jazz contemporain

L’ONJ, Miho Hazama et le pouvoir des femmes dans le jazz actuel pour grands ensembles

par Vitta Morales

L’ONJ a poursuivi sa saison de belle manière au Gesù, le vendredi 8 novembre dernier. Sous la direction de Miho Hazama, nommée aux Grammy Awards (que nous avons eu le plaisir d’interviewer ici à PAN M 360), l’ONJ a joué une soirée de musique mettant en valeur ses compositions, ainsi que celles d’autres femmes dont Maria Schneider et Christine Jensen. Dans le même esprit, plus de la moitié de l’orchestre de ce concert était composé de musiciennes, la plupart d’entre elles formant l’importante section des cordes.

Ces compositions illustrent la musique moderne pour orchestre de jazz dans toutes ses « couleurs ». J’utilise ici ce terme pour faire référence à toutes les considérations timbrales qui doivent être prises en compte lorsqu’on écrit pour un grand ensemble de jazz. Franchement, la quantité de combinaisons sonores disponibles (en particulier lorsque des cordes sont ajoutées) est énorme. Hazama a cependant fait des choix très agréables et d’autant plus intéressants.

Ses compétences en matière d’orchestration sont perceptibles dès le premier morceau. Sa composition Run commence par une utilisation intelligente d’harmoniques dans les cordes, ce qui crée un espace pour que les cuivres et la section rythmique fassent leur entrée. À certains moments, elle a choisi des cuivres plus doux, préférant un combo de bugle, cor et trombone à la place des trompettes. À d’autres moments, les saxophones ont été remplacés par la flûte et le hautbois.

Et à d’autres moments, des voix ont été ajoutées, celle de la talentueuse Sienna Dahlen qui a chanté sur plusieurs morceaux et a même offert au public un solo vocal qui a démontré sa capacité à utiliser des techniques vocales étendues. Jean-Pierre Zanella au saxophone soprano, Bill Mahar au bugle et Gentiane MG au piano se sont également distingués par leurs solos.

Mon seul véritable reproche est venu de l’écart rythmique occasionnel dans la section des cordes. Bien que ce ne soit pas trop flagrant, certains coups de poing étaient interprétés avec un groove légèrement différent de celui du reste du groupe et il semblait que tout le monde ne savait pas quand pousser ou tirer. On a même entendu une pauvre violoniste taper du pied avec détermination pour l’aider à jouer une section syncopée en pizzicato.

Cela dit, l’ensemble du groupe a réussi à jouer les figures de fond pendant le solo de batterie de Kevin Warren, et cette discordance de groove n’a donc pas été un problème à tout moment. Je soupçonne que le sens du temps solide comme le roc de la basse de Summer Kodama aurait pu aider à combler ce fossé rythmique puisqu’elle était, peut-être même poétiquement, située au milieu des cuivres, des cordes et de la section rythmique.

Au final, une soirée très réussie de jazz de chambre moderne et éclectique pour l’ONJ qui poursuit bellement sa programmation 24-25.

chant choral

ArtChoral | Des couleurs d’automne en demi-teintes

par Alexandre Villemaire

Le parterre de la Maison symphonique était rempli pour assister au premier concert de la saison 2024-2025 de l’Ensemble ArtChoral, sous la direction de Matthias Maute, accompagné au piano dans certaines pièces par Meaghan Milatz, « Découverte de l’année » au dernier Prix Opus.

La prémisse du concert et de sa thématique des feuilles mortes avancée par Maute était une évasion dans le Paris automnal de la Belle Époque ainsi que dans les couleurs de l’automne canadien. En effet, il n’y avait pas que de la chanson française et de la mélodie française dans ce concert. Il y avait aussi de la musique chorale canadienne représentée par les compositrices Afarin Mansouri, Alice Ho, Beverley McKiver et Sandy Scofield. Nous retenons de celles-ci la pièce de McKiver Dreamers’s Rock et de Scofield The Sacred One dont le propos des pièces, ancré dans leur origine autochtone, était parlant.

Le concert était divisé en deux parties symétriques. Chacune commençait par des pièces de Gabriel Fauré, dont 2024, rappelons-le, marque les 100 ans de son décès. S’en suivait une pièce interprétée par le Grand chœur, un ensemble ad hoc composé d’une centaine de choristes provenant de cinquante chœurs de la région de Montréal. Les dernières parties de concerts étaient de nouveau assurées par les chanteurs et chanteuses de l’Ensemble ArtChoral. C’est par une procession sur l’Ave verum de Fauré, menée par Matthias Maute, que les membres d’ArtChoral ont investi la scène, entrant simultanément des côtés jardin et cour de celle-ci, une rose rouge à la main.

Parmi les seules pièces spécifiquement écrites pour chœur des blocs fauréen, nous avons été surpris dans Madrigal par le choix du chef de privilégier une articulation vocale staccato sur les premiers vers du poème d’Armand Sylvestre, contrairement aux interprétations généralement entendues avec pour un plus grand legato. On comprend que cette articulation répond à l’accompagnement du piano, assuré ici par, mais malgré une interprétation solide des voix, le caractère lyrique du texte en ressortait amoindri. L’essentiel des œuvres de Fauré interprétées était des mélodies de soliste arrangées pour quatre voix accompagnées. Ce traitement, en augmentation par rapport aux originaux, donne une dimension nouvelle aux œuvres et au texte qui sont jolis, mais inégaux dans leur rendu. Celles de Mai, du Papillon et de la fleur et de Dans les ruines d’une abbaye ont été parmi les plus intéressantes. Soulignons aussi qu’à nos oreilles, le traitement à quatre voix faisait en sorte qu’à certains moments l’on perdait l’intelligibilité du texte. L’homogénéité du timbre de l’ensemble a aussi comme effet pervers de donner à quelques pièces une couleur feutrée et un aspect presque méditatif, ce qui laisse peu de place à une certaine expressivité. Par opposition, Les Djinns, poème de Victor Hugo que Fauré met en musique avec un traitement musical quasi opératique, était d’une précision tranchante doublée d’un jeu de nuances cohérent et précis. Le caractère menaçant de ces génies maléfiques de la mythologie arabe était palpable, des murmures entamés par les mezzos au grondement des basses pour culminer dans un torrent vocal haletant qui progressivement s’efface pour revenir au silence.

