Sid Le Rock : retour aux sources

Entrevue réalisée par Elsa Fortant
Genres et styles : électronique / synth-pop / techno

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Sid Le Rock, alias pan/tone, alias Sidney Sheldon Thompson, se fait discret dans les médias. Pourtant, son importance dans le milieu électronique n’est plus à prouver. Il a sorti des albums dans des écuries indépendantes prestigieuses – Mute, Kompakt, Shitkatapult ou My Favorite Robot Record – et a collaboré avec des producteurs comme DJ Koze ou Gui Boratto. Il lance Invisible Nation, son huitième album studio, sur son étiquette Beachcoma. Les dix pistes prennent la forme d’un hommage à son héritage ancestral algonquin, qu’il hybride de sa palette électronique, directement inspirée de la scène DIY des années 1990 et qu’il cultive depuis vingt ans.


PAN M 360 : Vous êtes né à Toronto et vivez en Allemagne depuis presque deux décennies. Aujourd’hui, vous sortez un album électronique inspiré de votre héritage algonquin. Cela semble être un long voyage; que pouvez-vous me dire sur votre parcours en tant qu’artiste?

Sid Le Rock : Cela fait presque 20 ans que je suis en Allemagne, mais tout a vraiment commencé par hasard, grâce à un programme du gouvernement canadien qui nous a permis de venir en Europe et de vivre un échange culturel. J’ai gagné ce prix et, comme j’avais toujours voulu visiter l’Allemagne, j’ai fini par aller à Cologne, entre autres, parce que j’avais des relations de travail là-bas. À partir de ce moment, je suis tombé amoureux de la culture, du fait d’être dans un endroit différent du Canada, où, en tant que grand pays, les petits villages et les villes, d’où je viens, sont très éloignés de la grande ville voisine. Ici, en Allemagne, il y avait de grandes populations et un tout nouvel ensemble de valeurs et d’expressions culturelles différentes, qui étaient très profondes pour moi, alors j’ai décidé de m’installer à Cologne, de laisser ma marque ici, d’en tirer le meilleur parti et de voir ce qui se passe ensuite. J’ai réussi à gagner péniblement ma vie en tant qu’artiste. Ce qui aurait été encore plus difficile au Canada, vous savez.

PAN M 360 : Pourquoi pensez-vous qu’il était plus facile de gagner sa vie en tant qu’artiste en Allemagne?

Sid Le Rock : Les options étaient là, il y a plus de clubs, plus de festivals, donc j’avais plus d’avantages en tant que musicien à être ici en Europe, surtout avec la proximité de tous les autres pays. À cette époque, on appelait ça le « mouvement de masse vers Berlin », qui était encore très peu peuplé; beaucoup de musiciens ont choisi d’y aller parce que c’était moins cher pour nous de vivre. Aujourd’hui, je ressens un peu cette sensation de Berlin, je commence à ressentir un peu mon âge. C’est un peu un style de vie à la Peter Pan pour beaucoup d’entre nous, nous avons tous la quarantaine maintenant, mais nous agissons tous comme si nous avions 20 ans. Il y a un moment où l’on se dit « OK, j’ai besoin de me poser », et donc j’aime rester dans ma zone de confort et moins sortir dans les clubs et ce genre de choses, surtout avec la COVID et tout le reste.

PAN M 360 : Tu vas moins dans les clubs, pourtant on a l’impression que la dimension DJ de ta carrière prend de plus en plus d’importance. A-t-elle toujours eu la même place dans ta carrière?

Sid Le Rock : Dès le début de ma carrière, j’étais vraiment plus concentré sur la performance live, le DJing est venu après. J’aurais aimé que ça arrive plus tôt, car j’aime beaucoup ça! J’étais connu comme un gars du live et c’était un bon moyen de m’exprimer dans la musique, comme la musique enregistrée que je sortais. Cela me permettait de l’exprimer différemment dans une perspective live.

PAN M 360 : Peux-tu nous parler du concept de l’album et de son processus de création?

Sid Le Rock : À l’origine, le concept de l’album était un prix que j’ai reçu du gouvernement allemand, comme le Conseil culturel de la musique d’Allemagne. Dans le concept original du prix, je disais que je voulais aller au Canada, aller au pow-wow, entrer en contact avec beaucoup d’artistes qui sont dans ce domaine et incorporer ce style – ce son et plus d’une prise live –, utiliser ces enregistrements et ajouter ce que je fais. Mais comme nous étions enfermés, nous ne pouvions pas voyager et il y avait trop de restrictions. J’ai dû le faire du mieux que je pouvais : m’imaginer, réadapter le style de musique. Cet album aurait pu être quelque chose de complètement différent et je suis heureux du résultat.

PAN M 360 : J’ai cru comprendre que vous aviez eu plus de temps pour travailler sur cet album que sur les précédents. Cela m’amène à me demander si, étant donné que Berlin est toujours très occupé et que tant de choses se passent en même temps, vous avez parfois ressenti la pression de sortir des trucs?

