expérimental / contemporain / improvisation libre / musique contemporaine

M/NM | DigiScores : un éclectisme visuel et sonore

par Alexandre Villemaire

Le cadre bétonné et semi-industriel de l’Agora Hydro-Québec du Cœur des sciences de l’UQAM s’est rempli de couleurs, de formes et de sons dimanche dernier dans ce neuvième concert de la programmation 2025 du Festival Montréal/Nouvelles Musiques qui arrive à la mi-parcours de sa douzième édition.

On ne peut faire autrement que de parler de couleurs, de sons et de formes pour ce concert, car ces éléments étaient à la base du matériel musical du concert, dont le programme s’articulait autour de partitions graphiques animées. Ces dernières étaient projetées sur un grand écran placé derrière les musiciens de l’Ensemble SuperMusique (Olivier St-Pierre, piano ; Jean Derome, saxophones, flûtes, objets, voix ; Corinne René percussions ; Jean René, alto ; Vergil Sharkya’, synthétiseur) qui assuraient la réalisation de ces œuvres. Ainsi, plutôt que des partitions entendues au sens traditionnel du terme, la majorité des pièces présentées étaient des tableaux sonores et des œuvres d’arts visuels, plutôt que des œuvres sur partitions traditionnelles. Pour paraphraser les propos d’ouverture de Simon Bertrand, directeur artistique de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), la partition écrite est une œuvre d’art en soi, mais il y a bien d’autres manières de la concevoir.

La première œuvre présentée était de la compositrice Linda Bouchard, intitulée Pandémonium. L’œuvre explore trois concepts traditionnels de la musique avec des éléments visuels qui interagissent avec le jeu des instrumentistes : une voix principale dessinée en blanc, une partie d’accompagnement, dessinée en bleu, et des solos, duos et trios libres, dessinés en rouge. Les musiciens possèdent une partition fixe ainsi que des indications précises concernant le jeu qu’ils doivent exécuter. C’est le résultat du jeu des musiciens qui est projeté sur l’écran. Il en ressort une mosaïque sonore vivante où les formes qui apparaissent, tantôt anguleuses, tantôt linéaires, tantôt éclatées, peignent une toile sous forme de chaos organisé. La pièce de Linda Bouchard devient presque méditative.

La pièce Zero Waste du compositeur Nick Didkovsky utilisait un médium graphique plus traditionnel, avec une partition classique en notation occidentale. La particularité de la pièce réside dans la manière dont celle-ci est construite et évolue dans le temps. Il s’agit d’un duo entre le pianiste Olivier St-Pierre et un ordinateur qui met au défi l’interprète de créer et de lire à vue une nouvelle pièce en direct. Après un faux départ occasionné par un brusque arrêt de la projection, le musicien a pu aller au but de sa performance. S’ensuit un jeu de relai de style « téléphone » où après avoir joué les deux mesures créées par le logiciel, ce dernier en affiche deux nouvelles, interprétées et générées de nouveau, prenant en compte les différentes variations de l’interprétation, de même que les erreurs effectuées par Olivier St-Pierre. À ce mouvement perpétuel instauré au piano dont la partition se dévoile sous nos yeux, les instrumentistes se greffent à la matière musicale pour la complémenter. Il en ressort un caractère obsessif comme un mantra musical.

La vie de l’esprit de Joane Hétu, composé en collaboration avec l’artiste visuelle Manon De Pauw, est une allégorie sur le fonctionnement de l’esprit, des idées et de l’imaginaire. S’ouvrant sur une mélodie originale, on navigue à travers des moments de grandes tensions et d’effervescences chaotiques et des instants de calme. La partition/œuvre d’art de Manon De Pauw qui accompagne la musique sur laquelle Hétu a superposé la musique épouse les coups de pinceaux d’aquarelles, les effacements et les formes aqueuses créées sous nos yeux et qui prennent la forme de cellules ou de synapses.

L’œuvre de Terri Hron Mouth of a River fait également appel à l’eau dans sa constitution thématique et sonore, mais présentée dans un cadre plus stable. Inspiré par un séjour dans l’estuaire du Saint-Laurent, Hron explore ces eaux, ces rochers et ces marées par le biais de montages de photos et de vidéos. Le plan fixe tourné depuis une arche (ou une grotte) donnant sur le fleuve donne d’une bouche ouverte. C’est dans cette embouchure que différentes images et vidéos se superposent, se transforment avec une musique texturée.

Tiroirs bonbon pastels de Nour Symon est venu conclure la soirée avec une explosion de couleurs vives. Le langage de Nour Symon est dense, chargé et chaotique demandant une nécessaire acclimatation avant que l’auditeur et les interprètes trouvent leur vitesse de croisière. Nous en avions fait l’expérience dans un précédent concert avec son œuvre J’ai perdu le désert, un peu plus longue, mais qui s’inscrit dans la même lignée thématique. L’œuvre fait appel à une intensité de jeu marquante de la part des instrumentistes, notamment de Corinne René aux percussions et de Jean Derome. Ce dernier changeait d’instruments pratiquement à chaque seconde, alternant entre saxophones, flûtes, embouchures et divers objets, autant d’éléments qui influaient sur le timbre de la musique.

