Un groupe rock légendaire rencontre une saga de légende née dans le froid et le crépuscule du Grand Nord islandais, et le résultat est Odin’s Raven Magic, premier album de « nouveau » matériel depuis Kveikur, paru en 2013. J’affuble « nouveau » de guillemets car Odin’s Raven Magic est en fait une œuvre créée en 2002 et qui alimente l’intérêt des fans depuis ce temps sur à peu près tous les forums en ligne. Eh bien, presque 20 ans après sa création à Reykjavik, voici enfin dévoilé au complet cet oratorio post-rock-néoclassique-folk scandinave !
Odin’s Raven Magic est inspiré d’un passage de l’Edda, la grande saga mythologique islandaise rédigée au XIIIe siècle. L’épisode retenu est celui qui montre Odin, le roi des dieux scandinaves, envoyer ses corbeaux aller aux nouvelles du monde, qui semble mal en point. Le constat est terrible : tout est foutu, ce qui n’empêche pas les dieux de se régaler d’un joyeux festin puisqu’il n’y a rien à faire ! Vous y voyez une allégorie de notre monde contemporain et de certains richissimes personnages, politicien.e.s et autres multinationales se régalant de leurs profits pendant que des signes de catastrophe tentent de nous interpeller tous et toutes ? Vous n’êtes certainement pas fous ! Le lien n’est assurément pas passé inaperçu auprès des créateur.trice.s de l’œuvre. Et, presque 20 ans plus tard, le constat n’est pas vraiment plus réjouissant.
Cela dit, l’intérêt de cette chronique concerne la musique, et celle d’Odin’s Raven Magic est très belle. Exception faite d’une certaine redondance des mélodies folk utilisées comme matériau principal et de la relative simplicité des accompagnements orchestraux et choraux, force est d’admettre que la totalité de l’œuvre s’écoute comme un fantastique voyage à la fois édifiant, émotionnellement puissant et empreint d’une grandiose aura de mysticisme mythologique. Odin’s Raven Magic est une sorte de procession chamanique qui nous guide jusqu’aux confins de l’Histoire et d’un univers étrange bien que fascinant.
Pensez à un heureux mariage entre Arvo Pärt, des chants traditionnels issus de la nuit des temps et une trame sonore de Zbigniew Preisner (Trois couleurs Bleu, Blanc, Rouge, etc.) !
Il y a même un marimba de pierre (!), une invention du sculpteur Páll Guðmundsson. La sonorité profondément minérale qui en ressort est à elle seule garante d’un dépaysement très évocateur. J’en veux un dans nos orchestres !