Sid Le Rock : Cela a changé depuis le début de ma carrière. Dans le passé, je sortais un album, je tournais sur cet album pendant un an ou deux et, en tant que musicien de scène, je jouais toujours les mêmes chansons, ce qui me rendait un peu malade. C’est pourquoi je vous ai dit plus tôt que j’aurais aimé découvrir le DJing plus tôt; ça aurait été bien de faire des allers-retours. Ce n’est pas que je détestais ce que je faisais, c’est juste que les gens le voient dans votre visage quand vous jouez la même chanson encore et encore. Aujourd’hui, on dirait que tout est tellement plus rapide, qu’il y a tellement de promotion, que la qualité de la musique n’a pas vraiment d’importance, c’est la façon dont vous pouvez la promouvoir qui compte. Les services de streaming comme Spotify, quand ils disent que pour être pertinent aujourd’hui en tant qu’artiste, vous devez sortir des trucs toutes les semaines ou toutes les deux semaines, cela ne donne pas aux artistes le temps de respirer. On a l’impression d’avoir les mains liées ou d’avoir une horloge qui tourne, toujours préoccupé par le fait que les gens vont nous oublier. Je suis passé par cette étape, mais je pense que plus on vieillit, plus on est à l’aise avec le fait que ce qui est important, c’est d’être heureux. Dix ans plus tard, quand on réécoute sa musique, on peut se dire qu’on est content de l’avoir fait comme ça.

PAN M 360 : Comme vous êtes connu pour être un homme de scène. Avez-vous déjà pensé à faire un concert avec Invisible Nation?

Sid Le Rock : Tu veux dire du côté de la performance? Oui, vous pouvez imaginer un cercle de tambours, ce serait fantastique. Il faudrait que ce soit en Amérique du Nord, parce que c’est une grosse production à déplacer. Mais jouer quelques concerts ici et là, ce serait vraiment bien. Pour ce qui est de voyager en Europe, ce serait plutôt un one man show, comme d’habitude, mais la prochaine étape est de rendre la musique enregistrée plus fonctionnelle pour une performance live.

PAN M 360 : Compte tenu de la situation politique et socioéconomique des Premières Nations au Canada, le titre de votre album sonne comme une déclaration politique. Que pouvez-vous m’en dire?

Sid Le Rock : Je comprends tout à fait d’où ça vient, ce n’était vraiment pas l’impression que je voulais donner. Bien sûr, cela s’ajoute au fait que les autochtones portent toujours ce message inhérent quant à la mauvaise représentation et aux inégalités sociales qu’ils subissent. Donc, quand vous sortez un disque, cela peut donner l’impression que c’est un point de vue politique, mais en fait, c’était plus dans une perspective de rendre hommage à mon héritage, au son, à la culture. Et à quelque chose qui m’a toujours fasciné, depuis que j’ai grandi dans le nord de l’Ontario, où il était très courant d’avoir des pow-wow et des choses comme ça.

PAN M 360 : Oui, et à propos de cet héritage dont vous parlez, je me demandais quelle était votre relation avec la musique avant que vous ne décidiez de devenir un artiste?

Sid Le Rock : La musique a toujours occupé une place importante dans notre famille. Mon père qui jouait du violon ou de l’harmonica et ma mère était professeur de musique. J’étais trop occupé à jouer avec les enfants du quartier. Je n’ai donc pas vraiment profité de ces compétences à un jeune âge précoce, mais plus tard. Je me souviens même que mon père avait l’habitude de faire ces fêtes de 33 tours, où il invitait les enfants du quartier et où nous organisions des jeux où vous pouviez gagner un album de sa caisse de disques! J’y réfléchis et je me dis que c’est génial de donner une collection de disques à des enfants qui n’avaient probablement pas de platines. Au début de mon adolescence, je traînais avec des amis dans une petite ville où il n’y a pas grand-chose à faire, et nous étions tous influencés par le hip-hop et excités à l’idée de faire notre propre petit truc. Tout s’est mis en place, et j’ai ressenti cette étincelle non seulement en tant qu’auditeur, mais aussi en tant que personne souhaitant s’impliquer davantage dans le processus de création musicale.

PAN M 360 : Finalement cet album, en rejoignant tes racines, on dirait qu’il boucle une boucle?

Sid Le Rock : C’est presque comme une réflexion, ou comme un mal du pays que j’ai pour le Canada. J’essaie de retourner au Canada une fois par an pour rendre visite à mes proches; chaque fois je vois une différence majeure, plus de cheveux gris, plus de rides. Je pense que c’est un album qui parle de beaucoup de valeurs, comme un retour au Canada d’une certaine manière. Oui, un jour je vais rentrer à la maison, et puis je suppose qu’avec toute cette musique que j’ai créée, je peux promettre que je serai bientôt de retour à la maison.

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