Ce concert a offert au public, cinq voyages visuels et auditifs qui nous amènent sur des chemins hors de notre zone de confort et de nos habitudes d’écoute en venant brasser notre conception, peut-être statique et conventionnelle de la partition écrite et de la manière de faire de la musique. L’éclectisme du concert a donné un vaste aperçu des formes que peut prendre ce type de composition, allant du plus expérimental au plus accessible. Si un des objectifs de ce concert était de présenter la variété de ce type d’écriture, il a été réussi.

chanson keb franco / indie rock / Pop indé

La Marche de l’empereur au Club Soda : Thierry Larose, blesse, Lysandre, P’tit Belliveau et invités

par Rédaction PAN M 360

La Marche de l’empereur, ayoye. Festival d’un soir seulement au Club Soda orchestré par Maison Pingouin. Des chansons sélectionnées HABILEMENT présentées par les artistes eux-mêmes : Thierry Larose, blesse, Lysandre et P’tit Belliveau en plus de plusieurs invités surprises. La cerise sur le sundae : Marianne Boucher à la direction artistique ; capitaine des transitions pour enchaîner les artistes pingouins / artistes invités. DJ Pingouin en ouverture blastera-très-fort du hip-hop approuvé par la vraie culture. Ayoye!

La Marche de l’empereur, ayoye. A one-night-only festival at Club Soda orchestrated by Maison Pingouin. Selected songs HABIALLY presented by the artists themselves: Thierry Larose, blesse, Lysandre and P’tit Belliveau, plus several surprise guests. The icing on the sundae: Marianne Boucher as artistic director; master of transitions to link Penguin artists / guest artists. DJ Pingouin opens with a blaster of hip-hop approved by real culture. Ayoye!

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Ce contenu provient de Simone Records et est adapté par PAN M 360

classique moderne / classique occidental

OSM et Khachatryan | Musique, politique et condition humaine

par Hélène Archambault

Il y a des moments où on se sent privilégiés d’être là où on est. C’était le cas mercredi soir à la Maison symphonique. Je crois que c’était un sentiment partagé, du moins si je me fie au rappel qu’a eu le violoniste Sergey Khachatryan qui a formidablement interprété le Concerto pour violon en ré majeur, op. 35 de Tchaïkovski. 

L’orchestre lui a fourni un écrin dans lequel il a pu exprimer sa sincérité, comme lorsque les flûtes reprennent à la fin de sa cadence, toute personnelle, ou encore, dès les premières mesures, alors que les cordes introduisent le violon solo. 

Le rappel est une pièce de Grigor Narekatsi, poète mystique arménien du 10e siècle, saint de l’Église apostolique arménienne. En 2015, en commémoration du 100e anniversaire du génocide arménien, le pape François a déclaré saint Grégoire de Narek (nom francisé), docteur de l’Église, le 36e, pour ses écrits intemporels. Intemporelle, Havoun, havoun l’est. À plus de 1000 ans d’écart, sa pièce résonne. 

Après l’entracte, Payare et l’OSM attaquent la Symphonie no 11, op. 103 « L’année 1905 » de Chostakovitch. 11 jeunes instrumentistes des écoles de musique de Montréal, Conservatoire, McGill, Université de Montréal, font partie de l’orchestre pour l’occasion. Connaître l’histoire de cette symphonie donne des clés pour l’apprécier pleinement, car ce n’est pas le genre de pièce que l’on écoute en préparant une salade de pois chiches le lundi matin avant d’aller attraper le métro. Les notes de programme sont éclairantes. La Symphonie no 11 est intimement liée à l’histoire de la Russie, puis de l’Union soviétique, tant dans son écriture que dans sa réception par le régime. L’URSS au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ayant décrété la musique de Chostakovitch ennemie des travailleurs, il faut attendre les années 1950 pour de nouvelles compositions. Composée début 1957, Chostakovitch y raconte en musique l’insurrection populaire de 1905 contre l’Empire russe. Le premier mouvement, « La place du palais », s’ouvre sur un tableau hivernal et hostile où se déroule bientôt une répression sanglante. Caisse claire militaire, clairon et illustrations de chants folkloriques sont autant de manifestations sonores de la violence de la répression. Le second mouvement évoque le Dimanche rouge et encore ici, Chostakovitch utilise le matériau musical pour dépeindre l’horreur du massacre et la désolation de la mort. Le troisième mouvement « Mémoire éternelle » rappelle la Marche funèbre des Révolutionnaires. Quant au Finale, « Tocsin », c’est la ferveur révolutionnaire, caractérisée par trompettes et cordes basses, interrompue par une mélodie au cor anglais, et qui se termine aux sons des cymbales et des cloches. Quand la musique cesse, on se demande ce qu’on vient de vivre. J’étais émue, dérangée, jetée à terre. 

Ce concert incarne la condition humaine dans toute sa fragilité.

