Wolfheart : Les leçons de l’histoire

Entrevue réalisée par Christine Fortier

En mars dernier, Wolfheart devait traverser l’Atlantique pour participer à la tournée Devastation of the Nation avec Rotting Christ, Borknagar, Abigail Williams et Imperial Triumphant. C’était l’occasion pour le groupe finlandais formé en 2013 par le chanteur et guitariste Tuomas Saukkonen de promouvoir Wolves of Karelia, son 5e album sorti le 10 avril 2020 chez Napalm Records. La propagation de la COVID-19 a mis un frein à la tournée qui a été reportée à 2021. En attendant, Tuomas nous parle de Wolves of Karelia, qui traite d’un grand moment de la Finlande.

Genres et styles : death metal mélodique

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Crédit photo: Valtteri Hirvonen

PAN M 360 : Tuomas, comment ça va?

Tuomas Saukkonen : C’est compliqué. Ça change toutes les heures. Le monde est sens dessus dessous en ce moment, c’est bizarre.

PAN M 360 : Vous étiez sur le point de commencer la tournée Devastation Of The Nation quand tous les concerts ont été annulés. Quelles sont les conséquences pour Wolfheart?

Tuomas Saukkonen : Elles sont assez importantes. Nos visas étaient payés, l’autobus de tournée loué, on avait 500 t-shirts à l’effigie de la tournée, sans parler du temps consacré aux répétitions. Partir en tournée signifie qu’on doit réaménager nos horaires, prendre des congés au travail, ce qui n’est pas rien. Le fait qu’on n’est pas les seuls touchés rend la situation plus facile à accepter. En même temps, on est chanceux parce que la tournée a été annulée quatre jours avant qu’on prenne l’avion pour l’Amérique du Nord. On n’a pas eu à se demander comment rentrer en Finlande.

PAN M 360 : On peut se considérer chanceux puisque la tournée Devastation of the Nation n’a pas été annulée. On sait déjà qu’elle s’arrêtera aux Foufounes Électriques le 24 février 2021.

Tuomas Saukkonen : Oui, c’est quelque chose qui est vraiment cool de la part de notre agence de concerts. Je pense que notre tournée est la seule qui a été instantanément reportée avec les mêmes groupes, mais dix mois plus tard. Ça aide à voir les choses de façon plus positive.

PAN M 360 : Vagelis Karzis (ex-Rotting Christ) a participé à l’enregistrement de Wolves of Karelia en tant que guitariste de session. Vous venez d’annoncer qu’il est votre nouveau guitariste permanent. Est-ce que ça fait longtemps que cette décision a été prise?

Tuomas Saukkonen : On l’a prise en septembre 2019, après la tournée de six semaines qu’il a faite avec nous pendant l’été. Deux ou trois concerts ou quelques répétitions ne permettent pas de savoir si on s’entend bien avec quelqu’un, comparativement à six semaines dans un autobus de tournée! Ç’a été un très bon test. Vagelis est un gars fantastique et un excellent guitariste et on voulait attendre la sortie de l’album pour annoncer son arrivée dans le groupe.  

PAN M 360 : Il a quitté Rotting Christ pour Wolfheart.

Tuomas Saukkonen : Oui. Je ne sais pas si cela aurait été un problème pendant la tournée Devastation of the Nation (qui comprend aussi Rotting Christ, Borknagar, Abigail Williams et Imperial Triumphant). Je connais les membres de Rotting Christ, mais je ne sais pas s’il y aurait eu des tensions entre eux et Vagelis. Il été leur guitariste pendant sept ans avant de se joindre à Wolfheart. Je ne sais pas comment ils ont réagi à l’annonce de son départ.

PAN M 360 : Wolves of Karelia porte sur la guerre d’Hiver qui a éclaté le 30 novembre 1939 au moment de l’invasion de la Finlande par l’Union soviétique. Pourquoi avoir choisi cette thématique?

Tuomas Saukkonen : Pour deux raisons. Tout d’abord, après la sortie de Constellation Of The Black Light (2018), on a joué environ 140 concerts en dix mois, ce qui veut dire qu’on était constamment sur la route. On a fait deux tournées nord-américaines, deux tournées européennes, on a joué en Amérique du Sud, en Asie et même à Dubaï. Je me suis rendu compte que plus on voyage et plus on est loin de la maison, plus on voit notre maison et notre pays différemment. À cause de ça, je me suis mis à penser davantage à mon enfance dans la région de Carélie. Je suis né dans cette région et la famille de mon père y vit encore. Ensuite, j’ai commencé à écrire les textes de l’album autour de la Fête de l’Indépendance de la Finlande (qui tombe le 6 décembre). Chaque année à cette période, on parle beaucoup de la guerre d’Hiver dans les médias et les textes de l’album sont inspirés d’entrevues accordées par des vétérans à la radio et dans la presse écrite. 

