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Afrobeats, un style composite dont Yemi Alade est l’une des grandes prêtresses, est aujourd’hui un mot-clé dans le lexique de la pop mondialisée.
Dominante sur les planchers de danse, la tendance afrobeats désigne l’actualisation de styles issus de la frange anglophone d’Afrique de l’Ouest, c’est-à-dire highlife, juju, hiplife ou afrobeat, genres musicaux du Nigeria et du Ghana auxquels on intègre reggaeton, dancehall, R&B, soul et hip-hop.
Au-delà de la mouvance afrobeats, la Nigeriane Yemi Alade s’impose sans conteste parmi les superstars de l’Afrique noire au féminin, elle se trouve dans le peloton de tête que forment Tiwa Savage, Aya Nakamura, Asa, Sha Sha, Moonchild Sanelly et autres Simi.
En juillet dernier, Yemi Alade était invitée pour clore en grand le festival Nuits d’Afrique, mais la lenteur proverbiale des douanes canadiennes pour admettre les artistes non occidentaux a causé le report malheureux de ce concert. Cette fois, les visas ont été accordés à temps, Yemi Alade et son groupe rempliront le M TELUS, ce jeudi 10 novembre.
Encore mieux, PAN M 360 a obtenu une interview avec la chanteuse, jointe à Paris avant de faire la grande traversée.
PAN M 360: Vous débarquez finalement à Montréal. Nous devions vous interviewer l’été dernier, et rien ne s’est passé à cause de ce que nous savons. Les choses s’arrangent enfin !
YEMI ALADE: Oui, nous pouvons tous en rire maintenant !
PAN M 360: Depuis cinq ans, beaucoup de choses se sont passées de votre côté. Votre ascension est énorme. Vous êtes aujourd’hui l’une des principales stars de l’Afrique Alors comment vivez-vous cela ?
YEMI ALADE : J’essaie de tout prendre avec grâce, vous savez, comme ça vient. Je n’essaie pas de trop penser à cela, je me concentre sur le moment présent. Ça évite la pression inutile, celle qui nuit.
PAN M 360 : Où êtes-vous basée principalement ?
YEMI ALADE : Je suis basée là où se trouve le pognon ! (rires)
PAN M 360 : Blague à part, y a-t-il un endroit particulier d’où tout démarre ?
YEMI ALADE : Aujourd’hui, je ne peux vraiment dire qu’il y a un endroit particulier. Mais j’ai trouvé un moyen de ressentir que les villes où je travaille se transforment en maison. Des villes comme Paris où je suis capable de me poser quand je passe trop de temps dans mes bagages.
PAN M 360 : Ces dernières années, vous êtes devenu une superstar africaine, ambassadrice de votre culture et en même temps un citoyenne du monde parce que vous adhérez à de nombreuses tendances musicales et cultures de l’extérieur et de l’intérieur de l’Afrique ?
YEMI ALADE : Oui, on peut le dire. Grâce à Dieu, je suis vraiment heureuse d’être en vie à cette époque où le style afrobeats reçoit tant d’amour.
PAN M 360 : À l’évidence, vous êtes l’une des leaders de l’Afrobeats. Cela témoigne aussi des aller-retours entre l’Afrique et les Amériques parce que l’afrobeats a quelque chose à voir avec la cumbia colombienne, le reggaeton latino ou même le dancehall jamaïcain. Et tout cela est africain, n’est-ce pas ?
YEMI ALADE : Oui ! L’afrobeats s’est trouvé sur un chemin qui mène au bon endroit et je suis juste heureuse qu’il soit arrivé là où il est. On ne peut pas dire où sera la prochaine étape, mais le voyage est déjà remarquable, Chacun d’entre nous qui sommes les pionniers, chanteurs, beatmakers, musiciens, fans, apprécions tous ce voyage. Nous devons le prendre étape par étape et regarder vers où ça se dirige. En tout cas, nous pouvons dire maintenant que l’afrobeat est mondial en ce moment et que nous apprécions tout l’amour qu’il reçoit.