crédit photo: Antoine Saito 

musique contemporaine

M/NM | Musique à l’âme et à l’encre de Chine

par Frédéric Cardin

Le Festival Montréal Nouvelles Musiques présentait hier un programme inusité, Le son de l’encre, au centre duquel se manifestait la démarche à la fois mécanique et symbolique du trait, du dessin et de l’écriture. Cinq œuvres pour flûtes et diverses additions (vidéo, interface sonore animée par la gestuelle, calligraphie en direct) étaient jouées. L’esprit de la calligraphie asiatique est associé à l’élégance, à l’harmonie et à la minutie. C’est également dans cet état sonore, du moins en général, que la musique proposée s’est épanouie. Bien que ‘’contemporaines’’, les pièces au programme, pour la plupart, étaient enveloppées d’échos plus ou moins explicites de musiques asiatiques, grâce aux harmonies sur gammes pentatoniques. Signées par François Dery, Claire-Melanie Sinnhuber, Tao Yu, Gualtiero Dazzi et François Daudin Clavaud, les oeuvres aux titres évocateurs (Bambous, Fleurs de prunes tombantes, Le son de l’encre, Vent léger, etc.) ont dressé un décor à la fois moderne et intemporel, baigné dans une atmosphère souvent contemplative, voire ritualiste. Quelques pièces étaient plus poignantes que d’autres, comme par exemple La demeure du rêve de Gualtiero Dazzi, superbe construction sonore sur des dessins du Sud-Coréen Kim Yung Gi, l’un des grands illustrateurs de notre époque, décédé à 47 ans en 2022. Les dessins de Gi, quatre au total et admirables de naturel mais aussi de complexité symbolique, se déclinaient en une série de portraits familiaux mis en abîme les uns par rapport aux autres. Un moment profondément touchant. 

La présence du calligraphe de renommée Shanshan Sun était nécessaire pour accompagner quelques œuvres comme Feu, neige, cendres de François Déry. Je n’ai pas été aussi convaincu par la cohérence de la relation entre les gestes live de Sun et la musique. D’autant plus que dans la dernière pièce de la soirée, la coordination a semblé faire défaut, Sun terminant son écriture sur grand papier, pendant que les musiciens avaient fini de jouer. Je dirais que presque une minute s’est déroulée lors de laquelle un simple regard de l’un des flûtistes trahissait sn interrogation, à savoir s’il devait rester encore longtemps avec son instrument levé… 

Quoi qu’il en soit, j’ai beaucoup aimé la polyvalence du Trio d’argent, formé de Michel Boizot, Xavier Saint-Bonnet et François Daudin Clavaud. Trois flûtes ensemble, certains vous diront que c’est du suicide. Les Français ont démontré que cela pouvait très bien se faire, et en plus, sonner magnifiquement bien. La variété des types de flûtes utilisées y était aussi pour beaucoup. Occidentales, orientales, flûtes basses (j’adore!), etc., les couleurs déployées étaient nombreuses et bellement appliquées, dans une perspective contemporaine, certes, mais pas expérimentale. 

Une soirée parfois envoûtante, souvent apaisante, toujours agréable et surprenante. Une fort jolie proposition du Festival Montréal Nouvelles Musiques, dont ce n’est encore que le début. 

Entrevue d’Alain Brunet avec le flûtiste Michel Boizot :

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musique contemporaine / Piano

M/NM : L’insecte de Kafka en métamorphose sous la Satosphère 

par Judith Hamel

Ce lundi soir, une poignée de mélomanes ont bravé les bourrasques glaciales et les montagnes de neige pour s’installer bien confortablement dans les poufs de la Satosphère, au cœur de la Société des arts technologiques (SAT). Tout droit venus de Malte, le compositeur Ruben Zahra et la pianiste Tricia Dawn Williams avaient troqué la douceur méditerranéenne pour le froid montréalais afin de présenter Kafka’s Insect dans le cadre du Festival international Montréal/Nouvelles Musiques (M/NM).

À travers une performance audiovisuelle immersive, Kafka’s Insect est une relecture du célèbre roman La Métamorphose de Franz Kafka (1915). En une quarantaine de minutes, le récit visuel met en scène des personnages de l’histoire de l’auteur austro-hongrois ainsi qu’un véritable insecte filmé sous divers angles et en mouvement. La narration se construit en fragments et s’appuie sur des événements sonores directement issus du texte de Kafka : le martèlement de la pluie contre les vitres, le fracas d’une fiole de laboratoire s’écrasant au sol ou encore le choc des pommes projetées contre un mur. Ces sons diégétiques se mêlent à la bande sonore jouée en direct par le piano et les synthétiseurs. Vers la fin de l’œuvre, un dialogue s’installe entre un violon enregistré dans le film et le piano joué sur scène. Ces interactions renforcent la cohésion entre l’univers sonore et visuel et rendent l’expérience d’autant plus immersive.

De plus, des éléments mis en boucle nous poussent à interpréter les scènes sonores et visuelles avec différents regards. Ce procédé amplifie l’étrangeté de l’œuvre, rendant hommage à l’absurde qui imprègne le texte de Kafka.

Les projections vidéos – habituellement diffusées sur une sphère gonflable de deux mètres de diamètre placée au centre de la scène – ont été spécialement adaptées pour cet événement, exploitant une large partie de la surface du dôme immersif de la SAT. Le film, tourné en grande partie avec un objectif vintage Daguerreotype Achromat de 1838, affichait une esthétique singulière ; une lumière douce, avec un flou évoquant un imaginaire florissant, à l’image du protagoniste de Kafka. L’image circulaire était ainsi projetée sur le dôme. Les projections du protagoniste représenté en insecte géant étaient ainsi sur écran imposant, créant une atmosphère captivante.

L’intégration des textes projetés, bien qu’elle facilitait la compréhension du récit, rompait parfois l’immersion. En revanche, les moments où les synthétiseurs s’ajoutaient au piano permettaient d’établir une ambiance particulièrement enveloppante. Enfin, la synchronisation impeccable entre la musique en direct et la vidéo, facilitée par un clic dans les écouteurs des interprètes, a été un élément appréciable qui a renforcé la fluidité de la performance.

