Axlaustade : Le futur sera grunge

Entrevue réalisée par Patrick Baillargeon
Genres et styles : grunge / rock / rock alternatif

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Axlaustade, c’est l’histoire un peu cocasse et pas banale de trois musiciens partageant une passion commune pour le grunge et l’alternatif des années 90. Relisez lentement le nom du groupe, vous saisirez peut-être le clin d’oeil.

La bande, Francis Mineau (Malajube), Jonathan Dauphinais (Beast, Ariane Moffatt, Milk & Bone…) et Steve Dumas (Steve Dumas) a eu un jour envie de se faire plaisir en allant enregistrer à Chicago chez Steve Albini, réalisateur émérite dont la réputation n’est plus à faire. Les trois complices n’avaient pas encore de nom de groupe, pas de chanteur ni de chanteuse, mais ils avaient des chansons. Ils n’avaient cependant pas calculé l’arrivée d’un gros fouteur de merde appelé Covid…

Exit Albini.

Le groupe, au lieu de baisser les bras s’est plutôt retroussé les manches en se disant qu’ils avaient bien trop de fun à jouer ensemble pour tout balancer. La suite ? On préfère les laisser vous la raconter.

PAN M 360 : Axlaustade… On ne saisit pas nécessairement l’ironie du premier coup. Ensuite, après avoir fait le lien et écouté votre musique, que vous qualifiez de grunge du futur, ça commence à faire du sens. Ça part d’où toute cette histoire ?

Jonathan Dauphinais: Je connais Steve depuis longtemps et on est tous les deux des grands fans de musique. On est connecté par la route 122; lui vient de Victo et moi de Drummondville. On a pas mal les mêmes influences des années 90, comme Sonic Youth, Pixies, Breeders, Weezer et Nirvana bien entendu. Donc pour mon quarantième anniversaire je dis à Steve que j’aimerais ça enregistrer à Chicago avec Steve Albini. Il paraît qu’un de ses buts est d’enregistrer le plus de musique possible, de rendre ça accessible au plus grand nombre de bands possible. Donc j’ai écrit au studio et on a reçu une réponse avec des disponibilités pour enregistrer avec Steve Albini.

Steve Dumas : On s’est dit « go on le fait! ». Francis s’est rajouté au projet, on s’est mis à jammer, dans l’unique but d’aller enregistrer avec Albini. On n’arrivait pas avec des chansons ou avec des riffs, on improvisait au local et on enregistrait tout ça sur un Iphone et à partir de ça on a construit les chansons.

Jonathan Dauphinais : Le but était d’obtenir un polaroid très spontané du projet, un truc très simple, sur bandes analogiques, sans machines, sans ordis. Ça nous a aussi forcé d’être le plus précis possible afin de pouvoir enregistrer nos morceaux en deux prises, sans anicroches. Comme pour dire « voilà, c’est ça qu’on fait, c’est ça que nous sommes ».

Francis Mineau : Et ça ce n’est jamais arrivé en passant ! (fou rire général)

Jonathan Dauphinais : En fait nos sessions de studio devaient se dérouler du 15 au 18 mars 2020… On partait trois jours là-bas, on était hébergé au studio, on faisait des journées de 10 heures – 12 heures avec Steve Albini, on enregistrait, faisait les overdubs et puis on mixait. On serait revenu avec notre petit bonheur fort de cette belle expérience, on aurait envoyé ça aux amis et ça aurait été ben l’fun…

PAN M 360 : Bon, revenons en au nom du groupe. Comment en êtes-vous arrivé à cette signature improbable ?

Jonathan Dauphinais : Quand Francis a rejoint le groupe, on voulait qu’il se sente inclus. Comme c’est un grand fan de baseball, il a même fait son mémoire sur la place du baseball dans la littérature québécoise, on a tenté de trouver des noms ayant un certain lien avec ce sport. Losange, Alou, des noms d’oiseaux car dans le baseball y’a beaucoup d’équipes avec des noms d’oiseaux, Stade Olympique, Expos…

Steve Dumas : À un moment donné, autour du mot stade, on a bifurqué vers le fameux show des Guns‘n Roses au stade, et c’est là qu’Axlaustade nous est venu en tête. Quelques semaines pus tard, après avoir réfléchi à ce nom, on trouvait que ça faisait quand même du sens. Nevermind est sorti en 1991, un an après y’a eu ce spectacle au stade… Donc ce nom était assez significatif par rapport à une époque qui nous a marqué, qui a marqué le Québec même. En plus de l’humour derrière le nom, on trouvait qu’il collait bien à l’essence de notre projet qui est un peu une lettre d’amour à toutes les musiques de cette époque.

PAN M 360 : Malgré la non expérience Albini, vous semblez néanmoins avoir accordé une grande importance au son, et tout particulièrement la batterie qui est vraiment mise de l’avant avec un son clair et puissant.

Axlaustade : YEAH! (fou rire général)

Jonathan Dauphinais : À la mi-mars 2020, tout s’est arrêté, même nous on ne pouvait plus se voir tous les trois dans la même pièce et il n’était pas question qu’on s’envoie des trucs qu’on aurait fait chacun de son bord. Mais une semaine avant de partir chez Albini, on s’est fait une sorte de pratique d’enregistrement, comme si on était en studio avec Albini; on s’est installé au studio de notre ami Éric Lamothe et on a joué toutes les chansons. Donc on s’est retrouvé avec une sorte de pré-prod.