PAN M 360 : Est-il important de faire connaître cette période de l’histoire de la Finlande aux jeunes générations de métalleux?

Tuomas Saukkonen : Oui. La meilleure façon d’apprendre à anticiper l’avenir est de savoir ce qui s’est produit dans le passé. Ça permet de voir les erreurs que les gens ont commises dans le passé et comment ils ont résolu les problèmes. La chose la plus remarquable à propos de la guerre d’Hiver est le fait que l’armée finlandaise a réussi à stopper l’invasion soviétique même si elle était beaucoup moins nombreuse. Elle n’a pas gagné la guerre, mais elle a empêché les Russes d’envahir la Finlande. Cet exploit a façonné la mentalité finnoise. Le mot « sisu », qui signifie en substance courage et ténacité, illustre bien cette mentalité qu’à mon avis ma génération est en train de perdre. Connaître notre histoire nous aide à nous rappeler ce que nos grands-parents et leurs parents ont traversé pour que nous n’ayons pas à nous plaindre de plus petites choses. De nos jours, il suffit que notre connexion Internet soit mauvaise ou qu’on ne trouve pas notre barre de chocolat préférée au magasin pour que notre journée soit gâchée! 

PAN M 360 : Qu’est-ce qui vient en premier lors de la composition, la musique ou les paroles?

Tuomas Saukkonen : Je compose toujours la musique en premier. Je pourrais commencer par les textes, mais il n’y aurait pas de liens émotifs et je les trouverais ridicules. J’écris toujours les textes en studio une fois que la musique est enregistrée. À ce moment-là, les paroles sont un peu comme une affiche de film dans ma tête. Je vois une image et je la décris.   

PAN M 360 : N’est-ce pas un peu stressant?

Tuomas Saukkonen : Non, parce que je sais exactement ce que veut dire la scène que je vois dans ma tête. Je n’ai pas à y réfléchir, j’ai juste à trouver la meilleure formulation en fonction du rythme. Ma façon d’écrire est plus stressante pour les autres membres du groupe. Par exemple, le bassiste et chanteur Lauri Silvonen aimerait répéter ses textes avant de les enregistrer, mais il n’en a pas l’occasion à cause de ma façon de fonctionner.

PAN M 360 : Tu es le principal compositeur du groupe. Es-tu ouvert aux suggestions des autres musiciens?

Tuomas Saukkonen : Oui, je leur demande toujours s’ils ont des idées à me suggérer. Même chose en ce qui concerne Juho Räihä, l’ingénieur du son avec lequel je travaille depuis une dizaine d’années. Ce serait terrible de penser que ma façon de faire est la seule bonne. Quand on reste ouvert aux idées des autres, le résultat est meilleur. La seule manière d’apprendre à devenir un meilleur compositeur ou plus polyvalent est d’écouter l’opinion des autres. Si on ne le fait pas, on reste pris dans sa tête et on est incapable d’ouvrir la porte à la créativité.

PAN M 360 : C’est toi qui réalises toutes les vidéos de Wolfheart, pourquoi?

Tuomas Saukkonen : J’aime vraiment ça. Quand j’étais enfant, je regardais beaucoup d’émissions dans le genre de Headbangers Ball (diffusée à MTV de 1987 à 1995) et je découvrais de nombreux groupes à travers les vidéos de leurs chansons. Je n’écoutais pas la radio, je ne lisais pas beaucoup de magazines musicaux. Pour moi, le support visuel de la musique est très important. Lorsque je tourne des vidéos, je peux faire brûler toutes sortes de choses, je voyage dans des endroits super. Je pense entre autres aux vidéos des chansons The Saw, Breakwater et Everlasting Fall tirées de Constellation Of The Black Light qui ont été tournées en Islande. On a parcouru le pays en voiture pendant 5 jours à la recherche d’endroits où tourner les vidéos. J’ai tourné des clips pour d’autres formations, dont celui de la chanson Way of the Warrior d’Ensiferum, mais il n’y a que 24 heures dans une journée et je dois me concentrer sur Wolfheart.

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