Ce spectacle marquait le dernier événement du M/NM présenté à la SAT, mais la 12ᵉ édition du festival se poursuit avec encore plusieurs concerts à découvrir dans les prochains jours. Axé cette année sur le dialogue entre musique et image, le MNM propose pas moins de 18 concerts sur 16 jours.

crédit photo: Emma Tranter

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Afrique / autochtone

Mois de l’histoire des Noirs | Une immersion afro-autochtone

par Sandra Gasana

Pour sa troisième édition, Immersion nous a plongés dans une rencontre entre deux femmes artistes africaines, Dalie Dandala, du Congo-Brazzaville, et Lerie Sankofa, de Côte d’Ivoire, et une femme Atikamekw, Laura Niquay. Ensemble, elles nous ont partagé le fruit de leur résidence de création artistique de 21 jours au cours de laquelle elles ont appris à se connaître, elles ont créé ensemble tout en chantant dans les langues respectives de chacune.

L’art de la mise en scène avait toute sa place dans ce spectacle, sous la direction de Fredy Massamba, lui-même artiste de renom. De l’habillement, à la danse, aux nombreux instruments joués par les trois femmes, rien n’était laissé au hasard. Chacune à tour de rôle prenait le temps d’expliquer ses chansons, avec la participation des autres aux chœurs ou à l’aide d’un instrument. Par moments, on ne savait plus s’il s’agissait d’une langue africaine ou autochtone, tellement les frontières étaient poreuses.

Le chant, la danse, les instruments et leur agencement s’est fait tout naturellement, permettant aux artistes de se raconter à leur guise. Le ngoma, les percussions, la guitare, le tambour handpan et l’ahoco : tout y était. Chacune des artistes chantait dans sa langue maternelle, en insérant par moments des bouts de phrases en français.
« Nzobi, dans ma langue signifie rituel ou prière, un peu comme le vodou », nous explique Dalie Dandala avant d’entonner sa chanson en nyari. Elle est rejointe par Lerie aux percussions et Laura aux chœurs avant de se mettre à danser, toute vêtue de rouge.

À son tour, Lerie nous partage une chanson en avikam qui parle des femmes et de leur volonté de liberté lorsqu’elles sont maltraitées par leur mari. Dalie et Laura l’accompagnent, l’une à l’ahoco et l’autre à travers une poésie dans la langue Atikamekw, avec un peu de français.

Malgré une corde de sa guitare qui se détache en plein show, cela n’a pas empêché Laura d’en jouer sur le morceau « Stéréotype », qui dénonce les préjugés sur le rôle de la femme, avec Dalie et Lerie aux chœurs et percussions.

Ces femmes ont même fait participer le public sur un morceau, alors que Fredy Massamba ne pouvait plus se retenir de danser. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait à un moment dans la soirée lorsqu’il a rejoint le trio sur scène, rapidement accompagné par Louise Abomba, une artiste visuelle du Cameroun.

Elles ont clôturé le spectacle avec un hommage aux jumeaux, considérés comme une bénédiction dans plusieurs cultures en Afrique, en chant, en musique et en danse. La complicité était plus palpable entre les deux artistes africaines, bien entendu, mais Laura a réussi à se frayer une place tout en leur donnant l’espace de créer un lien plus fort entre elles.

S’en est suivi une période d’échange, qui a permis aux spectateurs de poser quelques questions aux trois artistes. Le thème de la femme était central tout au long du show, le pouvoir qui leur sont conférés, leur rôle dans la société et les préjugés à déconstruire à leur sujet.
À la question « Et après ? » venant du public, nous avons appris que Laura, qui travaille présentement sur un album blues avec un band uniquement composé de femmes, a invité Dalie et Lerie à participer à son projet. Nous allons donc devoir attendre une suite à cette immersion artistique qui aura résulté en une symbiose culturelle entre l’Afrique et un Peuple autochtone du Canada.

baroque / classique

Les Violons du Roy : Bach, les premières cantates et Bernard Labadie

par Sami Rixhon

On s’imagine facilement et même presque exclusivement le grand Johann Sebastian Bach en homme âgé, pétri des plus grands savoirs  musicaux que seuls l’expérience et le temps  apportent. C’est pourtant un tout jeune homme, au début de la vingtaine, qui nous lègue les puissants et parfaits chefs-d’œuvre que sont ses toutes premières cantates. Des œuvres qui ouvrent l’une des plus importantes sommes musicales de tout l’Occident, livrées ici avec La Chapelle de Québec, dans toute leur splendeur.
Bernard Labadie, chef
Myriam Leblanc, soprano
Daniel Moody, contre-ténor
Hugo Hymas, ténor
Stephen Hegedus, baryton-basse
Avec La Chapelle de Québec

It is easy to imagine the great Johann Sebastian Bach almost exclusively as an elderlyman, steeped in the greatest musical knowledge that only time and experience can bring. Yet it was a young man in his early twenties who handed down to us the powerful, true masterpieces that comprise his very first sacred cantatas. These works are the first of one of the most important musical collections in the whole of the western world, delivered in all their splendour here with La Chapelle de Québec.
Bernard Labadie, conductor
Myriam Leblanc, soprano
Daniel Moody, countertenor
Hugo Hymas, tenor
Stephen Hegedus, bass-baritone
With La Chapelle de Québec

Programme

J.S. BACH
Cantate Christ lag in Todes Banden, BWV 4
Cantate Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit, BWV 106
Cantate Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir, BWV 131
Cantate Nach dir, Herr, verlanget mich, BWV 150

Program

J.S. BACH
Cantata Christ lag in Todes Banden, BWV 4
Cantata Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit, BWV 106
Cantata Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir, BWV 131
Cantata Nach dir, Herr, verlanget mich, BWV 150

POUR ACHETER VOTRE BILLET, C’EST ICI!

