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Dans le contexte de cette semaine internationale de musiques nouvelles présentées par Le Vivier, la thématique Résonance croisée culmine ce week-end avec deux quatuors montréalais, Bozzini (cordes) et Quasar (saxophones), ainsi que deux ensembles allemands établis à Hanovre, soit Flex Ensemble (cordes) et ur.werk (orchestre de chambre).
À l’Espace orange du Wilder, le programme de vendredi, 19h30, combine Quasar et le Flex Ensemble celui de samedi, 19h30, lie le Quatuor Bozzini à l’ensemble ur.wer.
Directrice artistique de Quasar et membre fondatrice du Vivier, la saxophoniste virtuose Marie-Chantal Leclair nous cause de ces Résonances croisées entre Montréal et Hanovre.
PAN M 360 : Peut-on en savoir plus long sur ur.werk ?
MARIE-CHANTAL LECLAIR : ur.werk. est un ensemble de musique contemporaine basé à Hanovre et placé sous la direction artistique de la compositrice et accordéoniste Snezana Nesic. C’est un ensemble à géométrie variable. Ils viennent cette fois à 6 musiciens : accordéon, flûte, clarinette, violon, violoncelle, piano, + un chef.
PAN M 360 : Quel est le lien programmatique avec Flex Ensemble dans ce contexte ?
MARIE-CHANTAL LECLAIR : Flex est également un ensemble de musique contemporaine basé à Hanovre, c’est une instrumentation fixe (violon, violoncelle, alto et piano).
PAN M 360 : De quelle manière cette collaboration avec ces artistes allemands s’est-elle construite?
MARIE-CHANTAL LECLAIR : Snezana a participé en 2017 à une résidence à Montréal (3 mois environ) dans le cadre d’un résidence croisée entre Le Vivier et Hellerau (Dresde) soutenue par le CALQ et le Goethe Institute. J’ai entendu sa musique, je l’ai rencontré, des liens se sont tissés.
En parallèle, j’ai découvert la musique du compositeur canadien Gordon Williamson car il a participé à un appel de projet de Quasar, suite auquel nous lui avons commandé une œuvre. Il s’est avéré (c’est un hasard total!), que Gordon est installé à Hanovre, où il enseigne la composition et travaille. Snezana a aussi enseigné la composition à Hanovre dans la même institution. De plus, dans la vie, la violoncelliste de Flex est la conjointe de Gordon….
PAN M 360 : Que cherchiez-vous à tirer de leur activité créatrice?
MARIE-CHANTAL LECLAIR : Les échanges tels Montréal-Hanovre représentent la rencontre avec l’autre. L’autre, avec qui nous avons des choses en commun mais aussi des différences. Cela représente l’ouverture sur un milieu différent, des approches esthétiques autres, des façons de travailler. À travers eux on découvre de nouveaux compositeurs et compositrices, etc. Le milieu québécois de la musique de création est très riche mais il n’empêche qu’on a besoin d’aller voir (entendre plutôt!) ailleurs.
Et aussi, on a envie de partager, c’est très stimulant de voir Flex ur.werk travailler avec des compositeurs d’ici, Ofer Pelz, Jean Lesage, Michael Oesterle, Andrew Staniland, et de savoir que ces œuvres seront présentés à un nouveau public à Hanovre.
Plus particulièrement dans la situation actuelle, post-pandémie, la guerre, on a besoin de ces ponts, de ces échanges, de cette fraternité entre les artistes.
PAN M 360 : Pouvez-vous nous fournir quelques éléments de compréhension sur les formes et les enjeux de ces œuvres exécutées par Quasar dans ce programme?
MARIE-CHANTAL LECLAIR :
Tjarbe Björkson : Friction Sounds , 2020
Une œuvre d’un jeune compositeur d’Hanovre que nous avons rencontré là-bas. Sa pièce est un grand climax, basé sur des motifs rythmiques répétitifs, complexes. La difficulté est de maintenir cette grande montée et de garder la cohésion rythmique à travers tout ça. La pièce est courte mais physiquement exigeante, de l’ordre de la performance, un 200 mètres?
Snezana Nešić : Quatre graffitis pour le début du temps , 2022
C’est la première œuvre de Snezana que nous jouons, c’est donc en premier lieu la découverte d’un univers, d’un imaginaire sonore dont il faut s’imprégner, qu’il faut apprivoiser et faire sien. La pièce existe sur le papier, dans la tête de la compositrice, mais en fait il faut, nous les interprètes, la mettre au monde. Il faut aussi avoir une vision globale d’une nouvelle œuvre que l’on aborde par petits morceaux.
C’est une œuvre qui requiert beaucoup de polyvalence, jeux rythmiques, création de couleurs, mode de jeu « trompette » etc. . C’est une écriture très claire mais avec beaucoup de détails et tous les détails sont importants pour que la pièce se tienne et trouve son sens.
Gordon Williamson : : Breathing Room , 2021
Il s’agit d’une pièce spatialisée, il n’y a pas de métrique comme telle (à part dans quelques sections) mais tout est très organisé et placé. Cela requiert une immense écoute de la part des interprètes d’autant que nous sommes loin les uns des autres. Il faut aussi maîtriser les nuances très douces, les subtones, les attaques en douceur, ça prend beaucoup de contrôle.
Il y a aussi des sections jouées avec les becs seulement et cela requiert une grande précision au niveau des hauteurs, ce qui est très inhabituel. La pièce se termine d’ailleurs par un « choral » de becs…que nous avons répété, répété,….
Georges Aperghis : Crosswind , 1997
Crosswind est une pièce qui est de l’ordre du théâtre musical dont Aperghis est un grand maître. La pièce est écrite pour quatre saxophones et violon alto. Le quatuor représente la meute et le violon alto la proie. Cela demande une grande cohésion d’ensemble entre le quatuor et l’altiste. C’est pour nous une première collaboration avec l’altiste de Flex.
Il y a une véritable dimension théâtrale à la pièce, c’est un dialogue, une bataille, entre les saxos et l’alto. Il y a des parties récitées mais dans une langue imaginaire (assez difficile à prononcer!). C’est à la fois drôle et tragique. Il faut une grande maîtrise instrumentale vu la complexité de l’écriture mais aussi être capable de transcender cela pour rendre la dimension dramatique de l’œuvre.
PAN M 360 : En quoi ce répertoire est-il distinct dans votre corpus d’interprétation?
MARIE-CHANTAL LECLAIR : Ce répertoire est en adéquation avec notre démarche, aller de l’avant, poursuivre l’exploration, poursuivre les nouvelles collaborations, se dépasser. Encore une fois, on se met sur la corde raide, on se donne à fond.