Jäde, sans complexe

Entrevue réalisée par Anne-Sophie Rasolo

Jäde a 24 ans et s’appelle en réalité Adèle. PAN M 360 l’a rencontrée. L’artiste lyonnaise de R&B nous raconte un peu son histoire et ce qui a mené à la production de son EP Première fois, et nous parle de ses futurs projets.

Genres et styles : R&B

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PAN M 360 : En quelques mots, quel a été ton parcours ?

Jäde : Mon parcours musical, ça démarre vers 10 ans. En fait ma sœur faisait de la musique, elle avait une guitare, elle écrivait des chansons, tout ça. Elle a un an de plus que moi, on traîne souvent ensemble. Notre activité préférée, c’est faire de la musique quand on rentre à la maison après l’école. Par la suite on s’achète un micro, on commence à s’enregistrer, et puis le temps passe. Je passe mon bac à Lyon et j’ai envie de partir à Paris parce que je me dis que c’est une plus grande ville et ça pourra peut-être m’apporter des choses pour la musique, et puis aussi juste parce que j’avais envie de bouger un peu. J’arrive à Paris et je rencontre des gens qui sont un peu dans le même délire que moi musicalement, y a plein d’événements que je trouve cool, je rencontre des producteurs. Donc je me lie d’amitié avec ce genre de personnes et puis, de là, ils me disent « attends-moi je fais des prods » et je leur dis « moi, je chante » et, de là, démarre le truc Jäde.

Et puis, voilà, je sors des chansons sur SoundCloud autour de 2016 et je me mets à chanter en français, chose que je faisais pas au tout début. Dès ma première chanson, j’commence à avoir des retours, même un peu de maisons de disques, etc. A la suite de ça, je sors un premier projet sur SoundCloud, qui date de deux ans, ensuite on me propose des concerts, j’ai même un groupe, on fait des petits shows pendant un an, on est cinq sur scène, j’ai un guitariste, vraiment, c’est cool. Et puis ensuite, je signe dans un label, le label où je suis aujourd’hui qui s’appelle « Entreprise », qui travaille avec le label Sony Als+O. Et là on bosse sur un nouvel EP qui est sorti la semaine dernière.

PAN M 360 : Pourquoi Jäde ?

Jäde : Le tréma c’est juste pour le référencement, y a pas d’histoire, c’est juste un prénom que j’aime bien, c’est une jolie pierre précieuse.

PAN M 360 : Pourquoi le titre Première fois ?

Jäde : Déjà, c’est sûr, j’arrive avec une espèce de mini-carte, tu vois, où j’essaie de montrer les différents sons que je peux faire, les différents univers que j’aime bien, et je pense que comme c’est la première fois que je fais un projet où j’ai les gens qui m’aident en studio, pour les mix, etc., c’est la première fois que je fais un truc carré. C’était le vrai début, du coup « première fois » pour ça. Et aussi parce qu’y a un délire, « première fois », dans le sens, comme je parle souvent des relations avec les garçons, d’amour et cætera, il y a ce truc, quand tu penses à la première fois, tu penses forcément à tes premières fois, et il y a ce délire-là dans les textes de l’EP.

PAN M 360 :  D’où vient cet univers vintage pop que tu t’es construit ? 

Jäde : Alors, « vintage pop », je vois pas trop quand les gens disent ça (rires), mais je crois que je comprends un peu !

PAN M 360 : En fait, on a l’impression que tu es un mélange de Kali Uchis, Ravyn Laena et Tengo John.

Jäde : C’est vrai que Kali Uchis, je l’ai énormément écoutée et regardé tous ses clips parce qu’elle a une identité de fou, depuis très longtemps, je suis l’artiste et je pense que ça a été une bonne influence pour moi. J’aime bien tout ce qui est un peu images roses, trucs sucrés, parce que ça reflète les clichés de l’amour, tout ça, donc, ça me parle, mais d’un autre côté, je suis pas non plus une fille trop lisse et trop dans ça, donc j’essaie de contrebalancer avec d’autres choses pour pas que ce soit trop vintage, trop rose et cætera, mais c’est quand même une facette de ma personnalité.

PAN M 360 : Tes textes sont dignes de la langue française, riches en allitérations, en formules à double-sens et ta force, c’est que même chantés, ils ont une consonnance rap. Alors quelles sont tes influences dans le rap ? 

Jäde : Alors franchement y a tout le rap d’aujourd’hui, parce que le rap français, en tout cas, j’écoute beaucoup, on en a de partout. Moi j’écoutais beaucoup les artistes de Lyon, comme Jorrdee, Lyonzon, tout ça, c’est des gens que je vois, que je connais un peu et qui ont une super vibe, je trouve, un peu différente de ce qui se fait, ça me parle. Après, en vérité, tous ceux qui marchent comme PNL, Hamza… J’écoute peu mais j’aime beaucoup ça. Aux États-Unis, je suis un peu larguée, même si je sais que ça vient de là.

PAN M 360 : Et le rap, est-ce que tu en fais ou aimerais en faire ?

Jäde : Ben moi, comme tu dis, y a des intentions de rap, on sent un peu que j’aime bien ce délire-là, mais c’est vrai que je pourrais pas faire un projet que de rap, ou genre vraiment arriver en mode « je suis la nouvelle rappeuse ». Ça me ferait bizarre parce que je suis vraiment quelqu’un qui chante, j’adore chanter, donc ce sera pas ça. Par contre, comme j’ai des chansons, des fois, où c’est plus dans cette direction, dans des morceaux plus trap etc., j’ai quand même envie qu’on me donne cette crédibilité, quoi. Quand j’essaie de faire des trucs un peu plus dans ce délire-là, qu’on dise, oui, c’est de la trap. Pas juste une chanteuse de R&B si le son n’en est pas. Mais les gens ont du mal à justement, comme c’est plus facile de donner une étiquette pour tout le monde, ils savent pas trop où me placer, ils sont un peu perdus. 