Dans la première partie, le Grand chœur a livré deux pièces chorales : Upon your heart d’Eleanor Daley et Terre-Neuve de Marie-Claire Saindon. La pièce de Daley est dans un style très aérien avec des harmonies très rapprochées que les choristes ont bien exécutées, malgré de perceptibles différences de timbres dans les voix. La pièce de Saindon proposait une texture harmonique similaire, avec un vernis plus dynamique où des passages de percussions corporelles exemplifiaient le craquement de la glace. Ce n’est d’ailleurs pas le seul élément qui a craqué dans cette pièce. Une confusion générale au niveau du rythme et des notes a forcé le chef à redémarrer l’œuvre après quelques secondes. Une fois reparti, le résultat était fort appréciable. Faire appel à un chœur constitué d’amateurs, aussi bons soient-ils, comporte forcément, dans une programmation d’un ensemble professionnel, des éléments de risque et de débalancement au niveau de l’esthétique vocale du concert. Mais il faut tout de même souligner l’engagement et la détermination de ceux-ci à se mouiller à cet exercice par passion et par amour du chant choral. Les retrouver dans les premières rangées du parterre chanter All Together We Are Love de Katerina Gimon illustre parfaitement cet honorable dévouement.

Après avoir offert la fameuse pièce de Joseph Kosma Les feuilles mortes, l’Ensemble ArtChoral a conclu son concert par une interprétation de chansons d’Édith Piaf, arrangée par Jean-François Daigneault et William Kraushaar dans des approches stylistiques contrastantes. Alors que Daigneault a privilégié une approche texturale et d’effet, notamment dans La foule où les voix imitent le timbre de l’accompagnement orchestral, Kraushaar mise sur la clarté du texte. Son arrangement de l’air populaire Dans les prisons de Nantes, accentuait magnifiquement le caractère modal de la pièce.

Malgré quelques petits accrocs interprétatifs, le dynamisme et la convivialité exprimés par Matthias Maute et le côté inventif de son programme, à l’image de la pièce qui a terminé la soirée, nous ne regrettons rien de notre présence à ce concert.

crédit photo : Tam Lan Truong

Afrique / flamenco / musique traditionnelle ouest-africaine

Malasartes | Noubi et son melting-pot de sonorités

par Sandra Gasana

Accompagné par la compositrice et guitariste flamenca Caroline Planté et le Vénézuélien Héctor Alvarado Pérez à la basse, Noubi n’a pas trop tardé à inviter le saxophoniste argentin Damian Nisenson sur scène. Ce dernier, qui avait introduit la soirée quelques minutes plus tôt, est l’homme derrière Malasartes, cette compagnie de création et production à l’origine de cette série de concerts d’automne.

Les thèmes abordés par Noubi vont des enjeux touchant la jeunesse, la politique, l’individualisme dans les sociétés occidentales tout en dénonçant les violences sous toutes ses formes, comme il le fait dans le morceau Nanela. C’est lors de ce morceau que les spectateurs se sont mis à danser, n’en pouvant plus de rester assis, alors que Noubi faisait participer la salle dans le refrain en wolof.

Il prend le temps de remercier son public après chaque morceau, en français et en wolof, sa langue maternelle. En effet, ce natif de Saint-Louis au Sénégal est très attaché à sa langue, puisque tous ses morceaux sont dans sa langue natale, à quoi il rajoute quelques paroles en français par-ci, par-là. D’ailleurs, Caroline et Hector font les chœurs en wolof sur certains morceaux, ce qui rajoute un effet de surprise au spectacle. Principalement sur son cajón, il joue à la guitare à une ou deux reprises, complémentant ainsi ses musiciens. La forte complicité, surtout avec Damian, se faisait ressentir tout au long du spectacle, les deux ayant travaillé ensemble pendant plusieurs années, depuis ses débuts à Montréal, dans le cadre du programme de mentorat de Diversité artistique Montréal.

Noubi rend également un hommage à sa maman dans le morceau Légui, « remerciant celle qui a fait de lui l’homme qu’il est aujourd’hui », nous confie-t-il. Il nous a également partagé des collaborations avec de grandes artistes telles que la Brésilienne Bia Krieger ou encore la Mexicaine Mamselle Ruiz, avec le morceau Sourire, les deux femmes étant absentes malheureusement.

Dans le morceau Autrement, il invite l’audience à porter « un nouveau regard sur le monde, un nouveau regard sur la vie », entre les rythmes saccadés du cajón et la guitare flamenca qui fusionnent parfaitement. J’étais surprise de voir comment les rythmes de Mbalax s’agençaient bien avec le style flamenco, une combinaison originale. Et c’est exactement ce qui ressort de ce concert : cette ouverture de Noubi vers l’autre, vers d’autres rythmes venant d’Amérique latine et d’ailleurs, le tout avec originalité, tout en invitant le spectateur dans son univers sénégalo-québécois. Un vrai melting-pot de sonorités.

classique occidental / période romantique

OSL | Rencontre(s) au sommet avec Antoine Bareil et Adam Johnson

par Alexandre Villemaire

La thématique de la rencontre rythmait le premier concert de la saison 2024-2025 de l’Orchestre symphonique de Laval qui s’est donné le 30 octobre.