Ce contenu provient des Violons du Roy et est adapté par PAN M 360

musique contemporaine

Ali Zadeh chez Molinari : une visite qui restera dans nos mémoires longtemps

par Frédéric Cardin

L’événement Le quatuor selon Ali Zadeh, organisé par le Quatuor Molinari et se déroulant sur trois journées, atteignait son point culminant samedi soir, le 15 février, à la salle du Conservatoire de Montréal. En présence de la compositrice, petite femme élégante de 78 ans, on y a écouté, probablement pour la toute première fois au monde, la totalité de ses quatuors à cordes d’une seule traite. Une totalité d’autant plus inédite qu’elle comportait la création d’une œuvre écrite spécifiquement pour les Molinari, son quatuor Farewell

ÉCOUTEZ L’ENTREVUE RÉALISÉE AVEC OLGA RANZENHOFER DU QUATUOR MOLINARI

Après une mise en bouche assez fournie et débitée à toute vitesse par l’artiste multidisciplinaire Nicolas Jobin, également ‘’spécialiste’’ de l’oeuvre de Franghiz Ali Zadeh, les sept quatuors de la compositrice azerbaïdjanaise ont été lancés dans un ordre non chronologique, contrairement à l’habitude du Quatuor Molinari dans ce genre d’événement. Une idée de Mme Ali Zadeh qui, je pense, s’est avérée heureuse car elle privilégiait une alternance entre les œuvres harmoniquement ‘’modernistes’’ et celles plus ouvertement ‘’folkloriques’’. 

Je ne résumerai pas ici chaque pièce, mais l’impression finale des nombreux auditeurs présents est probablement celle d’une fusion authentique, savante sans cérébralisme abscons, d’univers musicaux orientaux et occidentaux. Le langage des chants sacrés azéris, appelés mughams, est omniprésent dans la palette expressive d’Ali Zadeh, mais avec des variantes d’intensité et d’explicité selon les quatuors. Si Reqs (Danse) de 2015, et surtout Mugham Sayagi de 1993, son œuvre la plus célèbre (créée par le Kronos), sont fortement teintés de ce que des oreilles occidentales perçoivent comme de l’orientalisme évident, d’autres comme Dilogia (1974, rév. 1988), In Search Of… (2005), et même la création Farewell (2025) s’inscrivent plus fortement dans un sillage hérité de la modernité chromatique, voire carrément de la Seconde École de Vienne (Farewell est explicitement inspiré du Concerto À la mémoire d’un ange d’Alban Berg). Cela dit, même dans ceux-ci, l’âme d’une musique savante liée au chant sacré islamique demeure perceptible, pour qui sait écouter. 

C’est ainsi que l’on peut affirmer que la musique de Franghiz Ali Zadeh est une authentique fusion, un syncrétisme brillant, naturel d’autant plus que vécu personnellement par l’artiste tout au long de sa vie (la conférence de Nicolas Jobin fut, à cet effet, très éclairante). Cette musique est encore plus puissante dans son expressivité car Mme Ali Zadeh possède deux atouts majeurs supplémentaires : elle est d’abord une excellente narratrice musicale, qui sait raconter des histoires suffisamment focalisées pour planter un décor vivant, mais aussi laisser un espace interprétatif, autant pour les musiciens que pour les auditeurs, afin de permettre à chacun et chacune de s’y plonger avec une certaine liberté de perception. Deuxièmement, Ali Zadeh est une fine coloriste, qui utilise toute la palette, ou presque, des techniques cordistes telles le col legno battuto, les tremolos, les glissandos, les pizzicatos, les sourdines, etc. Ailleurs, les musiciens chantent, ou (dans Mugham Sayagi), jouent également des percussions, se déplacent sur scène et jouent en coulisses. Aussi, les rythmes utilisés par Mme Ali Zadeh, souvent exigeants mais propulsifs, finissent d’octroyer à sa musique une accessibilité contagieuse.

Pour cette facilité de réception, additionnée à un savoir académique élaboré et une complexité structurelle tout sauf obtuse, la proposition musicale de Franghiz Ali Zadeh est l’une des plus inspirantes de notre époque, peut-être l’une des plus porteuses d’avenir en création contemporaine.

Ce genre d’événement de stature mondiale (qui comprenait également deux journées précédentes de conférences et de discussions) est à marquer d’une pierre blanche car elle fera date. Le Quatuor Molinari nous a donné le genre de privilège que connaissent beaucoup mieux les mélomanes de Berlin, de Vienne ou de Paris. L’ensemble a pour cela bénéficié de l’appui d’un mécénat aussi clairvoyant qu’essentiel (la Fondation Famille Lupien, pour ne pas la nommer…), auquel nous sommes reconnaissant.

