de la distribution? 

À fortiori, Flabbergast se promène, avec le plus de sérénité possible, entre tous ces enjeux, depuis plus de vingt ans. Vincent Lemieux et Guillaume Coutu-Dumont nous retracent la naissance de ce projet parti d’un simple remix qui a évolué en production protéiforme et modulable, déjouant les distances entre le Québec et l’Europe ainsi que les défis engendrés par les constantes mutations, ici ou ailleurs. 

Initialement musicien jazz, Guillaume s’affirme rapidement sur la scène électronique et s’implique rapidement avec un des plus grands festivals de cette scène: Mutek. Vincent Lemieux, programmateur de ce dernier et rapidement lancé dans la gestion de son label, Musique Risquée, développe une affinité authentique de création avec son compair. 

Profitant de la sortie de leur dernier EP -Sol 668- PAN M 360 a eu une conversation riche et enjouée avec FLABBERGAST sur les enjeux de la scène musicale à Montréal, la recherche constante d’un équilibre entre la rentabilité financière et l’épanouissement personnel à travers les expériences humaines tout en établissant la nécessité absolue d’établir régulièrement une introspection sur soi et la création. 

PAN M 360: Même si Flabbergast est inscrit dans le paysage sonore montréalais depuis longtemps,  on serait ravi que vous récapituliez la genèse de ce projet musical.

FLABBERGAST 

VINCENT: Le projet a démarré en 2003 afin de répondre à une soumission du Festival Mutek pour le projet musical de Beaupré et Deadbeat en faisant une série de remix de leur album, It is a Crackhaus Thing. Moi, j’ai commencé à faire de la musique et Guillaume était bien impliqué déjà. Après s’être lancé ensemble dans cette première ébauche de Flabbergast, Guillaume a dû s’en aller à Berlin pour une belle opportunité professionnelle. Malgré son exil en terre germanique, nous avons poursuivi le projet à distance. De plus, je partais souvent voir Guillaume quelques semaines par an et nous avons continué à produire. D’ailleurs, l’effervescence de la scène électronique européenne nous a beaucoup apporté en termes de créativité et de rencontres fortuites fructueuses. 

GUILLAUME : Lors de mon retour à Montréal en 2016, on s’est remis à temps plein, cette fois-ci, sur la production. Nous nous sommes investis à 200%. Travailler à deux nous permet de nous stimuler et de nous motiver l’un l’autre. J’adore, à la fois, travailler seul et multiplier les collaborations. Néanmoins, je dois avouer que Flabbergast m’a toujours tenu à cœur et j’avais la volonté très forte de pousser le projet. 

VINCENT: J’aime travailler avec Guillaume car ça m’apporte un cadre avec des dates limites de rendu de projet. 

GUILLAUME : Effectivement, on peut passer un temps incroyable à travailler en studio sans jamais voir le temps passer. Mais, on se cadre pour concrétiser des sorties et jouer live aussi. 

PAN M 360: Flabbergast est régulièrement en performance au Salon Daomé, à Montréal. Néanmoins, il semblerait que vos prestations à l’extérieur soient beaucoup plus de mise. Est-ce un choix de votre part de vous exporter davantage à l’international? Quels sont les défis à rassembler un public, ici? Est-ce problématique de trouver des lieux adéquats à Montréal?

FLABBERGAST

VINCENT:  Ce n’est pas toujours évident de se faire inviter à Montréal. Tout est une question d’équilibre, tout le temps, entre les tendances musicales, le choix des lieux et le travail des programmateurs. Ça fait plus de 20 ans que j’organise des soirées pour  y jouer et me faire plaisir avant tout! J’en suis à ma 110ième Soirée Risquée, sans compter les autres événements. J’ai une relation spéciale avec le Salon Daomé. Je suis en lien avec ses artisans depuis leur début. Cependant, il est arrivé que je sois un peu en retrait à certains moments en fonction des tendances musicales présentes ou influentes dans la ville. 

GUILLAUME : Il faut avouer aussi que lorsqu’on est très actif, le besoin de s’exporter devient évident voire essentiel. Les opportunités sont restreintes aux alentours comme jouer de temps en temps à Toronto, Ottawa, Québec. Et voilà, plus ou moins. De plus, il est difficile pour de nombreux lieux ou promoteurs de payer des cachets qui ont de l’allure pour les artistes professionnels. La scène et les conditions en Europe sont beaucoup mieux développées et avancées à tous les niveaux. Ce qui nous intéresse aussi sont les relations humaines plus chaleureuses et conviviales. 

VINCENT : Rien que pour citer un exemple. On est allé jouer au Liban. Le show était une expérience incroyable!! Et passer du temps avec les gens là-bas était tout aussi gratifiant. Partager leur mode de vie, avoir un vrai partage, développer des amitiés: ça n’a pas de prix! Je vais souvent en Turquie, au Liban et en Allemagne. 