Le rendez-vous annoncé en tête d’affiche était celui entre Antoine Bareil, violon solo de l’OSL et le magistral Concerto pour violon no 2 en mi mineur de Felix Mendelssohn. Mais, de manière plus large, ce qui s’est dessiné tout au long de la soirée était des rencontres : la rencontre entre la sœur et le frère Mendelssohn, la rencontre entre le chef invité Adam Johnson et l’orchestre, des rencontres au grès de promenades entre différents tableaux musicaux, mais surtout une rencontre entre l’orchestre et son public. Un public fidèle et au rendez-vous qui s’était déplacé en grand nombre pour remplir la quasi-totalité de la Salle André-Mathieu. Un peu plus de 500 personnes, nous a-t-on dit.

Programmer en première partie les deux enfants prodiges de la famille Mendelssohn a donné l’occasion à Adam Johnson – dont les interventions pour présenter chacune des œuvres de la soirée étaient pertinentes – de mettre de l’avant le talent certain de Fanny et de Félix, lié par le sang, mais séparé par les conventions de leur époque. Le concert a commencé avec l’Ouverture en do majeur de Fanny Hensel Mendelssohn. Œuvre rarement interprétée et seule pièce pour orchestre de la compositrice, elle présente une structure conventionnelle et une écriture claire et riche en vitalité divisées en trois parties : une introduction au caractère noble soutenu par une basse de vents au-dessus de laquelle les cordes tissent de délicats motifs ; une deuxième section plus animée où une interaction entre deux thèmes contrastants se dessine entre les bois et les cordes et une finale festive et claironnante. Dans chacun de ces passages, le chef Johnson amène les changements de dynamiques et de textures avec fluidité et précision. Les bois étaient particulièrement solides en complémentarité avec les lignes virtuoses des cordes de la partie rapide.

Le Concerto pour violon no 2 de Felix Mendelssohn, un des plus connus et importants du répertoire, nous plonge dans un tout autre caractère, entre drame et lyrisme. Antoine Bareil, premier violon de l’orchestre, en était à sa première interprétation de l’œuvre et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a relevé le défi avec brio. Dès l’énonciation du thème appassionato, du premier mouvement, Bareil donne le ton avec une entrée en matière énergique et incarnée. Dans la cadence, le soliste fait chanter son instrument et met en valeur l’étendue de celui-ci. Il effectue un véritable travail d’orfèvre, sculptant chaque son de manière méticuleuse avec une précision d’attaque et une grande agilité. Le deuxième mouvement, enchaîné attacca, offre un thème lyrique et langoureux dans lequel Johsnon met en valeur le timbre de l’orchestre tout en laissant l’espace nécessaire à Antoine Bareil pour déployer son jeu. La communication était visible et symbiotique entre les deux comparses, malgré certains moments où l’on avait l’impression que le tempo pressait un peu. Se concluant par un troisième mouvement aux traits virtuoses teintés d’un vernis presque humoristique, cette performance a été captivante et a maintenu le public en haleine jusqu’à la dernière note.

La deuxième partie de la soirée présentait les Tableaux d’une exposition de Modest Moussorgski, œuvre composée à l’origine pour le piano, mais fréquemment interprétée par des grands ensembles avec l’orchestration de Maurice Ravel. Typique de la musique à programme, l’œuvre présente une succession de pièces inspirées de différentes peintures où des interludes musicaux (promenades) servent de liant entre les tableaux. Contrairement à des interprétations qui font jouer le thème de la « Promenade » de manière très liée, notamment lorsqu’il est repris par les cordes, Adam Johnson conserve le caractère de marche instauré par les cuivres dans cette section, ce qui accentue le caractère de déambulation entre les différents tableaux. Ceux-ci ont par ailleurs tous été exécutés avec un engagement et une précision dynamique qui faisait ressortir toute la richesse de l’orchestration. Mentionnons pour en nommer quelques, Gnomus, avec son caractère insolite, Il vecchio castello, où le duo entre le saxophone alto (Ludovik Hinse-Lesage) et le basson (Michel Bettez) était d’un grand lyrisme, Bydlo avec ses grondements de contrebasses et de violoncelles qui encadrent le grognement de l’euphonium (Sébastien Côté) et la Grande porte de Kiev qui a conclu l’œuvre dans une marche majestueuse et triomphale. 

En grande forme, l’Orchestre symphonique de Laval a fait forte impression pour cette ouverture de saison. L’énergie, la vigueur et la musicalité qui ont enveloppé la Salle André-Mathieu annoncent de belles choses pour la suite de celle-ci.

crédit photos: Gabriel Fournier

classique / post-romantique

OSM | Sublime Sibelius !

par Alexis Desrosiers-Michaud

C’est le retour cette semaine du chef invité bien-aimé Vasily Petrenko à l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM). Celui qui a jadis été l’un des favoris pour remplacer Kent Nagano a brillé comme à son habitude,  mercredi soir à la Maison symphonique. 

Le concert débute par la pièce Blue Cathedral de l’américaine Jennifer Higdon. Cette œuvre flottante et magnifique est un hommage à son frère décédé. Plusieurs solos de flûte et clarinette qui représentent elle et son frère. Symbolisant aussi un voyage céleste, l’œuvre s’anime pour signifier l’émerveillement et la joie, avant de se terminer sur des résonances de percussions et des harmoniques à peine audibles. À ce propos, nous voyions les autres musiciens agiter des petites boules de la taille d’un haki, ce qui en a chicoté plusieurs car nous étions beaucoup à regarder le programme par après, pour n’y trouver, hélas, aucune information à ce sujet. 

Ensuite démarre avec panache le fameux concerto Empereur de Beethoven avec Simon Trpčeski au piano. Après une admirable introduction orchestrale, le soliste entre en scène, à la dernière seconde, comme s’il sortait de la Lune. Après quelques difficultés à maintenir un tempo stable, créant quelques petits décalages avec l’orchestre, Trpčeski cesse d’accélérer dans ses extraits seuls pour enfin créer un tout avec l’orchestre. 