PAN M 360 : Comment voyez-vous votre propre contribution à la mouvance afrobeats?
YEMI ALADE : Oui. Eh bien, je dirais que dès le départ, la chose la plus importante pour moi a toujours été de rester originale, être moi-même. Et surtout, surtout avec le temps, j’ai réalisé que beaucoup de gens m’aiment et me respectent, surtout à cause de mon amour apologétique pour l’Afrique. Et je reçois de tout cœur tout l’amour qui vient avec ça. Ce que je dois faire alors c’est de rester originale dans ma musique, mes vidéos, mes spectacles, mes vêtements, etc.. Tout ce que vous pouvez voir et entendre de moi, c’est l’Afrique.
PAN M 360 : Effectivement, votre identité est totalement africaine. Vous êtes une ambassadrice, non seulement du Nigeria, mais de tout le continent. Mais en même temps, elle est internationale, ce qui est magnifique.
YEMI ALADE : Exactement.
PAN M 360: Le Nigeria est un pays difficile, mais en même temps, très excitant. Il s’y passe beaucoup de choses là-bas. Mais il se passe aussi beaucoup de choses difficiles. Comment voyez-vous le pays ?
YEMI ALADE: C’est, ce n’est pas un très bon moment pour le Nigéria. L’économie doit encore rebondir depuis la COVID et les récentes inondations. Et bien sûr, les pays du tiers monde sont ceux qui souffrent le plus. De ça, même si le monde entier en général souffre. Il y a beaucoup de désespoir au Nigéria en ce moment. Comment tout cela va-t-il se terminer ? Je n’en sais rien. Mais notre espoir est aussi que lors des prochaines élections en 2023, c’est-à-dire l’année prochaine. Je prie pour que nos votes comptent réellement au point que nous obtenions le bon leader pour nous sortir de ce bordel.
PAN M 360 : Et puisque vous êtes une figure publique tant admirée dans votre pays, quelle est votre responsabilité dans le contexte ?.
YEMI ALADE : Le plus que je puisse faire pour le moment, c’est de prêter ma voix, là où elle est nécessaire pour les gens qui ont besoin de mon aide. Personnellement, j’attends juste un pays et un gouvernement meilleurs, au-delà de ce que je peux faire moi-même. Je ne peux vraiment contrôler que ma musique. Mais je ne peux pas contrôler ce que les destinataires ressentent. Quant à la responsabilité dans le contexte repose sur les épaules de tant de personnes.
PAN M 360 : Si nous revenons à la musique elle-même, quelles sont vos principales étapes ? Ce que vous avez réalisé en studio avec votre groupe récemment ?
YEMI ALADE: Je suis totalement impliquée dans cette expérience en constante évolution, parce que j’apprends en cours de route, tout comme eux. En ce qui concerne le son, je n’aime pas être mise dans une boîte. Par exemple, cette année je ne suis vraiment pas retenue de montrer mon amour pour la musique dancehall. Je me suis lâchée! Et j’ai transmis cette énergie à mon groupe.
PAN M 360 : Il n’y a donc pas que de l’afrobeats dans votre musique, il y a du dancehall comme vous dites. Il y a aussi l’Afrobeat de Fela Kuti, le juju de King Sunny Adé, beaucoup de styles en fait.
YEMI ALADE : Oui, c’est vrai.
PAN M 360 : Et vous venez avec combien de musiciens à Montréal ?
YEMI ALADE: Selon le contexte, ça peut monter jusqu’à 13, mais je viens à Montréal avec un groupe de 7 personnes cette fois-ci : claviers, percussions, machines, guitare, basse, etc. Nous y travaillons depuis quelques semaines maintenant parce que j’ai créé un morceau spécial pour le spectacle de Montréal.
PAN M 360 : C’est très sympa de votre part ! Vous faites cela partout où vous êtes invitée ?
