An Laurence est une guitariste et artiste sino-québécoise bien trempée dans le monde des musiques expérimentales et avant-gardistes. Almost Touching présente des oeuvres pour guitare, voix et électronique, pas toujours les trois en même temps, de compositrices et compositeurs contemporains, dont plusieurs canadiens. Une Serenata pour guitare seule de Sofia Gubaidulina, écrite en 1969, fait figure de classique traditionnel, c’est dire! On est quelque part entre Berio, Jerusalem in My Heart, le spoken word, l’indie rock et John Cage.
Artificial Light d’Amy Brandon est une pièce délicate, un voile diaphane fait d’un coussin délicat de sonorités électroniques sur lequel la guitare égrène des notes qui se déposent sur le paysage sonore éthéré. Almost Touching (asymptote) de Kim Farris-Manning déploie avec des couleurs et des effets diaprés un texte de Joël Pourbaix, La pièce s’amorce avec une minute de soupirs à peine audibles qui font place, après une inspiration forte et subite, au texte lui-même accompagné de la guitare webernienne d’An Laurence. La musique se fait plus expressive pendant un court moment vers le milieu de l’œuvre, mais l’ensemble demeure tout en retenue. L’effet est celui d’un rêve éveillé, surréaliste.
Chants d’amour d’Elischa Kaminer est pratiquement une œuvre pour voix seule, tellement l’instrumentation est minimale. An Laurence récite les textes d’une voix relativement monocorde (était-ce l’intention?) pour un effet de presque détachement émotionnel. Reconciling Duality de Shelley Marwood est pratiquement une étude sur les trémolos. Ceux-ci sont utilisés de mille et une façons : des attaques les plus intempestives aux effleurements à peine murmurés. Toute une dialectique se déploie ainsi, des évocations les plus éparses aux contractions denses et agitées. En concert, l’effet doit être appréciable.
Nocturne d’Arthur Keegan-Bole, pour guitare et électronique, offre à la soliste le rôle de fil d’Ariane dans le labyrinthe des textures électroniques qui vont des cordes échantillonnées au signal sonore de l’Heure de Greenwich dans une marche onirique qui semble se faire dans un paysage exoplanétaire.
Serenata de Sofia Gubaidulina achève ce parcours fascinant d’une manière on ne peut plus acoustique et traditionnelle, franchement apaisante et rassurante tellement le voyage auquel on vient de nous convier était exceptionnel et hors norme.
Une musique que vous ne risquez pas d’entendre chez la plupart des diffuseurs, et dont on ne parlera certainement pas dans les médias habituels, la presque totalité en fait. Et pourtant, on devrait, car elle est d’une grande importance dans le paysage de la musique d’aujourd’hui.