Il est très agile avec ses doigts, mais manque de poids, de son, pour un concerto de cette ampleur. Ce jeu lui sied très bien dans le mouvement lent, où il se fond à merveille dans l’orchestre. Ou c’est l’orchestre qui l’enrobe avec brio. Peu importe, quand on se pose la question, cela signifie que c’est très réussi. Pour le reste, on passera outre ses gesticulations de tête, jambe et de bras (il y a déjà un chef pour s’occuper de l’orchestre) pour se concentrer sur son jeu dynamique et excité. En guise de rappels, nous avons droit à un court extrait d’une danse de son pays d’origine, la Macédoine, puis du mouvement Octobre des Saisons de Tchaïkovski, « pour un monde meilleur », ce qui a donné une interprétation sensible et touchante. 
Puis vient la très pastorale Cinquième symphonie de Jean Sibelius. Tout comme dans ce qui a précédé, la direction de Petrenko est très nette. Ses intentions sont claires et rien n’est laissé au hasard; nuances, accents, entrées, phrasés, etc. Rien n’est forcé et est joué dans la finesse. J’ai déjà entendu un chef dire à des étudiants lors d’une classe de maître « qu’il faut aimer jouer doux », et c’est ce qui m’est venu en tête mercredi soir. Le choral des bois du mouvement second est sublime, accompagné de pizzicatos précis. Le dernier mouvement est frénétique mais pas trop, et se termine par une répétition du thème principal aux cuivres, qui résonnent comme des cloches. Tout au long de la symphonie, on pourrait se fermer les yeux et facilement s’imaginer aux côtés de Sibelius contemplant des paysages bucoliques et majestueux.

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classique moderne

Pinacle du chant choral aux Prix Azrieli de Musique

par Alain Brunet

Pour une dixième année consécutive, la Fondation Azrieli célébrait lundi à la Maison symphonique les quatre compositeurs lauréats des Prix Azrieli de Musique 2024, dont les œuvres pour chant choral et ensemble instrumental ont notamment évoqué l’âme et la métaphysique juives dans un contexte contemporain.

Animé par l’initiatrice de cette fondation, la chanteuse et généreuse mécène Sharon Azrieli, et l’ex-radio-canadien Mario Paquette, cette soirée a mis de l’avant les oeuvres primées, majoritairement jouées en première mondiale.Des musiciens de l’OSM et le Chœur de l’OSM sous la direction de son chef, l’éminent Andrew Megill, ont exécuté des œuvres chorales très spéciales. 

Light to My Path, fantaisie chorale pour chœur mixte, saxophone et percussions et piano, du compositeur israélien Josef Bardanashvili. Ainsi chacun des cinq mouvements de cette pièce associe différentes configurations de l’ensemble : chœur d’hommes a cappella, chœur de femmes a cappella, chœurs mixtes avec musiciens, chœur mixte a cappella. Les non Juifs ont tout intérêt à découvrir l’approche chorale inspirée des écrits sacrés de la religion juive, les inclinations vocales y sont uniques – on peut notamment s’y familiariser à l’écoute de l’album You Want It Darker de Leonard Cohen, qui avait mis à contribution des choristes très inspirés.

Ainsi, le compositeur maintient le lien du sacré dans Light To My Path, avec de formidables appels et réponses, canons, contrepoints fabuleux, sifflements ornementaux et autres effets probants. La technique vocale y est distincte, plus proche des voix baroques ou de la Renaissance. La différence avec les chants sacrés connus de la tradition juive repose ici sur les harmonisations modernes et l’accompagnement instrumental.

En second lieu, le compositeur Yair Klartag voyait The Parable of the Palace,son œuvre pour chœur et quatre contrebasses actualiser davantage la notion de spiritualité. Le parti-pris du compositeur pour la musique contemporaine, vu l’instrumentation choisie et l’harmonisation des voix, contraste avec l’inspiration première de cette œuvre primée par la Fondation Azrieli: la parabole du palais extraite du Guide des égarés du philosophe talmudiste Moshe ben Maïmon dit Maïmonide, avant vécu au XIIe siècle et s’exprimant dans cette langue judéo-arabe aujourd’hui disparue. Les passages de cet écrit métaphysique essaient de tracer cette fine ligne entre la raison et l’irrationalité, et auraient influencé le compositeur en quête de notions universelles dans le contexte actuel, à commencer par ce désir insatiable des humains « de se rapprocher du divin sans jamais le comprendre » Notions néanmoins mystiques, profondément traditionnelles et clairement identitaires.

La troisième œuvre au programme, Symetrias Prehispanicas, était celle du Mexicano-Américain Juan Trigos, qui s’inspire de la cosmologie aztèque, projections d’images à l’appui (gracieuseté du frangin Luciano Trigos), et d’écrits poètes aztèques du XVe siècle, connus ou anonymes. Les chants sont exprimés en espagnol et en nahuati. On y observe une cohabitation encore plus serrée entre tonalité, modalité et atonalité, les hachures et entrechoquements des voix et des instruments y est plus costaud. Cantate-Oratorio pour choeur mixte et ensemble, l’œuvre se déploie sur 11 tableaux regroupés en 4 partie distinctes, récit non linéaire illustrant cette pensée aztèque du monde avant que les conquistadors espagnols ne l’occultent par la force comme on le sait. Voilà certes la plus actuelle des œuvres au programme.

En dernier lieu, on récompensait Kanata pour voix SATB a cappella, œuvre composée par le Canadien Jordan Nobles, la plus courte et la plus singulière au programme des Prix Azrieli 2024. À la fois linéaire, horizontale et brillante d’un point de vue textural, assortie de très subtils décalages rythmiques des motifs vocaux, cette œuvre résulte d’une « méditation sonore sur les notions de lieu, de paysage et domicile ». Une traversée pancanadienne en train aurait inspiré le compositeur a créé ce joyau choral, à la fois succinct et brillant.