Je terminerai avec une flèche lancée à quelques ‘’concurrents’’ médiatiques (pardonnez-moi, mais vous comprendrez) : à ma connaissance, personne, ni de Radio-Canada, ni de La Presse, ni du Devoir, n’était présent. C’est dire le déplorable état culturel des grands médias traditionnels, incapables de saisir le caractère unique et historique de cet événement. 

baroque / classique occidental / musique contemporaine / période romantique

Les Violons du Roy et Kerson Leong : un temps de grâce

par Alexandre Villemaire

Non pas à Québec mais à Montréal, soit à la salle Bourgie que le premier concert de l’année 2025 des Violons du Roy a été présenté. Les désagréments de la météo ayant forcé le report des performances du 13 février au Palais Montcalm à une date ultérieure, c’est le public montréalais qui a pu entendre le violoniste Kerson Leong et la création en première mondiale de Found in Lostness de Kelly-Marie Murphy, à guichets fermés.

Le répertoire de la soirée était articulé selon une temporalité autour d’œuvres de Johann Sebastian Bach et Felix Mendelssohn. Réunir les figures de Bach et Mendelssohn dans un programme n’est pas une idée nouvelle ou novatrice, comme l’a très justement rappelé le premier chef invité Nicolas Ellis, aux commandes pour la soirée. Mendelssohn a en effet grandement contribué à faire redécouvrir la musique du cantor de Leipzig, alors que celle-ci avait été quelque peu oubliée au XIXe siècle, en présentant La Passion selon saint Matthieu à Berlin en 1829. Lui-même organiste, Mendelssohn a fortement été influencé par Bach, tout comme bien d’autres compositeurs qui voient en lui un maître spirituel.

La première œuvre au programme était la Symphonie pour cordes no 10 en si mineur de Mendelssohn. Composition de jeunesse – il avait quatorze ans quand il l’a écrite –, les influences sont clairement d’influences classiques dans le traitement des cordes, réminiscence de Haydn, mais la conduite des voix, notamment dans le premier mouvement, marqué Adagio, est éminemment bachienne.

D’ailleurs, ne pourrait-on pas y voir un clin d’œil à Bach avec le choix de cette tonalité de si mineur, la même que celle pour sa fameuse messe ? Pour le reste, la forme demeure classique, mais est émaillée du lyrisme et des changements de dynamiques passionnés, caractéristiques du romantisme. On entend clairement qu’il s’agit d’un jeune Félix qui explore un langage musical et qui n’a pas encore trouvé son style.

S’ensuit une interprétation sensible et méditative du choral pour orgue O Mensch, bewein’ dein Sünde groß [Ô homme, pleure ton péché si grand]. Tout en finesse, Nicolas Ellis a guidé les musiciens dans un univers intimiste et suppliant. L’arrangement pour cordes du compositeur allemand Max Reger (1873-1916) y confère un caractère feutré et plus intérieur où, jusqu’à la dernière note, nous sommes laissés dans un état de suspension. Un autre clin d’œil à l’héritage de Bach que d’y inclure Reger, lui qui aurait dit : « Bach est le commencement et la finalité de la musique ».

Quelle excellente idée de faire enchaîner sans interruption l’arrangement pour solistes et orchestre à cordes de l’aria « Erbarme Dich [Aie pitié, mon Dieu] » de La Passion selon saint Matthieu qui a vu l’entrée en scène du soliste invité de la soirée Kerson Leong avec la création de la compositrice canadienne Kelly-Marie Murphy, Found in Lostness. Avec un son d’une pureté exemplaire, Leong est accompagné de l’altiste Jean-Louis Blouin dans ce duo vocal qui perpétue la dynamique du choral précédent.  Les secondes qui se frottent les unes aux autres pour créer des dissonances magnifient l’imitation des pleurs de l’apôtre Pierre, pris de culpabilité après avoir renié Jésus.

La transition dans l’univers de Kelly-Marie Murphy se fait naturellement, l’esthétique de la pièce explorant le thème de la perte. L’œuvre s’ouvre sur des notes dans le suraigu, donnant un son glacial, après un solo de contrebasse de Raphaël McNabney exploitant exceptionnellement l’aigu de son instrument. La pièce prend alors son envol dans un élan énergique, faisant appel à des lignes mélodiques vives, à des techniques de jeu étendu aux violons imitant des cris stridents, à des accords tendus et des changements de dynamiques constants. Après ce parcours endiablé, le calme revient avec un tapis harmonique aux cordes sur lequel le violon de Kerson Leong brosse une ligne dissonante que le reste de l’orchestre rejoint légèrement. Cette finale nous a fait penser à The Unanswered Question de Charles Ives. Cohérente, accessible et engageante, elle mérite d’être entendue et surtout endisquée !

Après avoir présenté la musique du jeune Mendelssohn en ouverture, le concert s’est conclu avec sa dernière œuvre, le Quatuor à cordes en fa mineur, composé après le décès de sa sœur. Le langage de la maturité affirme un romantisme sans ambages où le développement des idées est plus développé, personnel et marqué par des lignes et des traitements orchestraux chargés d’émotions.

chant choral / classique occidental / musique de la Renaissance / période classique

9e de Beethoven, Montréal, il y a 200 ans…

par Alexis Desrosiers-Michaud

En ce jour de Saint-Valentin, nous avons eu droit à une première au concert de l’ensemble Caprice et de l’ensemble ArtChoral : la 9ᵉ symphonie de Beethoven sur instruments anciens, sous la direction de Matthias Maute.

