Un quart de siècle plus tôt, à cette époque où elle frottait l’archet auprès des Colocs et de Mononc’Serge, qui aurait pu prévoir que Mara Tremblay deviendrait l’une des musiciennes, parolières et chanteuses les plus accomplies du Québec ? C’était pourtant le destin qui l’attendait. Elle n’est certes pas devenue une mégavedette capable de remplir le Centre Bell, mais elle peut compter sur une bonne étoile, sur un public assez considérable pour soutenir sa démarche créatrice. Une carrière durant ? Elle devrait y parvenir une fois encore avec Uniquement pour toi, album rendu public au terme d’une période difficile – fiston Édouard parti du nid familial, solitude, déprime, problèmes de santé psychologique, et puis la lumière au bout du tunnel, voyage salvateur à Nashville, nouvel amoureux, dix chansons neuves. Uniquement pour toi évoque cette tranche de vie. Les textes sont majoritairement de Mara, auxquels s’ajoutent deux joyaux chansonniers signés Stéphane Lafleur, sans conteste l’un des paroliers les plus doués d’Amérique francophone. Dans le cas qui nous occupe, il a parfaitement saisi où se trouvait le libre arbitre sur le karma de Mara : « Le jour va où tu le mènes / dirige-le jusqu’à mon cou », résume-t-il dans ces rimes succinctes, auréolées d’une grande inspiration. Les musiques ont été concoctées essentiellement par Mara, de concert avec le guitariste et multi-instrumentiste Olivier Langevin, collègues pour un septième album excluant toute redondance. L’approche americana à laquelle la musicienne nous a habitués au fil du temps fait ici place à une étonnante et superbe mixtion de psychédélisme, space-rock, prog, folk-rock, country, ambient. Guitares, claviers, synthés, logiciels, pédales d’effets, bidules électroniques, batterie et basse se trouvent ainsi au service d’une voix généralement apaisée, souvent aérienne, évanescente de délicatesse… uniquement pour nous.
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