YEMI ALADE : Non, pas tout le temps. Je le fais surtout lors de mes concerts en solo. Mais cette fois-ci. Je devais juste faire quelque chose de différent. J’ai eu l’impression, d’après cette conversation, que je suis ce que je ressens. C’est comme ça que je me sens en ce moment.
PAN M 360 : Vous savez, la ville est très ouverte à la musique africaine.
YEMI ALADE : Fantastique. Je vais être au bon endroit au bon moment !
PAN M 360 : Ce concert à Montréal fait-il partie de la tournée nord-américaine ?
YEMI ALADE : Non, je vais faire ce spectacle et revenir ensuite. Parce que j’ai des engagements dans d’autres pays que j’ai déjà acceptés. Normalement quand je viens au Canada, nous allons toujours dans plusieurs villes. Vous savez, j’ai aussi tourné une de mes vidéos à Toronto aussi. Mais cette fois, ce ne sera pas une tournée, malheureusement. Je serai de retour.
PAN M 360 : Vous apparaissez dans Black Is King, ce film réalisé et produit par Beyoncé. Comment s’est passée cette expérience d’apparaître dans un film très important présentant la nouvelle culture africaine et afro-descendante ?
YEMI ALADE : Comme vous pouvez le deviner, c’est un rêve devenu réalité. C’est encore un souvenir vivant dans ma tête. Pouvoir rencontrer Beyoncé personnellement, et même être sur l’album lui-même, c’est une chose que je ne prenais pas pour acquise. En grandissant, j’ai écouté sa musique, je me souviens avoir appris d’elle certaines choses qui m’ont aidé à devenir l’artiste que je suis aujourd’hui. Et pour moi, recevoir un courriel et un appel téléphonique de son équipe à la mienne, ça a vraiment été très important pour moi. Cela montre qu’à notre époque, si vous continuez à donner le meilleur de vous-même, votre travail parlera pour vous. Et c’est exactement comme ça que j’ai défini ce moment.
PAN M 360 : Beyoncé a probablement senti que, au-delà de votre culture afrobeats, vous aviez aussi une très forte culture r&b et hip hop, n’est-ce pas ?
YEMI ALADE : Oui, je pense d’ailleurs que les personnes qui ont été choisies pour faire partie de ce travail ont été soigneusement sélectionnées. Et vous savez, si vous observez son équipe de très près, vous pouvez voir qu’ils font beaucoup de recherches, alors oui, ne soyez pas surpris s’ils détenaient toutes les informations nécessaires sur moi avant même que je n’arrive.
PAN M 360 : Depuis qu’elle a fait ce film, d’ailleurs, il y a beaucoup d’afrobeats et de créateurs impliqués dans ses propres productions !
YEMI ALADE : Oui, nous faisons tous partie de ce rêve, beaucoup de bonnes choses se sont alors produites. Une bénédiction !
PAN M 360 : Ainsi, vous intégrez à votre monde ouest-africain la musique du monde occidental, ou afro-occidental.
YEMI ALADE : Exact. J’aime dire qu’en matière de musique, la musique représente un monde à part. Il n’y a pas de frontières dans ce monde et je m’abreuve à ce puits sans fin pour mon inspiration. Petite, déjà, je rappais pendant que les chansons jouaient à la radio. Cet intérêt pour la musique internationale remonte à ma plus tendre enfance.
PAN M 360 : À l’occasion, vous êtes aussi impliqué avec des rappeurs français. Votre ouverture ne se limite pas aux Amériques, donc.
YEMI ALADE : Oh oui. A un moment donné, j’ai décidé de faire des versions françaises et je m’amusais ! Depuis, il y a un lien d’amour fort entre moi et le monde francophone.
PAN M 360 : La France a toujours été ouverte à la musique africaine depuis au moins 50 ans. Alors comme ça continue avec vous, notamment.
YEMI ALADE : Oui, je sais qu’il y a en France une profonde appréciation des cultures d’origine africaine.
