Aahan : Déferlante techno 

Entrevue réalisée par Elsa Fortant
Genres et styles : électro / techno / trance

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L’ascension du Torontois Aahan au sein de la scène locale émergente se fait dans le même esprit que la techno qu’il produit : c’est rapide, puissant, inarrêtable. En l’espace de quelques années, son rythme de production et la qualité de celle-ci lui ont permis d’être soutenu par plusieurs grosses figures européennes comme Perc, Dax J et Cleric, pour ne citer qu’eux. Après sa participation à la première compilation du jeune label MFC Records, l’étiquette l’accueille avec un EP solo, Freya, dont les bénéfices seront reversés à la Fondation Mor Çatı Women’s Shelter, basée en Turquie.  

PANM 360 : Tu devais te rendre en Europe l’année dernière et la pandémie y a mis un terme. Néanmoins, sur les médias sociaux, nous pouvons apprécier à quel point tu es resté occupé depuis. Dis-nous en plus sur ce qui t’occupe ces derniers temps ?

Aahan : Je souffre d’un peu d’anxiété, donc le confinement dû au COVID-19 m’a un peu soulagé. Les restrictions m’ont donné l’occasion de me concentrer sur la musique, je n’ai fait qu’écouter de la musique et en créer, surtout l’année dernière. Il n’y avait rien à faire, le monde était au point mort et c’était une opportunité de développement personnel. J’ai fait de mon mieux pour faire des choses. Honnêtement, je pense que ça a marché, j’ai sorti des disques, j’ai amélioré ma production. Beaucoup de gens m’ont contacté en me disant que j’étais bon, et c’est bizarre d’entendre ça parce que je ne pense pas être aussi bon qu’ils le disent, alors j’ai pris confiance.

PANM360 : Tu sors beaucoup de matériel ! Plus d’un EP par an et on a arrêté de compter le nombre de titres individuels. Comment fais-tu pour être aussi prolifique ?

Aahan : Je ne force jamais la créativité, en tout cas pour moi ça ne marche pas. Quand je le sens, j’en profite. En 2020, j’en ai profité parce que je le sentais. Ce qui s’est passé récemment, probablement de décembre 2020 à mars 2021, est que j’avais le syndrome de la page blanche, j’étais juste déprimé, rien de trop fou honnêtement, mais j’avais peu d’énergie, aucune créativité. Je pense que beaucoup de gens à cette époque ressentaient la même chose, évidemment, parce qu’il y avait ce virus depuis un an, il faisait froid dehors… Ça m’est arrivé, j’ai fini par m’en sortir. C’était intéressant à gérer. Donc, pour ce qui est de lacréativité, elle a disparu pendant un certain temps, mais maintenant elle est de retour.

PANM360 : Qu’est-ce que Freya a de si spécial ?

Aahan : En fait, j’ai choisi le refuge pour femmes Mor Çatı en Turquie parce que ce pays est sans cesse confronté à des problèmes liés aux droits des femmes. J’ai simplement suivi mon processus créatif habituel pour ce EP. J’ai généralement une idée de ce que je veux et je me concentre sur quelques éléments que je veux réaliser. J’ai une variété de morceaux (techno, trance) et il y a certains dénominateurs communs, comme les percussions. Lorsque j’ai eu l’idée de Freya, je pensais à toute la mythologie et c’est une déesse de la mythologie nordique. Puis j’ai un autre morceau qui s’appelle Hestia qui est une déesse de la mythologie grecque. J’ai pensé que ça teinterait le EP d’une aura puissante. En plus de cela, j’ai utilisé beaucoup de voix féminines. C’est léger dans le sens où il y a beaucoup d’éléments, mais ils ne sont pas brutalement intégrés. C’est plus émotionnel. Pas trop mélodique. Je savais que Luna Vassarotti remixerait, j’adore travailler avec elle et c’est aussi pour cela que j’ai choisi cette voie en termes de design sonore, en restant léger, car je savais qu’elle allait faire un titre qui allait taper. Je me suis dit que ce serait bien d’avoir une femme pour le remix, mais aussi que ce serait bien que ce soit elle qui ait le morceau le plus fort.

PANM360 : Même si la production est un processus très individuel, tu tends toujours la main et collabores pour faire vivre la musique. La collaboration semble essentielle dans ton approche de la musique.