Steve Dumas : On avait ce démo et on se disait que ça ne sortirait probablement jamais, mais à un moment donné je revenais de Victo en voiture avec un ami et je lui fais écouter le truc. Il a beaucoup aimé et nous a suggéré de faire paraître tout ça. On en a parlé entre nous et on a décidé de continuer, qu’on donnerait ça à nos amis sauf que ce ne serait pas enregistré par Albini.

Jonathan Dauphinais : Éric (Lamothe), qui a fait la prise de son, nous a invité à revenir et tout enregistrer en prenant un peu plus notre temps, en s’installant comme il le faut. On s’est remis à répéter, on a composé de nouvelles pièces, ce qui nous donnait assez de matériel pour faire un album, car chez Albini ça n’aurait été qu’un E.P. Alors on s’est lancé. On se rendait là tôt le matin et on essayait de faire au moins une chanson avant midi. Au bout de deux semaines on avait pas mal de musique.

Steve Dumas : Ensuite on s’est demandé ce qu’on allait faire au niveau des arrangements. Donc on s’est mis à scénariser les pièces, à créer de petites histoires autour de nos morceaux. On va y arriver aux drums mais avant il faut qu’on te raconte tout le cheminement ! (rires) Ce qui fait que toutes nos chansons ont une histoire, qui se passe souvent dans le centre du Québec, dans notre coin. Alors on a créé des vidéos là-dessus, des petits films qui soutiennent nos histoires mais qui ne sortiront jamais…

Jonathan Dauphinais : Quand on s’est retrouvé pour déterminer ce qu’on allait rajouter, ou pas, à notre prod, on a tous trouvé que ça prenait quelque chose pour préciser un peu mieux ce que nos chansons veulent raconter. C’est ainsi qu’on s’est mis à scénariser; Steve créait des vidéos d’histoires qu’on s’était racontées et ensuite on montait ça sur la chanson et ça nous permettait ainsi de créer une sorte de trame sonore aux éléments visuels. Donc si y’a par exemple une vitre qui casse, alors on s’arrangeait pour créer un son similaire à celui d’une vitre qui casse au même moment. L’idée était de créer un certain dynamisme, du mouvement.

Steve Dumas : Pour te donner un exemple concret, la chanson Axl au stade c’est vraiment l’histoire du gars qui part de Warwick pour se rendre au fameux show de Guns‘n Roses et ça change sa vie. Ainsi, quand dans la chanson tu entends une sorte de chaos, c’est en fait l’émeute au show. Ensuite, on s’est retrouvé avec tout ça mais on ne savait pas qui allait mixer. Jo de son côté connaissait Justin Raisen depuis un an par rapport à un autre projet sur lequel il travaillait.

Jonathan Dauphinais : Tous les albums que j’aimais, comme le dernier de Kim Gordon ou celui de Yves Tumor, c’est lui qui a travaillé dessus. Alors je l’ai contacté et lui ai demandé d’essayer de mixer une de nos chansons, pour voir un peu ce que ça pourrait donner. D’une chose à l’autre, il s’est ramassé à mixer l’album au complet, sans qu’on lui donne vraiment de direction.

Steve Dumas : Quand il nous est revenu avec l’album entièrement mixé, on a eu la même réaction que toi et on s’est dit « wow, il a mis les drums vraiment de l’avant ! ». Si c’était Francis qui avait mixé l’album, personne ne lui aurait permis de mettre les drums aussi forts. (fou rire général). Ça nous a beaucoup donné confiance en ce projet, de voir que ce gars là y croyait vraiment.

Jonathan Dauphinais : Je pense que c’est une bonne chose qu’on n’ait pas eu de contrôle là-dessus. Car sinon on aurait passé notre temps à lui dire monte ceci, baisse cela, revient à ce que t’as fait avant… Là il avait un peu carte blanche.

PAN M 360 : Pourquoi avoir choisi de ne faire que des pièces instrumentales ?

Jonathan Dauphinais : On n’a pas démarré ce projet avec l’idée de faire ça avec ou sans voix. Si y’avait eu un ou une chanteuse dès le départ avec nous, on aurait fait ça avec des voix. Mais quand on réécoutait les jams qu’on avait fait, on a fini par aimer ça comme c’était, sans paroles. Puis, on écoutait aussi pas mal de trucs sans paroles, Chili Gonzalez, du jazz, de la musique électronique… Et j’essayais de trouver l’équivalent dans le rock en terme d’énergie, quelque chose qui ne soit pas du prog. On ne voulait pas non plus des paroles un peu cliché, comme c’est souvent le cas avec le grunge.

Steve Dumas : On ne voulait pas d’un narratif imposé, c’est pour ça aussi qu’on a scénarisé les chansons.

PAN M 360 : Vous avez formé le groupe en septembre 2019. Ce dimanche à Osheaga, Axlaustade lancera son premier album et donnera son premier concert. On a connu plus discret comme entrée en matière !

Jonathan Dauphinais : C’est clair que ça nous met un peu de pression, ça en fait beaucoup en même mais on essaye de naviguer à travers tout ça.

Steve Dumas : C’est sûr que d’habitude tu fais quelques shows dans des bars, tu places ta musique, tu rajoutes du visuel alors que là tout arrive en même temps. Reste que je pense que c’est ça qui nous a a donné la possibilité d’y aller à fond durant tout le mois de septembre, de vraiment se concentrer sur le show.

(crédit photo: Jean-François Sauvé)

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