Vous connaissez déjà la musique de Krzysztof Penderecki. Mais oui, rappelez-vous L’exorciste, The Shining ou Shutter Island, des chefs-d’oeuvre du cinéma anxiogène, appuyés en partie par des partitions du compositeur polonais mort en 2020. Le Quatuor Molinari, notre trésor national en musique de chambre anti-banalité, s’attaque ici au répertoire pour quatuor à cordes (avec ou sans ajout d’autres instruments) de ce géant du modernisme admiré autant par David Lynch que par Aphex Twin et Jonny Greenwood de Radiohead.
Penderecki a non seulement exercé une influence certaine sur le rock et l’électro d’avant-garde, mais il a surtout été l’un des pionniers du modernisme d’avant-garde en musique classique du XXe siècle. Cela dit, son parcours est atypique en ce sens que, contrairement à plusieurs de ses prédécesseurs, il a lancé sa carrière en bousculant, parfois violemment, la tradition classique, pour ensuite s’en rapprocher et même l’embrasser à la fin de sa vie.
En ce sens, cet album de l’excellente maison ATMA Classique nous invite à évoluer, au fil du programme, comme dans un document autobiographique du compositeur polonais. On commence avec les éclaboussures dissonantes, incisives marques sonores d’un tempérament énergique, des deux premiers quatuors. Puis on avance dans un univers musical qui redécouvre, petit à petit, les vertus de la consonance et de l’architecture classique, des divisions en mouvements bien ciselés, et lesdits mouvements en forme parfois carrément ABA, l’une des bases fondamentales de la forme sonate depuis Haydn.
On termine le voyage avec le troisième quatuor, écrit en 2008 et sorte de résumé de son évolution stylistique, porté par une narration aisément compréhensible et posément charpentée.
Le Quatuor Molinari joue avec conviction, force et passion cette musique indispensable à tous ceux et celles qui aiment sincèrement la meilleure musique que le dernier siècle nous a léguée.