Star Feminine Band: jeunes Africaines au pouvoir !

Entrevue réalisée par Jean-Baptiste Hervé

Entre Montréal et Natitinguou, PAN M 360 a réalisé cet entretien en le directeur musical et deux musiciennes de la formation béninoise Star Feminine Band, girl band atypique aux propriétés émancipatoires.

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Elles sont sept jeunes filles de sept à dix-sept ans, toutes originaires d’une région reculée du Bénin, toutes éduquées à la théorie musicale et aux instruments électriques. Elles ont du groove et un rythme imparables ! Leur mission : décomplexer le statut de la femme africaine, défier les traditions, partir à la conquête des festivals internationaux.

Dès les premières mesures de cet album, on est estomaqué par l’éloquence des rythmes et des harmonies. Ces jeunes femmes viennent d’un pays qui nous a déjà donné le tout puissant Orchestre Poly-Rythmo et l’Orchestre Super Borguou de Parakou et d’autres ensembles influencés par l’afrobeat. Seulement ici, nous sommes en 2021 et c’est un orchestre exclusivement composé de femmes, une rareté en Afrique de l’Ouest. L’exception fut repérée par le label parisien Bord Bad Records, qui lançait il y a quelques semaines leur premier album homonyme.

Entretien en compagnie de leur directeur musical et de deux de ses musiciennes, entre Montréal et Natitinguou.

PAN M 360 : André Balaguemon qui êtes-vous?

ANDRÉ BALAGUEMON : Je suis professeur de musique et multi-instrumentiste. J’ai eu une carrière de musicien avec plusieurs orchestres entre Parakou, Cotonou, avant de revenir au nord du Bénin pour former l’orchestre des filles de Natitinguou.

PAN M 360 : Décrivez-nous Natitingou, cette ville du nord du Bénin où vous résidez avec l’ensemble de l’orchestre.

ANDRÉ BALAGUEMON : Notre ville est située au nord-ouest du Bénin, c’est la zone des collines. Nous habitons dans la zone la plus haute du Bénin dans le département de l’Atacora qui est limitrophe du Togo à l’ouest, et du Burkina Faso au nord.

PAN M 360 : Quelles sont les inspirations de ce groupe?

ANDRÉ BALAGUEMON : Les inspirations sont Angélique Kidjo et Myriam Makéba ainsi que les grandes vedettes béninoises du sud du pays. Nous travaillons surtout avec les rythmes du nord du Bénin, nous pouvons dire que nous faisons de la musique moderne d’inspiration traditionnelle.

PAN M 360 : Racontez-nous comment tout a débuté pour le Star Feminine Band.

ANDRÉ BALAGUEMON : Tout a commencé par un communiqué à la radio FM de la commune. Une annonce simple qui demandait aux filles de la région de se présenter devant la mairie pour une audition afin de former un orchestre. La première journée, elles étaient au nombre de dix-huit. Le maire m’a présenté aux familles et c’est par la suite que nous avons commencé les répétitions à la maison des jeunes de Naitinguou.

PAN M 360 : Si je comprends bien vous habitez tous ensemble dans un lieu qui sert également d’école de musique?

ANDRÉ BALAGUEMON : Oui et j’ai avec moi ma femme et mes deux filles Angélique et Grace, qui font aussi partie du groupe. Nous vivons ensemble avec l’accord de leurs familles, elles quittent la maison pour aller à l’école et reviennent le soir pour y manger et parfaire leur apprentissage de la musique. Les cinq autres filles; Anne, Sandrine, Marguerite, Urrice et Julienne viennent de la ville et des communes autour. Je leur ai d’abord enseigné quelques notions de théorie musicale et après j’ai beaucoup insisté sur la pratique et la connaissance des instruments modernes. Mes deux filles m’ont beaucoup soutenu dans l’enseignement que j’ai prodigué aux autres membres de l’orchestre. Ces filles ont commencé la musique à partir de zéro, elles sont venues sans rien connaître.

PAN M 360 : Parlez-nous de l’ingénieur du son Jérémy Verdier, du label Born Bad Records et de leur implication dans le groupe.

ANDRÉ BALAGUEMON : Vers les années 2018, Jérémy est venu ici à Natitinguou et nous étions en répétition au musée. Il est passé nous voir jouer par hasard et il a adoré ce qu’il a entendu, tellement qu’il a couru à sa chambre d’hôtel chercher sa trompette pour nous accompagner. Quand il est retourné en Europe, il a contacté deux amis ingénieurs du son. Ceux-ci sont revenus avec tout leur matériel pour nous enregistrer en live au musée. De fil en aiguille, nous avons été mis en relation avec le label Born Bad Records qui sont aussi venus nous rencontrer et écouter les filles.

PAN M 360 : Quel est votre rêve le plus fou et quelle est la mission que vous vous êtes donné avec ce projet?

ANDRÉ BALAGUEMON : Ma mission est de défendre le droit de la femme. Je m’insurge contre les mutilations génitales, contre l’excision qui détruit l’intimité. Je veux parler des grossesses précoces aussi, il faut parler contre cela. Il faut aussi parler de l’humiliation quotidienne que les hommes font subir aux femmes dans notre pays. Les femmes ne sont pas là pour servir l’homme, elles ont leurs droits, moi je défends ce point de vue. Je veux que les Africains et les Béninois l’entendent bien et fort. Je pense que les filles du groupe peuvent d’ailleurs dans ce sens devenir des modèles pour d’autres filles qui écoutent leur musique et les vois jouer. C’est fou comme toutes les générations sont rassemblées lors des concerts du Star Feminine Band, tout le monde vient voir et c’est fou comme les gens applaudissent du début à la fin. J’ose croire qu’elles sont très fières de faire partie de ce projet. Elles sont d’ailleurs avec moi en ce moment si vous voulez vous pouvez leur poser des questions…

PAN M 360 : Allo vous m’entendez les filles?

STAR FEMININE BAND: Oui!!!!(en choeur)

PAN M 360 : Expliquez-moi qui est le Star Feminine Band et de quoi traitent les chansons de ce groupe?

SANDRINE : Je m’appelle Sandrine et je suis l’aînée du groupe. Nous avons commencé la musique pour pouvoir défendre les droits de la femme, pour pouvoir aussi montrer aux hommes que la femme peut devenir une grande personnalité. Nous tentons de faire valoir nos droits et nous nous assurons qu’ils ne soient pas bafoués. C’est un peu les propos que nous tenons dans l’album qui vient de sortir et qui est disponible dans le monde entier.

PAN M 360 : Pouvez-vous nous parler de la réaction des gens qui viennent voir vos concerts au Bénin?

URRICE : Quand nous sommes en concert, les jeunes dames, les jeunes filles, la population qui vient est très fière de nous parce que le message que nous apportons les rend plus fortes. Nous voulons faire du bien aux femmes qui nous écoutent.

PAN M 360 : Merci à vous les filles et une belle répétition ce soir.

STAR FEMININE BAND : Merci!!!(en choeur)

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