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Du 8 au 16 mars, soit pour une troisième année consécutive, Groupe le Vivier présente La Semaine du Neuf. Le plus important diffuseur québécois des musiques de création lance son événement, ce samedi 8 mars: 13 programmes (dont une installation) présenteront 25 créations, sans compter les autres œuvres inscrites. Axée principalement sur la production locale cette année, cette Semaine du Neuf a pour objet de catalyser notre ouverture et notre curiosité de mélomanes à l’endroit de la composition et de l’interprétation des musiques de création, instrumentales, électroniques, audiovisuelles, immersives ou destinées au bon vieux concert.
Avant le grand démarrage prévu ce 8 mars, le directeur artistique du Vivier a été interviewé par Alain Brunet pour PAN M 360. Jeffrey Stonehouse nous cause ici des publics courtisés par Le Vivier et commente sa programmation, concert par concert.
PAN M 360 : Depuis quelques années, on observe que le public du Vivier est très varié, multigénérationnel, éclectique. Le résultat d’un travail conscient?
Jeffrey Stonehouse : Nous travaillons très fort sur la diversification de notre auditoire, nous tenons à créer des contextes propices à une résonance avec de nouveaux publics. Nous souhaitons évidemment continuer à le faire avec la Semaine du Neuf.
PAN M 360 : Comment faire pour satisfaire tous les publics qui peuvent s’intéresser à la communauté du Vivier?
Jeffrey Stonehouse : Il n’y a pas un seul public au Vivier. C’est aussi varié que les gens qu’on croise dans le métro. On souhaite que la programmation, il s’agit bien sûr d’un souhait, représente la diversité de notre ville. C’est un développement, c’est un croisement entre public spécialisé, grand public et jeune public/famille.
PAN M 360 : De quelle manière le grand public peut-il être attiré par une telle programmation?
Jeffrey Stonehouse : Je crois personnellement qu’il existe des gens ouverts partout dans la société, ce sont pour moi des fans cachés – profs de cégep, fans de théâtre expérimental, spectateurs en quête d’expériences plus intenses, etc. Pour embarquer dans la Semaine du Neuf, ça prend une ouverture ! Les expériences y sont complètement différentes d’un soir à l’autre, de l’immersion audiovisuelle, à l’acousmatique en passant par le théâtre de marionnettes, le tout ancré dans de nouvelles compositions.
PAN M 360 : Quel est le liant de cette programmation de la troisième Semaine du Neuf ?
Jeffrey Stonehouse : C’est une programmation entièrement fondée sur la création. Nous présentons 25 créations cette année. Ce qui nous mène dans plusieurs salles emblématiques de la ville, en tout une douzaine de programmes et une installation de Jean-François Laporte qui nous permet de découvrir le nouveau lieu du Vivier. Le liant de ce festival se trouve dans toutes les facettes de la musique de création. Le ciment, c’est le neuf, le nouveau.
PAN M 360 : Allons-y du commentaire de la direction artistique pour chacun des programmes. Alors avec l’installation Spirituel de Totem Contemporain sous la direction de Jean-François Laporte :
Jeffrey Stonehouse : L’Espace Sainte-Hilda (6341 Av. De Lorimier près de Beaubien) est une église anglicane que Le Vivier partage avec la communauté. Spirituel, l’installation de Jean-François Laporte qui y est actuellement présentée, met ce lieu en valeur. Jean-François a créé cette installation en utilisant des bols, sa lutherie permet une expérience hyper méditative. Le public n’y sent pas le temps passer, c’est une expérience tout en subtilité de Jean-François Laporte.

Nanatasis, présenté ce samedi et ce dimanche PM au théâtre Outremont :
Jeffrey Stonehouse : Ce programme réunit trois femmes, l’opéra porte un texte de l’artiste abénakise Nicole O’Bomsawin et les musiques d’Alejandra Odgers. Cette programmation est faite en collaboration avec le festival international de Casteliers, consacré aux marionnettes. Cet opéra s’inspire de trois légendes abénakises, c’est une proposition jeune public ou famille, qui intègre des musiques de création. C’est bien sûr une jonction entre musiques de création et traditions autochtones. Nous trouvons en ce sens que les créations sont toujours intéressantes, notamment pour le jeune public.

Tout ce qui m’épouvante, le programme proposé par le quatuor de saxophones Quasar :
Jeffrey Stonehouse : Quasar a assemblé tout un concept de création autour de compositeurs lituaniens. Il y a aussi une oeuvre qui me touche particulièrement, de la compositrice ukrainienne Alla Zagaykevych ( The Saxophone Quartet/While Flying Up ) qui a passé plusieurs mois en résidence au Vivier. Je suis heureux de voir qu’il y a encore une résonance de son passage à Montréal, surtout dans l’actuel contexte géopolitique. Je crois que ce statement est important.

Musiques et recherches : Vous avez dit acousmatique? :
Jeffrey Stonehouse : Ce programme d’Annette Vande Gorne et de Julien Guillamat se veut un concert marathon de musiques (surtout) belges. Ce concert entièrement acousmatique résulte d’une collaboration entre Robert Normandeau et Annette Vande Gorne, ce programme est ainsi présenté au MMR et ses 64 enceintes acoustiques. La pièce centrale au programme est celle d’Annette, Vox Alia, un cycle réparti en cinq parties construites autour de la voix comme vecteur émotionnel. De Julien Guillamat, il y aura aussi la pièce Altitudes et le 2e mouvement de sa Symphonie de l’étang. Je souligne aussi qu’une œuvre de la compositrice montréalaise Ana Dall’Ara-Majek, soit Xylocopa Ransjecka.