PAN M 360 : Au fait, vous êtes-vous déjà produite en Jamaïque ?
YEMI ALADE : Malheureusement, je n’ai jamais chanté en Jamaïque, mais j’y suis allée en vacances. Et je m’y sentais exactement comme chez moi. Pour ce qui est des Caraïbes, j’ai eu l’occasion de me produire à la Barbade il y a environ un mois.
PAN M 360 : À court terme, quelles sont les prochaines étapes de votre carrière ?
YEMI ALADE : Tout d’abord, je viens de présenter mon spectacle solo au prestigieux Olympia de Paris. Après cela, je vole vers Montréal pour un concert fait sur mesure, après quoi je lancerai mon nouvel EP, African Body. Alors soyez attentifs à tout ça !
PAN M 360 : Y a-t-il une disparité avec votre impact en Afrique et celui obtenu en Occident ?
YEMI ALADE : Je peux remplir des stades en Afrique, effectivement. Mais vous savez, je me suis retrouvée devant de grands publics en Amérique du Nord et en Europe. Où que je sois quand je monte sur scène et que je ressens de l’amour, je vois ma tribu. Quand je suis sur scène, je ne vois aucune différence entre les publics. Vous savez, mon mantra préféré est celui-ci: je vais là où l’amour se trouve.
PAN M 360 : Être une superstar de la pop implique aussi que vous soyez conquérante. On dit de vous que vous exercez une grande autorité auprès de votre équipe. Vrai ?
YEMI ALADE : Les gens disent souvent ça de moi (rires) On parle de moi comme étant une force de la nature. Alors oui, je crois être une force de la nature. Je sais que j’exerce une énorme influence sur les gens à travers ma musique. Et c’est une bénédiction, pour moi comme pour mon public. L’objectif premier reste quand même de répandre un peu de joie avec ma musique. Il y a tellement de tristesse dans ce monde ! Et donc j’essaie d’épicer ma musique avec du bonheur et de la joie, je souhaite en infecter mes fans !
PAN M 360 : En tant que femme leader, comment vous voyez-vous ?
YEMI ALADE : Une femme représentant l’industrie musicale, c’est une course de relais. Nous, femmes artistes, devons nous passer le témoin afin que la prochaine génération puisse parvenir au succès comme l’ont fait avec moi celles m’ayant précédée. Donc,quand une génération de femmes fait mieux que la précédente, c’est un signe de succès. Il faut être reconnaissante.
PAN M 360 : En tant que leader influente, produisez-vous et encouragez-vous les artistes émergents ?
YEMI ALADE : J’ai été le mentor de quelques artistes féminines qui se débrouillent très bien aujourd’hui; des artistes nigérianes, des artistes féminines en général. Il faut le faire car j’ai l’impression que la plupart du temps, nous n’avons pas les mêmes chances qu’ont nos homologues masculins. Donc, si je vois que la porte peut s’ouvrir pour ma sœur, je vais certainement lui donner un coup de main. En ce moment ? Je suis une grande fan de Guchi, chanteuse du Nigeria . Il y aussi Zuchu de Tanzanie, que j’aime beaucoup. Et j’espère que le monde leur donnera l’occasion de vraiment montrer ce qu’ils ont, parce qu’elles sont très spéciales.
PAN M 360 : Êtes-vous donc au sommet d’une nouvelle génération qui émergera dans un avenir proche ?
YEMI ALADE : Attendons de voir comment ça se passera. Je suis sans aucun doute une actrice clé, mais je ne sais quels rôles je vais jouer à l’avenir. Je ne le sais pas. Mais je sais que la force de la nature que je suis est là pour tout donner. Je veux juste m’améliorer dans ce que je fais et être capable de poursuivre la conversation avec le public.
YEMI ALADE SE PRODUIT JEUDI, 20H30, AU MTELUS. POUR INFOS ET BILLETS , C’EST ICI