Hip Hop / Moyen-Orient / Levant / Maghreb / rap

Festival du Monde Arabe de Montréal | Narcy et Omar Offendum: Deux décennies d’amitié artistique

par Sandra Gasana

Une épée en forme de Palestine. Voici ce qui attire l’attention d’emblée, en plus du salon d’inspiration arabe qui décore la scène du National. Avec des coussins à motifs rouges, quelques livres, du café, on a vraiment l’impression de s’incruster dans une soirée entre amis, mettant l’art à l’honneur sous toutes ses formes.

C’est d’abord Omar Offendum qui ouvre le bal, pendant que Narcy est assis dans le salon avec ses convives, incluant deux membres du groupe iconique montréalais de Hip Hop, Nomadic Massive, Tali et Meryem Saci.

Éclairé par un spot lumineux, une canne à la main (sa signature), vêtu d’une tenue traditionnelle et de son chapeau Fez noir, Offendum manie la langue arabe et anglaise, jonglant entre ces deux univers, les mélangeant parfois. Narcy lui sert du café de temps en temps, échangeant des anecdotes, se taquinant sur les rivalités syriennes et iraquiennes. Excellent conteur, il alterne entre poésie, nous raconte des histoires, rappe, le tout avec une aisance incroyable. Riches d’une amitié datant de vingt ans, Narcy intervient sur certaines chansons d’Offendum, parfois en anglais, parfois en arabe, et vice-versa. « C’est rare d’avoir un ami artiste qui te challenge encore, même après 20 ans », dit-il en s’adressant à Narcy. En effet, on pouvait ressentir cette complicité sur scène.

Omar a fait participer la salle sur son morceau I love you, un hymne à l’amour, avec en images de fond de vieux films romantiques. Les transitions sont parfois brutes, juxtaposant des chants classiques arabes avec des beats modernes. La Palestine était à l’honneur durant les deux parties du spectacle mais également le Liban, qui défraie les manchettes ces dernières semaines. On en apprend également sur des figures importantes de l’histoire Moyen-Orientale tels que Nizar Qabbani, un poète syrien ou encore Mahmoud Darwish, un poète et auteur palestinien qui nous a quitté en 2008. Il termine avec son plus grand succès, God is Love, que mes voisins semblaient particulièrement apprécier mais mon coup de cœur restera le morceau Close My Eyes en hommage à son père. « Cette chanson, je la dédie à toutes les personnes qui ont perdu un être cher », nous partage-t-il alors que le vidéoclip défilait en arrière.

Après un court entracte, Narcy s’installe à la place d’Omar et prend le relai en entamant avec l’un de ses plus grands succès, P.H.A.T.W.A, sur fond d’images d’Al-Jazeera en arrière-plan, et des archives personnelles. Entièrement vêtu de cuir noir et d’une chemise blanche, il passe en revue d’autres morceaux phares de sa carrière de 20 ans, entre autres Hamdulillah, qui figure dans l’album The Narcicyst paru en 2009, une collaboration avec Shadia Mansour. Des collaboratrices, il en avait invité quelques-unes sur scène, celles qu’il appelle des « sœurs » telles que Meryem Saci, avec qui il a enregistré le morceau 7araga, la poète Palestienne Farah qui a déclamé un poème en hommage à sa terre natale ainsi que Tali qui a opté pour un texte poignant pour l’occasion.

En guise de clôture, il nous a offert Free, une chanson hommage aux enfants de l’album World War Free Now, en collaboration avec Ian Kamau ainsi que le morceau Time, écrit en hommage à son grand-père. Et quoi de mieux que de terminer avec le morceau le plus récent, Sword, dont les fonds amassés iront aux enfants palestiniens. En plus d’avoir le sens de l’amitié fort, la famille tient une place importante pour Narcy. Il a invité la sienne sur scène à la fin du concert pour saluer le public, l’invitant à venir faire un tour dans sa librairie/bibliothèque Maktaba, au Vieux-Port de Montréal.

baroque / classique

Violons du Roy | Richesse et splendeur vocale du divin Handel

par Mona Boulay

Pour leur deuxième des neuf grandes soirées prévues afin decommémorer  leur quarantième anniversaire, les Violons du Roy ont reçu la soprano Karina Gauvin ainsi que la contralto Marie-Nicole Lemieux. Ce mercredi 23 octobre au Palais Montcalm, on assistait à une soirée consacrée aux oratorios de Handel, avec un programme riche nous présentant des extraits de six d’entre eux : Joshua, Theodora, Solomon, entre autres.

Le concert s’ouvre tout en finesse avec l’élégante ouverture à la française de Judas Maccabaeus, qui annonce un premier duo pour nos chanteuses From this dread scene. On est tout de suite marqué par le contraste de personnalité scénique des deux chanteuses. Si la contralto se montre très théâtrale, on pourrait presque dire exubérante, ce qui donne un aspect très ludique à sa performance, la soprano se fait plus discrète et perd parfois notre attention à trop chercher du regard sa partition, malgré d’évidentes qualités vocales.

Le concert se poursuit avec la Sinfonia de la pièce Alexander Balus, qui donne à entendre plus précisément la section des vents (composée de deux hautbois et d’un basson). Celle-ci s’illustre dans un tricotage mélodique très bien exécuté, à l’image du travail général des Violons du Roy. En effet, tout au long du concert, malgré une formation de musique de chambre, le groupe nous donne à entendre une multitude de couleurs différentes, grâce à un travail pointilleux du chef Jonathan Cohen sur les nuances, les ralentis et les ornements propres à la musique baroque. Tous les codes sont respectés, avec un goût charmant de la subtilité : nous ne sommes pas face à du spectaculaire, ce qui pourrait déplaire à certains, mais bien face à de la minutie, à l’attention du détail. 