Jeffrey Stonehouse : Nous faisons un premier essai à Longueuil pour ce projet en résidence à la Maison de la culture Michel-Robidas. Ce programme est porté principalement par Martin Bédard. Voilà une autre proposition acousmatique illustrant la richesse et la diversité purement électroacoustiques. Ce projet est développé par Martin depuis un moment, ce projet a incubé dans ce lieu à Longueuil. Pourquoi ce programme? J’adore la musique de Martin, c’est une occasion de mettre son travail en évidence dans le cadre de la Semaine du Neuf.

Paramirabo et Musikfabrik, une des rencontres internationales :
Jeffrey Stonehouse : Les points de rencontre entre la communauté montréalaise et l’internationale sont parmi les facteurs intéressants du festival. L’édition 2025 est plus locale, cependant, l’emphase sur une programmation internationale se veut plutôt cyclique.Néanmoins, le concert du 11 mars en est un bel exemple de collaboration locale-internationale. Paramirabo y reçoit l’ensemble allemand Musikfabrik, soit un trio sous le leadership du hautboïste Peter Veale. Essentiellement, il s’agit d’un plateau double où chaque ensemble présente ses parties et où tout le monde se rejoint par la suite. Des pièces en création de Paul Frehner et Chris Paul Harman seront assurées par Paramirabo, celles de Dylan Lardelli et Gordon Williamson le seront par Musikfabrik. Il y aura quelques moments de rencontre entre les deux ensembles, dont un s’inspirant d’une improvisation de Pauline Oliveros impliquant tous les musiciens, sous le thème des approches et des départs. Il y aura aussi une pièce du Canadien Rodney Sharman, pour cor anglais et piano jouet joué par Peter Veale et la pianiste Pamela Reimer.
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Chants libres | Laboratoire lyric (03) : la voix lumineuse :
Jeffrey Stonehouse : La compagnie Chants libres a mis sur pied le Laboratoire lyric, un espace d’exploration et de création pour le chant lyrique. Cette fois, il s’agit d’un travail autour du compositeur Frédéric Lebel avec la participation du scénographe Cédric Delorme Bouchard, de la performer Jennyfer Desbiens et de la violoncelliste Audréanne Filion. Il s’agit d’un triptyque alliant la voix, le violoncelle et l’électronique avec une dramaturgie assurée par la conception d’éclairages. Quel en sera le ciment? Je le saurai comme le public, au moment de la représentation.

Le Baptême du haut-parleur : Sawtooth et Charles Quevillon :
Jeffrey Stonehouse : La soprano Sarah Albu et l’accordéoniste Matti Pulkki ont formé le duo Sawtooth. Cette proposition est pour moi un coup de cœur, il s’agit d’un techno opéra interrogeant notre lien avec la technologie, particulièrement à travers la personnification du haut-parleur incarnant la technologie dans nos sociétés. Aujourd’hui basé en Finlande, le compositeur et performeur montréalais Charles Quevillon a réalisé un travail assez approfondi avec la danse au cours de sa carrière, sa proposition de ce programme est hautement performante. J’ai vraiment hâte que le public la découvre!

Effusione d’Amicizia, du Quatuor Bozzini :
Jeffrey Stonehouse : Mon intérêt principal dans ce programme sera une une composition de la Torontoise Linda Catlin Smith, qui fut une étudiante de Morton Feldman. Cette œuvre se déroule dans un espace tout en douceur, en détente. On peut parler d’une expression minimaliste en ce sens. Deux autres créations de Michael Oesterle et Martin Arnold. La démarche de ce dernier repose sur les musiques anciennes et traditionnelles qui viennent s’entremêler dans musique de création bien d’aujourd’hui, plutôt psychédélique. Quant à Oesterle, c’est la suite d’une longue collaboration avec le Bozzini.

Bradyworks : deux guitares, deux générations :
Jeffrey Stonehouse : Deux générations de guitaristes électriques se rencontrent. Tim Brady invite Matthew Warren Ruth à partager le programme. Dans les deux cas, on parle du double chapeau entre interprètes et compositeurs.

Collectif9 et Architek Percussion : Quelque part, mon jardin
Jeffrey Stonehouse : On doit d’abord souligner le prix Opus de son directeur artistique Thibault Bertin-Maghit. Ce projet-ci s’insère dans l’esthétique de Collectif9, qui s’intéresse beaucoup à ce qui se trouve aux frontières des disciplines. Toute l’expérience de Quelque part, mon jardin s’inspire du texte de Kaie Kellough avec une vidéo de Myriam Boucher et Nicole Lizée, des illustrations de Julien Bakvis et Melissa Di Menna. C’est une expérience hautement visuelle, on y passe du lyrisme à une forme de groove à travers les mots de Kaie Kellough.

TAK Ensemble: Star Maker / Love Songs – Ana Sokolovic par Kristin Hoff
Jeffrey Stonehouse : Pour Love Songs, on a trois femmes dont la mezzo-soprano Kritstin Hoff, qui interprète une œuvre énorme de la Montréalaise Ana Sokolovic. Dans le même programme, le TAK Ensemble de New York jouera une œuvre inspirée du roman Star Maker d’Olaf Stapledon, on est invité à suivre l’évolution de la nature humaine à partir du cosmos. Il s’agit d’un langage musical en suspension, qui flotte à travers une approche microtonale. C’est quelque chose qui vibre. On est très content de présenter cette pièce.

PAN M 360: Comment trouver l’équilibre entre la trame dramatique de cette programmation et les dispos des artistes ?
Jeffrey Stonehouse : On doit trouver le moyen d’atteindre l’équilibre. La logistique rend parfois les choses impossibles mais conclure avec TAK était un choix conscient et volontaire. Notre proposition se conclut dans l’immersion, tout ça constitue un très beau parcours pour le public.