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Origines haïtiennes, culture bilingue de Montréal, intérêts marqués pour les musiques expérimentales et le design de mode, fluidité sexuelle… De l’adolescence à l’âge adulte, Tania Daniel est progressivement devenue Tati au Miel, l’artiste de 23 ans s’apprête à pulvériser tous les stéréotypes sur son passage, et contribuer à l’actualisation de l’identité black en culture contemporaine.
PAN M 360 : Commençons par le commencement : un résumé de votre parcours ?
TATI AU MIEL : Ma famille est d’origine haïtienne, je suis née à Montréal et j’ai grandi dans l’Ouest de l’île. J’ai beaucoup visité mes parents de la diaspora haïtienne dans différentes villes américaines, j’ai donc une bonne connaissance de l’anglais. Musicalement, personne de mon entourage n’aimait ce que j’aimais, j’ai donc grandi en naviguant sur l’internet, j’ai découvert plusieurs styles musicaux en solitaire. J’ai étudié le cinéma au cégep Dawson et, autour de mes 18 ans, j’ai décidé de faire de la musique. Ma vie de jeune adulte au centre-ville de Montréal m’a permise de découvrir sa scène DIY expérimentale et devenir DJ puis compositrice et productrice. Je dessine aussi des vêtements, je l’ai fait notamment pour Klein, une artiste expérimentale londonienne qui a partagé la scène avec Björk. En travaillant avec de tels artistes, plusieurs visions de la création ont enrichi la mienne. J’ai pu compter sur un vrai soutien des créateurs que j’ai côtoyés jusqu’à maintenant.
PAN M 360 : Comment êtes-vous passée du DJing à la composition?
TATI AU MIEL : Au début j’ai fait DJ parce que je ne connaissais pas trop la production musicale. Mais j’avais l’intention de composer, lancer mes propres projets. Mes influences expérimentales, techno et industrielles étaient déjà là en tant que DJ, je pense à Moor Mother, Crystallmess, Dreamcrusher, Merzbow, Keji Haino, etc. Je continue à développer mon propre style,je dirais que mes prochains enregistrements seront marqués par le bruitisme. Plus je mets ma musique en ligne, plus ça se précise et plus je me fais approcher par différents diffuseurs.
PAN M 360 : Notre propension aux stéréotypes mène à penser que l’approche de Tati au Miel déroge de l’idée qu’on se fait de la musique black. Que répliquez-vous à ça ?
TATI AU MIEL : Tout dépend des stéréotypes qu’on a! Vous savez, j’ai été initiée à la musique instrumentale par des amis noirs, je ne crois vraiment pas que la musique expérimentale ait une couleur de peau. Pour sûr, les artistes noirs de la musique expérimentale m’influencent, cela m’encourage à continuer et peut-être prendre contact avec ces artistes et possiblement collaborer avec eux. Une de mes aspirations dans la vie est de faire de la musique peu commune, ça c’est certain! J’essaie de déconstruire des bruits et sons de toutes sortes, enregistrés dans la rue ou partout sur mon passage, et d’en faire ensuite des œuvres originales. J’ose croire que l’on peut constater l’authenticité de mon travail à travers mes projets.
PAN M 360 : La fluidité sexuelle à laquelle vous vous identifiez se reflète-t-elle dans votre musique ?
TATI AU MIEL : Ce n’est pas pour rien que mon premier EP s’intitule The Exorcism of Tania Daniel. L’exorcisme a une connotation souvent négative, j’ai voulu voir ça à la manière d’une renaissance positive et spirituelle. Il y a dans mon art des allusions à la communauté queer / trans / LGBT, ainsi qu’aux personnes noires de genre fluide.Pour ma part, ces personnes apportent beaucoup de positivisme à mon expérience personnelle. »
PAN M 360 : Quel est votre projet présenté à MUTEK ?
TATI AU MIEL : Le projet Tati au Miel, un surnom inspiré de Tania Daniel, explore ma vision du bruit et met de l’avant l’expérimentation. Pour MUTEK, je veux créer une ambiance impliquant toutes sortes d’émotions émanant de sons peu communs. Je planifie un set de 45 minutes, vraiment unique pour l’événement, construit à partir de ma banque de sons que j’ai bâtie avec le temps et aussi avec mes instruments – Ableton, contrôleurs midi, etc. Une invitée spéciale viendra aussi chanter sur deux pièces. Je travaille aussi avec Maiko Rodrig dans ce projet, un de mes plus proches collaborateurs. Nous lancerons bientôt le collectif Trademark, qui mettra en valeur différents artistes de la musique expérimentale. C’est qu’il faut créer un sentiment de communauté et se reconnaître à travers les autres, car ces artistes sont méconnus et souvent difficiles à repérer. Ma vie se continue sur ce chemin.