Le programme initial devait présenter en ouverture la cantate méconnue Hiob de Fanny Mendelssohn-Hensel. En lieu et place, nous avons eu droit à deux pièces yiddish, soient, Yih’yu L’ratzon de Ernst Bloch et un air traditionnel nommé Oy dortn, ainsi que le célèbre Miserere de Gregorio Allegri.

Les deux pièces juives faisant intervenir la soprano Sharon Azrieli et son imposant vibrato. Agissant à titre de cantor, elle annonce des psalmodies et le chœur lui répond. On ne sait si c’est un problème de micro ou de projection, mais on l’entendait peu du fond du parterre. Reste que c’est fort joli, et que ça nous rappelle que cette musique juive et hébraïque est trop peu jouée dans nos salles de concert.

Le Miserere est un bijou de génie musical qui ne laisse pas droit à l’erreur. Malheureusement, des erreurs, il y eut. D’abord, les voix du quatuor perché dans les hauteurs de la Maison symphonique ne sont pas homogènes ; celles des hommes ne vibrent pas, alors que celles des femmes, si. Qui plus est, ce n’est pas toujours juste. Ensuite, il n’y a aucun changement de volume dans toute la pièce, et comme cette pièce se répète souvent, ça devient redondant et on en perd toute l’intimité. Puis, dans les psalmodies, les notes différentes sont accentuées par les choristes, au lieu d’être légèrement appuyées, et ce n’est parfois pas net dans les coupures et les consonnes. Bref, c’est une belle œuvre, mais qui aurait mérité un rendu plus conséquent.

Le vrai plaisir de la première partie réside dans la création de William Kraushaar, également choriste dans le pupitre des basses, Höre auf meine Stimme. Maute nous avait prévenus, la mélodie allait nous rester en tête, et c’est pour les bonnes raisons. Simple, sans être kitsch, répétée assez souvent sans trop qu’on s’en rende compte, elle est souple et expressive. L’accompagnement ne s’impose pas et laisse le chœur chanter en jouant le rôle d’un tapis harmonique. Si ce n’était de quelques accords dissonants du langage de Morten Lauridsen et de ses contemporains dans les passages a cappella, nous aurions placé cette œuvre entre les styles de Mendelssohn et de Schubert, et à notre première écoute, cette pièce semble accessible pour une majorité des chœurs amateurs. Vite, à quand la publication !

Selon le chef Maute, c’est la première fois à Montréal que la neuvième de Beethoven est jouée sur instruments anciens. Cela prend quelques minutes à s’adapter à ce nouveau son, mais c’est fort agréable et très réussi, malgré quelques écarts de justesse et de précision. Le son n’est pas gras, et les passages forte ne donnent pas l’impression qu’Obélix est en train de soulever le Sphinx, mais la tension est là. Dans le premier mouvement, que Maute dirige à une vitesse folle, on entend tous les éléments des dialogues musicaux, et le deuxième a vraiment l’aspect d’une danse, ce que l’on ressent peu chez beaucoup d’autres chefs. Cependant, la section médiane de ce mouvement est trop rapide et les vents ne suivent pas.  Le troisième mouvement n’est certainement pas adagio, mais très cantabile. On profite des phrases sans s’éterniser ou de tomber dans la lune.

Le dernier mouvement s’ouvre avec souplesse et légèreté. Enfin, les récitatifs des violoncelles/contrebasses ne sont pas trop lourds ! Et tout exalte avant l’entrée du chœur, avec le récitatif de la basse Dominique Côté. Mais dès que le chœur commence, quelque chose nous agace : une soprano perce plus que le reste de sa section, spécialement dans le suraigu, ce qui équivaut à dire presque tout le temps chez Beethoven. Une fois que ceci est ciblé par l’oreille, il est extrêmement difficile de l’ignorer. Ma voisine de siège, qui en fut aussi dérangée, m’a confié en fin de soirée que ce n’était pas la première fois que ça se produisait chez ce tandem. À corriger, si on veut éviter que le travail d’une personne vienne déséquilibrer une exécution rare et de haut niveau.

crédit photo: Tam Photography

musique contemporaine

M/NM | Le New European Ensemble ouvre la 12e édition

par Vitta Morales

L’ensemble néerlandais New European Ensemble a donné le coup d’envoi de la 12e édition du Festival Montréal/Nouvelles Musiques. Le concert d’ouverture, intitulé Dynamite Barrel, présentait le travail de compositeurs contemporains novateurs dont les pièces s’inscrivaient dans le thème de cette année : le mariage de la musique et de l’image. 

En me rendant à ce concert, j’ai supposé que cela signifiait que la musique évoquait des images, mais qu’en fin de compte, chaque auditeur était responsable de son propre imaginaire. Comme j’allais bientôt le constater, chacun des compositeurs invités exploiterait ce thème de manière légèrement différente. Les pièces sont conçues pour représenter des lieux, des évolutions sonores, des périodes historiques ou un mélange des trois. Parfois, cela a été fait, comme c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de nouvelle musique de chambre, en repoussant les limites des textures et des timbres, ce qui signifie qu’elles contiennent tous les passages fleuris, les techniques étendues, l’orchestration mixte et les moments sans métrique auxquels on peut s’attendre. Pour ceux qui trouvaient cela épuisant, la pièce Cyan Saturn, inspirée par Bitches Brew de Miles Davis, offrait un beau contraste, car elle contenait certaines formes de composition du jazz fusion, ce qui en faisait quelque chose d’un peu différent.