Quelques morceaux plus tard, on a la joie de découvrir le duo Welcome as the Dawn of Day extrait de l’oratorio Solomon, somptueusement interprété par les deux solistes, une déclaration démonstrative d’amour entre Solomon et son épouse. La force émotive exprimée par Marie-Nicole Lemieux nous transporte, et quel beau rafraîchissement que d’entendre ce duo amoureux chanté par deux femmes. On peut s’interroger, cependant, sur le choix de l’ordre du programme qui place cette déclaration amoureuse qui a lieu dans la deuxième partie de l’oratorio après un aria qui a lieu dans la troisième partie.
Derniers temps forts de ce concert, les extraits de Theodora, avec d’abord l’Ouverture par l’orchestre de chambre, très impactanteet nous offrant une gamme de forte jusqu’alors peu exploitée; puis avec le duo To thee, thou glorious son of worth, qui nous donne enfin à découvrir les plus beaux aspects de la voix de Karina Gauvin – de belles notes aiguës très pures, dénuées d’abord de vibrato, qui viennent ensuite s’enflammer pour notre plus grand bonheur.  Si les pièces solos des chanteuses sont très bien exécutées, c’est vraiment l’alchimie dans les duos qui donnent à ce concert sa richesse.

Quatuor Molinari | L’inspiration majeure de Guido Molinari, 20 ans après sa mort

par Alain Brunet

Pour commémorer les 20 ans de la disparition du peintre Guido Molinari à qui le Quatuor Molinari doit son nom et le soutien indéfectible de sa fondation, un programme ambitieux fut présenté à la Salle Bourgie, ce mardi 22 octobre. Ce qui tombait sous le sens, puisque la salle est soudée au Musée des Beaux-Arts de Montréal. Ainsi, plusieurs œuvres du peintre ont été synchronisées avec l’exécution d’œuvres ayant été jouées par l’ensemble au fil du temps.

En premier lieu, une œuvre de la compositrice montréalaise Ana Sokolović , conçue au début de sa trajectoire. Cette commande du Quatuor était alors assortie d’une exigence : s’inspirer de l’univers visuel du fameux peintre montréalais. Déjà, on pouvait identifier la signature de la musicienne dans cette œuvre répartie en 8 mouvements imaginés sous formes de thèmes et variations : Mutation I – Tension- – Espace / asymétrique- Diagonale noire – Mutation II / triangle – Blanc dominant – Coda / continuum. Chaque mouvement implique des techniques d’écriture distinctes – usage de glissandos spectaculaires, pizzicatos éloquents, motifs froissés, spirales harmoniques, frottements et grincements de cordes, hachures rythmiques et plus encore. Enfin bref, une œuvre singulière et complète, laissant présager la grande carrière et la réputation internationale pleinement méritée d’Ana Sokolović dont le travail résistera au temps.

Deuxième œuvre au programme, Espaces fictifs de Maxime McKinley s’inspire aussi de d’œuvres de Guido Molinari et aussi d’échanges de haute volée avec Fernande Saint-Martin (1927-2019), éminente théoricienne de l’art qui fut sa conjointe. Dans un extrait de la Vidéothèque québécoise Quatuor Molinari, le compositeur explique avoir exploré « la « réversibilité, les juxtapositions et superpositions de motifs simples constamment reconfigurés, ainsi qu’à la notion d’intervalle rythmique en tant que distance ou écart plus ou moins grand qui sépare un élément et sa récurrence.

Cette pièce mise en outre sur le « dynamisme des contrastes très marqués ou, au contraire, des transformations extrêmement subtiles; des orientations horizontales, verticales ou diagonales; des continuums kaléidoscopiques jouant sur la mobilité des arrière-, moyen- et avant-plans; ainsi que des vibrations, des mutations et de l’énergie des couleurs. »

Ajoutons à cette éloquente explication l’exécution cohérente et appliquée du Quatuor Molinari dans l’exécution. On reçoit cette œuvre comme une spirale dynamique de courts tableaux et motifs culminant dans l’intensité, l’augmentation du volume des cordes et l’accélération du tempo avant de perdre de l’altitude et se poser en virevoltant.

L’exécution suivante fut celle du quatuor à cordes op.28 du compositeur autrichien Anton Webern, un des pionniers du dodécaphonisme, exécuté par erreur par un sniper américain au terme de la Seconde Guerre mondiale. Voilà qui nous rappelait les fondements de cette révolution dodé

Après la pause, le plat principal, soit le Quatuor à Cordes n°7 avec « soprano obligée » de R.Murray Schafer. On sait que le Molinari maîtrise parfaitement les quatuors de feu le grand compositeur canadien, le 7 se démarque des autres pour sa spatialisation et sa théâtralité. Des avions en papier géants de différentes couleurs sont disposés sur la scène, d’autres peintures ayant inspiré le concepteur de l’œuvre sont projetées sur écran géant pendant que déambulent les interprètes sur scène et dans les allées de la salle, tout en jouant leur parties. Jouées en solo, en duo, en trio ou en quatuor, assorties d’intervention schizoïdes et non moins flamboyantes de la soprano Odile Portugais, les composantes de cette œuvre innovante à l’époque de sa conception produisent l’effet escompté : ravissement, amusement, élévation.

avant-garde / avant-pop / noise-pop / post-punk / rock expérimental

Je n’arrête pas de penser au concert de Xiu Xiu à Montréal.

par Vanessa Barron

Xiu Xiu n’est pas comme les autres groupes que j’ai vus récemment. Accueillis dans l’intimité du Théâtre Fairmount, leur performance du vendredi soir était déroutante et captivante, s’apparentant davantage à de l’art performance qu’à un concert typique. N’ayant qu’une vague connaissance de leur musique à l’avance, je l’ai trouvée assez abrasive pour quitter le concert tôt, mais assez perplexe et captivante pour rester à l’avant-plan de mon esprit pendant des jours après.

