Kerson Leong et un violon hors du temps

Entrevue réalisée par Alexandre Villemaire

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Depuis son premier prix au Concours international de violon Yehudi Menuhin en 2010, l’aura du violoniste canadien Kerson Leong n’a jamais cessé de briller. Encensé par la critique comme étant un des plus grand violoniste au pays (Toronto Star), dans de nombreux enregistrements notamment son plus récent album paru en 2023 mettant à l’honneur les concertos de Britten et de Bruch, son jeu présente « un mélange de spontanéité et de maîtrise, d’élégance, de fantaisie, d’intensité qui rend sa sonorité reconnaissable des les premières notes » (Le Monde). Soliste recherché et chambrette passionné, Kerson Leong se produira avec les Violons du Roy dirigé pour l’occasion par Nicolas Ellis dans un programme mettant à l’honneur le répertoire de Mendelssohn et Bach ainsi qu’une création de la compositrice canadienne Kelly-Marie Murphy. Un dialogue entre les époques et les styles avec l’intemporalité de la musique comme toile de fond. Nous en avons discuté avec lui.

PANM 360: Le programme de concert que vous allez interpréter avec les Violons du Roy a en filigrane le thème de l’intemporalité avec notamment des œuvres de Felix Mendelssohn et de Johann Sebastian Bach. Qu’est-ce qui, pour vous, rend cette musique intemporelle ?

Kerson Leong: Pour moi, le « secret » de la musique intemporelle est qu’elle ne manque jamais de transporter l’auditeur et le musicien dans un monde différent. Peut-être un monde plus idyllique, loin de notre réalité, et qu’elle ne manque jamais de nous réconforter, de nous consoler ou de nous élever. C’est exactement ce que la musique de Mendelssohn et de Bach apporte.

PANM 360: Pouvons-nous dire quelques mots sur les œuvres de Mendelssohn qui entourent les pièces de Bach ?

Kerson Leong: On a le contraste entre sa symphonie pour cordes, composée alors qu’il n’était qu’un adolescent, et son dernier quatuor à cordes (arrangement pour orchestre à cordes), qui est un requiem très puissant et sincère pour sa sœur décédée à l’époque. Donc, nous pouvons nous faire une idée du cours de sa vie, littéralement. 

PANM 360: La pièce de la compositrice canadienne Kelly-Marie Murphy, Found in Lostness, que vous allez créer, est un concerto en un seul mouvement qui explore le thème de la perte. Comment, en tant qu’interprète, vous abordez une nouvelle œuvre qui n’a jamais été entendue, pour vous l’approprier et transmettre les intentions et émotions qui sont inhérentes à l’œuvre?

Kerson Leong: Je commençais toujours par avoir le sujet en tête et les types de couleurs, de nuances et de textures que j’associais à ce sujet. C’est la source de toutes les décisions musicales que je prendrais. La partition d’une pièce est comme une carte qui peut vous orienter dans la bonne direction ou au moins vous donner des indices, et dans ce cas, c’est un vrai luxe de pouvoir échanger des idées avec la compositrice elle-même.

PANM 360: Comment décririez-vous la musique de Kelly-Marie Murphy ?

Évocatrice, viscérale et vivante.

PANM 360: Quelle place la musique de création occupe-t-elle dans votre pratique artistique ?

Kerson Leong: Je pense qu’il est important de développer un esprit ouvert et d’être réceptif à de nombreux types d’influences, non seulement pour développer son propre son, mais aussi sa personnalité musicale en général. Ce processus consistant à « trouver sa propre voie » à travers une nouvelle pièce en est le reflet direct.

PANM 360: Le répertoire de Bach pour violon est imposant et important dans l’histoire de la musique. Vous avez déjà qualifié les partitas et sonates de Bach de « bible des violonistes ». En quoi ce répertoire et la figure de Bach sont-ils significatifs pour les violonistes ?

Kerson Leong: Pour moi, Bach est le meilleur test pour ce qui est de laisser le violon s’exprimer avec un maximum de liberté et de pureté acoustiques, et d’être capable de capter un profond sentiment de révérence et de poids dans la musique avec des moyens plus « simples ». On apprend non seulement l’importance de la passion, mais aussi l’importance de la retenue, et à se considérer comme faisant partie de quelque chose de plus grand que soi.

PANM 360: Les deux œuvres de Bach que vous allez interpréter n’ont pas été originellement composées pour le violon, mais bien pour l’orgue et la voix humaine respectivement. Est-ce que cela change la manière de concevoir le phrasé et la direction des lignes musicales et l’intention ? Y a-t-il des éléments techniques tant pour votre instrument qu’à l’orchestre qui sont mis en place pour imiter le timbre des versions originales ?

Kerson Leong: Cette question nous amène à parler de l’importance de la voix comme source d’inspiration pour les instrumentistes à cordes. Même si l’archet nous donne un souffle illimité, la phrase naturelle et la « gravité » musicale, pour moi, sont toujours régies par l’élévation et l’abaissement de la voix humaine et du souffle. Le solo de violon dans « Erbarme dich » est l’un des plus célèbres et des plus appréciés de tous les solos de violon, et la partie d’alto chantée avec laquelle il est en duo sert d’inspiration directe.

PANM 360: Ce n’est pas la première fois que vous collaborez avec Nicolas Ellis. Quel est le type de travail que vous effectuez avec lui en répétition pour mettre ensemble les différents éléments de votre jeu avec celui de l’orchestre, et notamment dans ce cas-ci, dans un contexte de création d’une œuvre contemporaine ?

Kerson Leong: Tout d’abord, Nicolas est un bon ami et nous nous entendons bien, ce qui facilite certainement le processus musical. Nous pouvons être ouverts l’un envers l’autre en répétition, mais en même temps, je sens toujours une complicité naturelle dans la façon de voir la musique.

PANM 360: Quels sont les prochains projets qui vous attendent ?

Kerson Leong:Le mois prochain, j’enregistrerai le Concerto n° 3 de Saint-Saëns à Vienne avec le Vienna Radio Symphony Orchestra dans le cadre d’un projet collectif sur Saint-Saëns. J’ai aussi très hâte à la sortie de mon prochain album, consacré aux œuvres pour violon et piano de Gabriel Fauré, réalisé avec un ami, le pianiste français Jonathan Fournel.

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