Quoi qu’il en soit, la plupart des pièces de la soirée associaient leur musique à des images projetées sur un écran et demandaient essentiellement aux musiciens du New European Ensemble de « composer » les images en direct. Dans un morceau, cela signifiait de recontextualiser de vieilles scènes des Looney Tunes ; à une autre occasion, un film de Bollywood ; et à la toute fin, un morceau de surf rock superposé à de la musique thaïlandaise sur fond d’ombres chinoises. 

Lorsque la structure musicale se transformait en ce que je considérerais comme des paysages sonores denses, pointillistes ou sans mètre, j’étais beaucoup plus tolérant à l’égard des cris et des grincements lorsque je pouvais voir qu’ils étaient en accord avec ce qui se passait à l’écran. Le cerveau est amusant de la sorte. À d’autres moments, j’ai eu l’impression que certains paysages sonores denses avaient fait leur temps. Je peux tout à fait admettre que la musique de chambre contemporaine pose des questions importantes sur les pratiques établies lorsqu’elle emprunte cette voie ; mon bémol est qu’il semble que ce soit toujours les mêmes questions. Et elles sont posées depuis plus de quelques décennies à ce stade. Dans l’ensemble, le New European Ensemble a interprété et nous a offert une musique très intéressante, mais je ne serais pas prêt à me précipiter à la table de vente de marchandise.

photos: Marie-Ève Labadie

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classique moderne / classique occidental

OSM | Payare et Weilerstein : passion à deux de Prokofiev à Ravel

par Alexandre Villemaire

En cette veille de Saint-Valentin, les 12 et 13 février, le cadre était on ne peut plus propice à réunir sur la scène de la Maison symphonique le couple formé de Rafael Payare et Alisa Weilerstein.

Si Daphnis et Chloé de Maurice Ravel peut volontairement être associé à l’idylle amoureuse, tant par son propos que par sa musique, la Symphonie concertante pour violoncelle de Sergei Prokofiev, avec son éclectisme, ses sons mordants et percussifs, pouvait apparaître comme décalée par rapport à l’esthétique du programme. Au contraire, les œuvres étaient d’une grande complémentarité au niveau du langage timbral, des dynamiques et de leur jeu passionné.

En première partie donc, la Symphonie concertante de Sergei Prokofiev. Écrite entre 1950 et 1952, cette œuvre en trois mouvements de la maturité du compositeur russe est un remaniement d’un précédent concerto pour violoncelle dont l’accueil fut vertement critiqué. Le langage de Prokofiev y est texturé et composite, faisant appel à tout l’entendu du violoncelle, de même qu’à des sonorités et des passages orchestraux et rythmiques qui rappellent le jazz. Au podium, nous avions un Payare toujours aussi fougueux, plus contenu que d’habitude dans sa gestique pour cette partition complexe où les interventions de l’orchestre sont véloces au niveau des textures et des techniques. La direction de Payare était précise et l’orchestre d’une grande intensité.  

Les deuxième et troisième mouvements (Allegro giusto et Andante con moto) nous ont particulièrement plu, respectivement pour leur virtuosité, leur usage d’effets orchestraux dynamique et leur accent folklorique pour la cadence du deuxième mouvement où Alisa Weilerstein démontre toute l’étendue de sa technique et des jeux possibles de son instrument avec une aisance évocatrice. Même si ce qui, à l’oreille, semble sonner faux est en fait bien calculé, écrit et transmis avec naturel. Les lignes de violoncelles sont aussi véloces que les traits d’orchestre, se mariant avec les différentes sections dans une orchestration riche et inventive. Sur scène, Alisa Weilerstein nous transporte dans un univers qui est le sien où elle ne fait pas que jouer la musique. Elle est la musique. Elle incarne un personnage telle une actrice sur une scène de théâtre où son expression faciale et ses gestes sont aussi signifiants que la musique qui l’accompagne. Elle a d’ailleurs été chaleureusement ovationnée par le public pendant plusieurs minutes.

La deuxième partie dédiée à la musique du ballet Daphnis et Chloé nous plongeait dans un monde onirique et coloré. Ici, Payare devient un peintre devant un canevas vierge qu’il peint avec précision. Même si on se trouve dans du répertoire qui est archi connu, voir se déployer les dynamiques et les couleurs imaginées par Ravel est toujours un ravissement. Intéressante disposition d’ailleurs que celle du chœur qui était installé plus en hauteur qu’à l’habitude pour cause d’enregistrement. Bel effet également que de faire entrer successivement les rangées de choristes lors de l’introduction pour simuler un effet de voix qui arrive du lointain et qui gagne en puissance. Petite critique : l’effet processionnel aurait eu encore plus d’impact si cette entrée avait été chantée sans partition ! Pour le reste, les interventions du chœur étaient excellentes, assurées avec un beau contrôle des nuances et des dynamiques. À l’orchestre, Rafael Payare danse sur scène et instigue vigueur et caractère aux différents effectifs orchestraux tant dans les moments les plus diaphanes que dans les passages tonitruants et cuivrés rappelant le langage de Georges Gershwin. L’interprétation des deux œuvres de cette soirée, étonnamment complémentaire et passionnée, méritait amplement les applaudissements nourris d’une Maison symphonique bien remplie et a donné à l’orchestre de beau matériel pour leurs prochaines sorties d’albums ; sorties que nous avons hâte de découvrir.

crédit photos: Antoine Saito

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