Un violon et un piano sinistres résonnent dans les haut-parleurs de la salle alors qu’une foule composée principalement de gars du Mile End et de filles gothiques cool s’assemble dans un murmure étouffé. Une projection de la pochette du dernier album du groupe, 13 » Frank Beltrame Italian Stiletto with Bison Horn Grips, a illuminé la scène avec des teintes d’essence, de flaque d’eau et d’arc-en-ciel, tandis qu’un mélange de plus en plus bizarre de cymbales et d’instruments de percussion s’est matérialisé, suivi par les membres posés du groupe basé à Los Angeles eux-mêmes.


Avec « The Silver Platter », Xiu Xiu m’a surpris par la férocité et la précision de leur son gothique, industriel, art rock et bruyant . Des crashs de cymbales frénétiques et parfaitement synchronisés ponctuent les paroles de Jamie Stewart, transperçant ses lignes comme un coup de poignard dans les tripes. Sur scène comme sur disque, la voix caractéristique de Sterwart est macabre, avec une articulation digne de Dracula qui va d’un murmure mourant à un hurlement à pleine gorge. L’énergie qu’il a déployée au cours des trois premières chansons était vraiment extraordinaire : il faisait littéralement le poirier et des pantomimes tout en chantant, en jouant de la guitare et en tapant sur des gongs.

Angela Seo a elle aussi connu des moments exceptionnels, notamment en interprétant le sinistre monologue de « Wig Master », qui a commencé par un marmonnement et s’est transformé en une répétition frénétique de cris. Une autre chanson a été jouée en duo avec Angela qui grogne et Jamie qui gémit avec un sifflet-kazoo, comme un bébé qui vient de naître. Couplé à des cymbales de toutes tailles et à d’autres instruments de percussion curieux, le mur de son était écrasant.


Pourtant, je n’insisterai jamais assez sur le silence de mort qui régnait dans le public entre les chansons, avec des minutes de silence complet pendant que le groupe se préparait pour le morceau suivant. Je crois que Stewart a même plaisanté à un moment donné, « Vous êtes trop bruyants, je peux vous entendre parler » à un membre du public au milieu du concert. Je n’ai aucune idée si c’est normal pour un spectacle de Xiu Xiu ou si la foule de Montréal était particulièrement révérencieuse ce soir-là.

Je suis repartie avec encore plus de questions et de curiosité sur le groupe que lorsque j’y suis entrée, et je n’ai pas cessé d’y penser depuis – leurs 16 albums studio et leurs interviews des 20 dernières années se sont avérés être un trou de lapin amusant dans lequel plonger. Et leurs albums sonnent complètement différemment de leurs concerts. Je pense que c’est une preuve suffisante pour dire que j’ai trouvé cette performance pour le moins marquante.

Photos by Amir Bakarov

Marathon Beethoven de l’OM, Jour 3 | Le Finale sauve le concert au fil d’arrivée

par Alexis Desrosiers-Michaud

Pour le dernier volet du Marathon Beethoven, il ne restait que les deux extrémités du corpus symphonique à être présentées, avec en prélude la pièce Amor Fati de Marie-Pierre Brasset.

Utilisant les premières mesures de la Première de Beethoven, Brasset en change la fin pour transiter vers son propre langage musical. Sa pièce est une lente progression vers un élément, qui n’aboutit pas et nous laisse sur notre faim. Dommage, car la fin est plutôt nette, comme s’il avait fallu cinq minutes supplémentaires pour compléter le propos.

La Première est très bien exécutée, avec légèreté et simplicité. Dans tous les mouvements, chaque détail est souligné, mais c’est le deuxième qui a été le meilleur. Les différentes entrées aux cordes sont toutes homogènes dans le style et l’articulation, et on sent le mouvement qui traverse la phrase. Tout reste élégant, même dans les forte. On notera aussi que dans le Trio du scherzo, les interventions des vents ne sont pas identiques la première et la deuxième fois que certaines phrases sont jouées.

Le premier mouvement de la Neuvième est joué passablement bien. Les nuances sont au rendez-vous et les musiciens jouent avec intensité. C’est bon, mais pas assez, surtout quand on s’attaque à une œuvre archiconnue et monumentale comme celle-ci. Les enchaînements entre les sections manquent de fluidité et il n’y a pas assez de profondeur dans les graves. Tout comme dans la Première, le second mouvement est le plus réussi. La timbale, tranchante, se démarque du reste du groupe dans ses interventions solos. Très exigeant pour les bois en raison des multiples notes accentuées jouées dans un tempo rapide, on discerne la fatigue chez certains, comme en témoignent les quelques « craques » que l’on distingue parmi l’ensemble orchestral.

Le mouvement lent suivant, quant à lui, malheureusement, tombe rapidement à plat. Le résultat fait que l’on se laisse facilement distraire, pour les mauvaises raisons. Le mouvement musical est très statique et n’avance pas; les longues notes n’ont pas (assez) de vie et il n’y a pas (assez) de relief dans l’ensemble. Bien que marqué cantabile, on n’a pas l’impression que les musiciens chantent la musique. Puis, arrive le fameux dernier mouvement. Quelle Finale ce fut ! Dès l’émission des premières notes du thème de l’Ode à la joie chez les cordes graves, on sait que ce qui s’en vient sera spectaculaire. Partie de presque rien, cette construction architecturale ne nous mène vers un tutti glorieux et libérateur avant l’entrée du chœur. Parlant du chœur, celui-ci est très appliqué vocalement, malgré quelques consonnes inaudibles. Les derniers milles de ce marathon font passer un moment absolument magique, car tout y est : solistes incroyables, nuances, accents, phrasé, puissance (quel long Gott [Dieu] avant la fanfare !), mais surtout dévouement et émotion. L’envie de se lever d’un bond à la toute fin est irrésistible, mais on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi nous n’avons pas eu droit à ça dans tout ce qui a précédé.

crédit photo: François Goupil

Marathon Beethoven de l’OM, Jour 3 | Buffet symphonique au brunch dominical

par Alexis Desrosiers-Michaud

Le troisième programme des quatre du Marathon Beethoven de l’OM avait lieu à 11h dimanche matin avec la présentation des Huitièmes, Quatrième et Cinquième symphonies. Puisque Beethoven est un réputé vendeur, il fut  étonnant de constater que le parterre de la Maison symphonique était épars et les loges carrément vides, malgré la présence de la Cinquième au programme. 

