Auguste Descarries (1896-1958) demeure un pianiste et compositeur virtuose dont la contribution au patrimoine musical du Québec est peu connue. Ce dernier s’inscrit dans une esthétique de l’art musical influencée beaucoup plus par la musique des néoromantiques russes comme Medtner et Glazounov, avec des lignes mélodiques claires, plutôt que par des modernistes tels Stravinsky ou Prokofiev. L’évolution du langage lyrique et romantique de Descarries, survenue durant ses années de perfectionnement à Paris entre 1921 et 1930, est palpable dans cet album consacré à des œuvres instrumentales et vocales du compositeur, et interprété par le Trio Hochelaga et le baryton Pierre Rancourt avec la participation de l’altiste Victor Fournelle-Blain et de la violoniste Éliane Charest-Beauchamp.
En présentant dans une certaine alternance les pièces pour voix et celles pour formation de chambre de ces différentes périodes de création, magnifiquement interprétées par le timbre chaleureux du baryton Pierre Rancourt et le son ample du Trio Hochelaga, les artistes démontrent l’étendue de la palette stylistique de Descarries. En témoignent la Fantaisie pour quatuor à cordes, raffinée et expressive, qui est postérieure aux Trois Poèmes de Marceline Desbordes-Valmore, et la romance L’Étoile du soir sur un poème d’Alfred de Musset qui évoquent le style des mélodies françaises du XIXe siècle. La différence est également frappante à l’écoute de l’Élégie pour violon et piano dont le caractère léger précède d’une dizaine d’années la pièce pour violoncelle et piano Mon lac, d’un lyrisme noble et gracieux. Mais la pièce qui rend le mieux compte de la richesse harmonique mature que déploie Auguste Descarries est sans contredit l’excellent et énergique Quatuor pour violon, alto, violoncelle et piano. Laissée inachevée en 1934, l’œuvre a été complétée en 2015 par Aleksey Shegolev, qui a su rendre hommage et justice, dans la cadence du piano, à la virtuosité du compositeur.
Après les œuvres d’André Mathieu popularisées par Alain Lefebvre, l’album Auguste Descarries : Musique de chambre et mélodies, avec sa sélection d’œuvres balançant entre légèreté mélodique et harmonie soignée, saura satisfaire assurément les amoureux de la musique de la première moitié du XXe siècle, de même que les mélomanes aficionados des compositeurs québécois dont les œuvres, souvent peu représentées, gagneraient à être connues.