Anna Thorvaldsdottir est l’une des plus intéressantes voix de la musique contemporaine. L’Islandaise est une sorte de Björk de la musique savante d’aujourd’hui. Elle défie les conventions et sait demeurer accessible malgré une originalité frondeuse qui n’offre aucune excuse. Il y a quelque chose de Gorecki/Vasks rencontrant George Crumb dans sa musique.
À l’image de son pays natal, la musique de Thorvaldsdottir possède une qualité viscéralement minérale, brute et solide, mais étrangement séduisante. La douceur et la poésie des aurores boréales enveloppant l’implacabilité d’un décor aride et dénudé.
Découvrez la personnalité d’Anna Thorvaldsdottir dans une entrevue :
Ce quatuor à cordes, nommé Enigma, le premier de la compositrice, est un exercice impressionnant. Près de trente minutes de longues phrases soutenues d’une infinie mélancolie. Celles-ci soutiennent les cliquetis de pizzicati, de sonorités col legno (ce qui veut dire frapper les cordes avec le bois de l’archet) et d’autres techniques contemporaines pour cordes.
Le tapis sonore du 1er mouvement est ainsi criblé de textures mouchetées et piquantes comme autant de dards éparpillés.
Le 2e mouvement est grinçant, ses harmonies mal aisées se frottant avec peine, comme un mécanisme rouillé d’un âge infini. Laa proximité chromatique exprime le manque d’aisance du mécanisme.
Dans le 3e mouvement, on perçoit toujours ce malaise, cette grisaille, mais elle est allégée un tant soit peu. Les aiguillons du 1er mouvement se font plus rares, le dialogue musical se transforme en mélodie mystérieuse évoquant les échos d’une ère longtemps disparue, mais dont les traces furtives, élimées, se manifestent doucement tel un sursaut du subconscient.
Le Spektral Quartet est ici l’excellent complice d’une création de haute stature qui confirme le statut international et important de cette compositrice islandaise fascinante.