Le premier mouvement de la Huitième est inégal dès le début. Les articulations ne sont pas homogènes selon les différentes sections de l’orchestre. Chez les cordes, les staccatos sont très courts, mais chez les vents, c’est plus allongé, notamment la résonance de la timbale. Les phrasés tombent à plat rapidement et les forte plafonnent vite. Le second mouvement est nettement mieux. 

Très humoristique, les notes incessamment répétées mènent le reste dans la légèreté. Ponctué d’effets de sforzandos, l’effet de surprise est réussi. Le troisième mouvement, Tempo di menuetto, n’a que le tempo du menuet car rien ne laisse place à la danse. Les troisièmes temps ne vont pas assez vers les premiers suivants, et ceux-ci sont trop appuyés. Le reste est assez similaire, c’est-à-dire sans faute, mais sans éclat. 

Dans la Quatrième, surprise ! C’est tout le contraire auquel nous avons droit. 

L’équilibre sonore entre les sections est bien ajusté, surtout lors de l’introduction lente du premier mouvement. Celle-ci, pleine de mystère, planante, nous amène pas à pas vers l’Allegro, festif et énergique. Mention honorable aux vents et timbales pour la précision. Le second mouvement est d’un lyrisme impeccable et apaisant avec des phrases qui respirent et se posent. Le scherzo qui suit surprend avec des attaques espiègles et les musiciens jouent bien le jeu des syncopes qui viennent ponctuer les phrases. Le mouvement final est très léger, Yannick dansant sur le podium.

Au retour de la pause, ce fut au tour de la Cinquième d’être entendue. Avant d’entrer dans le vif du sujet, une explication s’impose. Il est indiqué dans le programme que Beethoven a été le premier compositeur à inscrire des mesures métronomiques dans ses partitions, souhaitant ainsi préciser les indications de vitesses plutôt vagues, comme Adagio ou Allegro que l’on utilise toujours. 

Avant d’entrer dans le vif du sujet, une explication s’impose. Il est indiqué dans le programme que Beethoven a été le premier compositeur à inscrire des mesures métronomiques dans ses partitions, souhaitant ainsi préciser les indications de vitesses plutôt vagues, comme Adagio ou Allegro que l’on utilise toujours.

Départ surprenant, le tempo est très rapide pour le 1er mouvement.  Il y a des pours et des contres à le précipiter ainsi. En prenant la vitesse métronomique indiquée, Yannick et l’orchestre expriment ce sentiment de panique du compositeur faisant face à sa surdité et à sa propre fatalité. 

Mais il ne fait pas les points d’orgue qui ponctuent ce mouvement et passe tout droit là où la tension peut, ou doit, s’accentuer. Ainsi, la construction de certaines phrases est précipitée, tout comme la cadence du hautbois, qui est amenée de façon brutale. On finit par s’habituer à cette vitesse et à cette manière de voir cette célèbre page, qui donne toutefois un élan, quand même que l’on en ressort essoufflé. 

Le deuxième mouvement est aussi précipité, peu chantant. Le tempo passe toujours dans les deux premières variations, mais quand les cordes graves arrivent dans les triples croches, tout devient flou, autant que l’indication « dolce » devient difficile à respecter. C’est une chose de respecter les mesures métronomiques, mais peut-être pas au détriment de la musique, qui doit respirer. 

Le troisième mouvement est le plus intéressant, joué avec vigueur et mystère. On peut discuter l’appel des cors en crescendo plutôt que subito forte, comme écrit, car il s’agit du thème principal. Tout est excellent, avec des cordes mordantes, sauf quand on arrive à la coda, qui se joue sur la pointe des pieds. Il y a une alternance entre les pizzicatos des cordes et les bois sur le motif rythmique principal. Ceux-ci jouent les notes longues, ce qui contraste énormément. Nulle part ailleurs on joue ce motif long, alors pourquoi là? 

Par ailleurs, la transition qui amène le mouvement final est mené par un instrument en particulier que l’on n’entend pas assez: la timbale. Pendant que les cordes tiennent une note longue de 12 mesures pour ensuite construire lentement la ligne mélodique, celui-ci est seul dans son coin à installer le rythme et doit tirer l’orchestre et le crescendo vers l’apothéose du mouvement final, qui laissera une place prépondérante au piccolo, dont la Cinquième marque le début de l’instrument dans l’orchestre. 

Ce concert est le plus long sur papier des quatre, avec 96 minutes de musique. En ligne, il est annoncé à 1h56, entracte compris, mais il se termine 2h15 après son début. Est-ce que l’OM et leur chef frapperont le fameux mur du 30e kilomètre dont parlent tous les marathoniens ? Le danger est là, car le prochain concert n’est que dans 1h45.D’entrée de jeu, la création de la pièce Ré_Silience de Cristina García Islas fut fort intéressante sur le plan du discours, mais légèrement discutable sur le contexte. L’œuvre est brillamment structurée, mais on aurait plutôt cru à un hommage à Chostakovitch, tant les cuivres étaient forts et la percussion abondante. Sans oublier les longues phrases tenues aux violons dans le suraigu, doublé aux flûtes, sur fond de pédales aux basses. D’ailleurs, celles-ci placées sur la gauche, se perdaient souvent dans le son collectif. Pour rendre hommage à Beethoven, en plus de citer le deuxième mouvement de la Huitième, elle y ajoute dans la section des percussions, deux métronomes en décalage. Chapeau aux musiciens pour avoir continué à garder le tempo malgré ces clics !

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