Six ans après La Grande Nuit vidéo (2017), Philippe B publiait en mai 2023, Nouvelle administration.
Maintes fois mis en nomination et récipiendaire de prix prestigieux, et cela tant du côté grand public que scène alternative, l’artiste poursuit une carrière honorable, mais moins fracassante que celle de certains artistes qui ont réquisitionné ses compétences de réalisateur (Isabelle Boulay), de parolier (Safia Nolin, Vincent Vallières, Pierre Lapointe) ou de guitariste (Pierre Lapointe, bis).
Après avoir commis des œuvres thématiques, dont un disque exceptionnel inspiré de thèmes de la musique classique (Variations fantômes) en 2011, l’ancien oiseau de nuit (Ornithologie, la nuit en 2014) propose cette fois un album construit autour de sa nouvelle condition paternelle.
Ce qui nous vaut un très bel opus qui relate les divers chapitres de la vie contemporaine urbaine où la discussion se fait parfois à trois plutôt qu’à deux, comme c’est le cas de la chanson « Les Filles », dans laquelle se répercutent les voix des deux choristes qui reviennent dans quelques pièces, dont la savoureuse « Les orages là-bas ».
En cherchant la mélodie qui tue, style « California Girl » de Variations fantômes, on risquerait de passer à côté d’un album qui doit se laisser savourer au fil des écoutes.
Mélodies lentes, ambiances parfois ecclésiastiques, tantôt folk, une fois comptine et souvent chansonnières, c’est par les textes bien ficelés de l’artiste, l’un des plus doués de sa génération, que s’infiltre la lumière. Comme le ferait un rayon de soleil des dimanches paresseux.
Le corpus de l’Abitibien devenu montréalais est bien assumé : on y entrevoit ici et là des clins d’œil à « L’Alouette en colère » de Félix qui attend son pays, des façons de faire qui n’auraient pas déplu à Sylvain Lelièvre (« Marianne s’ennuie »), des tournures à la Ducharme chantées par Charlebois (« Nos maisons ») et, bien sûr, le maitre Richard Desjardins (« Souterrain ») qui, plongeant dans la vie d’un mineur, pourrait aussi être celle d’un bagnard.
Mais attention : loin d’être dans l’emprunt ou le pastiche non assumé, Philippe B trace un sillon qui lui est singulier. Seul bémol pour l’auteur de ces lignes : la guitare lancinante aux accords parfois répétitifs, comme dans la pièce éponyme ou dans « Last Call » qui clôt l’album et peut parfois distraire de l’ensemble. Un tout plutôt bien emmitouflé dans des arrangements raffinés de cordes (violon et violoncelle, basse), de percus, de piano, de flûte et de hautbois.
Enthousiaste, on ira bientôt voir de quel bois se chauffe sur scène ce farfadet ultra doué, puisqu’il est actuellement en tournée.