GUILLAUME : On essaye de trouver un équilibre entre des contrats bien rémunérés pour rentabiliser notre tournée et des contrats où l’expérience humaine doit passer avant tout. Mais, je dois avouer que je veux surtout me faire plaisir et me connecter avec les autres. C’est notre « golden rule ». On ne peut pas juste miser sur des contrats qui sont pour moi des transactions financières car j’ai l’impression de perdre mon âme dans ces moments là. 

VINCENT: C’est complètement vrai! Si on ne fait que ça, ça vous déshumanise. Et je pense qu’en termes de créativité, ça a un impact certain. 

PAN M 360: Berlin, Bâle, Zurich, Barcelone, Santiago, Bueno Aires, Birmingham, Paris…Une liste non exhaustive des villes qui vous ont accueillies. Comment le public à l’étranger expérimente-t-il votre musique? Un lieu vous a-t-il plus marqué que d’autres?

FLABBERGAST 

VINCENT: Objectivement, que la salle soit pleine ou vide, on se donne toujours à fond sur scène. Après, il faut avouer que lorsque le public est nombreux et réactif, ça ajoute de l’énergie, c’est certain. Et l’inverse, aussi. Nous ne sommes pas qu’à la recherche de la performance absolue. Il arrive parfois que ce sont les à-côtés qui nous marquent le plus comme l’accueil, les after, l’ambiance ou l’énergie de la ville. On a un attachement particulier avec Berlin. Jouer à Berlin, c’est comme jouer à Montréal. On se sent chez nous. 

GUILLAUME: Il n’y a pas de science exacte pour créer une soirée parfaite. Les paramètres évoluent constamment. 

VINCENT: Le facteur fatigue joue aussi sur notre perception. J’adore aller au Japon pour la bouffe (hahaha!) et j’adore la Turquie, même si les conditions pour jouer ne sont pas toujours optimales. 

GUILLAUME: Le public fait l’expérience de nos prestations de façon variée en fonction de plusieurs facteurs: live set ou hybride, programmation des autres groupes sur place, ambiance dans la ville etc. Techniquement, on donne toujours le maximum de nous-mêmes. Parfois, le public pense que l’on fait un DJ set, mais en fait, pas du tout. Ça dépend toujours du degré d’ouverture du public et de ses affinités.

PAN M 360: Après la création de Musique Risquée, un nouveau label  est lancé. Pourquoi?

FLABBERGAST

GUILLAUME : On vient de lancer notre label! Oui. Et ça s’appelle Copier Coller. 

VINCENT : Musique Risquée est toujours dans mon cœur. J’ai créé ça avec Marc Leclair et je l’ai pas mal géré seul par la suite. C’était un label pour aider la communauté, pour sortir les projets des proches. C’était un « carnaval » musical et léger avec une pointe d’humour en électronique. Je voulais permettre à la communauté  de sortir de la minimale épurée stricte et hyper sérieuse.  

GUILLAUME : De plus, on est ultra productif en studio et parfois, on s’est senti restreint dans nos sorties. Copier Coller va nous servir pour notre auto-production et fournir la machine autant que l’on veut. Cela nous permettra d’élargir nos options. Pour sortir notre musique sur des gros labels, cela doit passer par tout un processus. Cela peut prendre des années. Il y a de nombreuses étapes à franchir. Par exemple, avec le label de la galerie d’art Yoyaku, à Paris, j’ai un album qui est prêt depuis 2017 et c’est toujours pas sorti.

VINCENT : Il faut ajouter que l’on produit de la musique très variée en termes de style. Parfois, les labels voudront sortir certaines tracks et d’autres sont moins demandées, mais elles nous plaisent tout autant à nous. Alors, on trouve cela intéressant d’ouvrir plus d’options sur nos sorties et hausser notre degré de liberté et de prise de décision. On espère que la plateforme Bandcamp nous aidera à promouvoir nos sorties numériques. Sortir du vinyle, ça engage des gros frais et un engagement de vente sur un certain échéancier. 

GUILLAUME : Pendant longtemps, je refusais de sortir un disque s’ il n’y avait pas de sortie physique. Mais, je dois me résigner à tous ces changements. Le digital devient une alternative plus qu’acceptable. Après, je dois reconnaître qu’être patient avant la sortie d’un disque, c’est toute une philosophie de temps de réflexion sur une espèce d’introspection. Si j’écoute un album que j’ai produit il y a plusieurs années et qu’il me plaît encore, alors c’est la garantie que le travail a été bien fait. Parfois, sortir trop rapidement sa musique peut être un jeu risqué. Pour résumer, Copier Coller, c’est surtout une bulle de liberté pour nous. 

  C’est aussi un projet familial. Le frère de Guillaume nous fait les visuels. On a du fun. 

PAN M 360: Quelques mots sur la dernière sortie musicale?


FLABBERGAST: Oui! On a fait une sortie sur Copier Coller: un EP, intitulé Sol 668. C’est un 3 titres electro minimal house. Allez écouter ça!

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