Aahan : J’ai une sortie plus importante qui a lieu tous les deux ou trois mois, mais j’aime toujours produire, travailler pour de petits labels que je trouve bons, qui ont un bon son et une bonne direction. Ça me donne aussi l’opportunité d’essayer différentes choses. Je fais aussi des remix. Entre les grosses sorties et les gros labels, je travaille avec les labels marginaux et locaux. Je voulais arriver avec un EP complet pour MFC Records parce que je connais Camille, je connais les artistes qui ont participé à la première compilation et c’est un label canadien. Je veux vraiment que le type de son qu’on défend  prenne plus d’importance au Canada. En plus de tout ça, l’éthique de MFC est géniale.

PANM360 : Puisque tu parles de la scène canadienne, comment la décrirais-tu ?

Aahan : Je ne connais vraiment que Montréal et Toronto, mais au niveau du Canada, nous avons quelques artistes cool qui sont sortis. Orphx, Huren, Richie Hawtin techniquement… il est toujours un artiste canadien important, Rhys Fulber, c’est un grand artiste aussi. Alors peut-être qu’un jour, je serai considéré comme un artiste notable venant du Canada. Il y a un label qui a vraiment changé ma vie, il s’appelle Raven Sigh, et il est dirigé par un type, Dylan, alias Huck Farper. Il a changé la vie de beaucoup de gens en fait. C’est un très bon label quand tu es un jeune artiste talentueux, il te donne la possibilité de sortir du matériel. Beaucoup d’artistes de ma génération, de mon âge, ont eu des sorties sur ce label, par exemple Trym, Dyen, Nico Moreno… Des gens qui sont toujours dans la scène aujourd’hui. Ma propre sortie a changé ma vie. Je n’ai jamais envoyé de démos à Dax J (Monnom Black) et Cleric, mais ils m’ont trouvé grâce à ces morceaux. En ce qui concerne le son que j’aime, le son underground et tout ça, à Toronto avant la pandémie, on avait un bon artiste international qui venait peut-être tous les deux mois. On construisait une bonne scène. Il y avait assez d’intérêt pour investir des entrepôts. C’était bien et ça se développait, mais malheureusement, la pandémie a frappé. Montréal a évidemment une… je ne dirais pas meilleure, mais une communauté plus dévouée, plus grande aussi. J’aime y aller pour la techno. Pour le son que j’aime, je dirais que Montréal est la meilleure ville du Canada, même si je ne suis pas allé à Vancouver. Dans l’ensemble, ce n’est pas comme en Europe, mais je pense que le son devient de plus en plus populaire partout, alors j’ai confiance en sa croissance.

PANM360 : Tu as commencé ta carrière en tant que producteur et dernièrement tu mixes régulièrement sur Internet. Comment décrirais-tu la relation entre la production et le Djing, et comment a-t-elle évolué pour toi ?

Aahan : J’ai toujours été un producteur mais j’ai toujours eu le DJing en tête, pour jouer, faire des sets. Je ne me produisais même pas pour les gens, je faisais juste des sets qui étaient publiés sur SoundCloud et autres. Je pense que c’est ma façon d’être une personne créative. J’ai passé une grande partie de ma vie à essayer de trouver un exutoire créatif pour diverses raisons mais aussi parce que je pense qu’en tant qu’humains, nous sommes capables de trouver un moyen cool de le faire, et puis j’ai trouvé le DJing. Après deux ou trois ans de production et d’apprentissage de la production, j’ai décidé de m’initier au DJing, qui a toujours été une activité secondaire. À ce stade, je pouvais faire du DJ, j’adore les CDJ, j’adore Traktor, je fais du DJ virtuel parce que je n’ai rien d’autre à faire. Je vois toutes ces plateformes virtuelles comme une nouvelle façon de comprendre comment faire un bon set. J’essaie d’être plus interactif dans mes sets. Le genre que je produis et le son que je mixe me permettent de jouer avec trois ou quatre CDJ et j’adore m’amuser avec ça. Le défi de savoir ce qui sonne bien avec quoi, j’adore prendre des risques. Le métier et l’art du DJing ont évolué pour devenir quelque chose que je prends vraiment au sérieux et que j’apprécie encore plus maintenant. 

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