PAN M 360 : C’est justement ce qui fait ta richesse.

Jäde : Grave.

PAN M 360 : Qui est derrière la musique de cet EP ? Comment vous faites un morceau ? 

Jäde : Déjà ces chansons-là, en vérité, je les ai construites chez moi d’abord. Généralement on m’envoie des prods, des beatmakers m’envoient des prods par mail ou des amis à moi, et j’enregistre chez moi et j’écris chez moi, et une fois que j’ai une maquette, je vais au studio, et si je peux, je ramène le mec qui a fait la prod, comme ça on repart un peu sur la prod faite depuis le départ, je réenregistre mes voix au propre, si y a besoin, je réécris un peu le texte et on retravaille la prod, on fait des arrangements. Parfois on va appeler un gars pour faire de la batterie, pour jouer de la basse, ce genre de chose, je l’ai beaucoup fait sur ce projet. Après, c’est pas non plus le meilleur process pour faire des morceaux, maintenant, à l’avenir, j’essaie d’un peu changer, de tout démarrer au studio. J’ai peur de perdre le truc du départ, la vibe du moment. Mais en vérité, comme j’ai mon micro chez moi et que je suis beaucoup chez moi, j’écris souvent chez moi d’abord. 

PAN M 360 : Tu dis « j’veux le cinq étoiles, en quoi c’est mal, j’sais c’que je vaux et ça vaut cher » : est-ce que ce second degré finalement, c’est simplement jouer avec les clichés, ou bien pour toi il y a vraiment un propos dans tes textes ? 

Jäde : (Rires) Y a un propos quand même dans le texte, parce qu’y a des clichés des filles qui ont besoin des hommes pour leur payer des trucs, ce genre de choses, tu vois, et c’est chiant parce que c’est d’la merde (rires) ! D’où t’as besoin d’un gars qui va te payer des habits, des voitures, des restaus ou, j’en sais rien, des hôtels. Donc moi, je veux ce genre de choses parce que bien sûr, ça fait toujours plaisir d’être aisée, mais je peux l’avoir toute seule aussi et ça c’est mieux. 

PAN M 360 : Tu t’adresses aux boys de manière très décomplexée, est-ce que c’est toi dans la vraie vie ?

Jäde : (Rires) C’est trop drôle mais c’est tellement ça, je dois dire ce mot dans toutes mes chansons au moins 100 fois. Mais ouais, j’avoue que j’suis grave décomplexée, après j’suis pas une folle ou je n’sais pas quoi ! C’qui est bizarre avec mes chansons, c’est que j’suis vachement open sur certains sujets, notamment le sexe ou quoi, et en vérité j’suis quand même une fille totalement normale, c’est-à-dire que j’suis pas, ni obsédée ni quoi qu’ce soit (rires). Je vais pas parler de ça, comme ça, avec n’importe qui, c’est ça qui est un peu bizarre en fait. C’est juste que, du coup, les gens vont avoir une image de la meuf un peu délirante, alors que non. Après j’ai été élevée dans une famille où on est grave ouvert, sans tabou, on parle bien, et c’est différent d’autres gens, je parle facilement de ces choses-là. Donc ouais, je suis décomplexée, mais je suis pas une folle. 

PAN M 360 : Y a une autre chose que tu dis au tout début, c’est que, peu importe les paroles, le tout c’est qu’on kiffe le son. T’aimerais t’exporter dans tes projets un jour ? 

Jäde : Bien sûr, en plus là, on essaie de voir où ça marche selon les retours. Il y a le Canada donc, c’est cool, l’Allemagne… Après je pourrai pas faire des sons dans une autre langue, c’est pas possible, et en tout cas rester dans mon truc en français et essayer de plaire à l’extérieur, ce serait le rêve. Après, c’est compliqué mais j’pense que ça se fait. Par exemple, Rosalia, elle a niqué le game alors qu’elle chante en espagnol, tu vois. Si je l’exporte, tant mieux, mais ce sera en français.

PAN M 360 : C’est pas facile de faire des morceaux en français, et tes paroles sont simples mais travaillées. 

Jäde : Nan, en vérité, c’est super dur (rires). Mes paroles sont simples, faut essayer de trouver une petite recette, parce qu’au début j’essayais de faire un truc bien écrit et, du coup, d’être un peu en mode poète pis tu t’rends compte qu’en fait, c’est pas naturel, et du coup, c’est bizarre, mais faut pas non plus faire un truc trop type langage SMS texto, parce qu’après, c’est un peu cheap, c’est vraiment entre les deux (rires). Faut trouver le juste milieu, c’est ça qui est compliqué. 

PAN M 360 : Est-ce qu’il y a d’autres facettes qu’on n’a pas encore vues ? Des idées pour la suite ? 

Jäde : Y a d’autres choses que moi-même j’expérimente encore, que je vais partager à l’avenir, mais là, pour le premier projet, j’ai encore besoin de refaire ça pour marquer mon identité, parce que si je pars dans tous les sens, les gens vont pas comprendre ma base, mais je suis déjà en train de m’enjailler sur de l’électro (rires), des trucs qui n’ont rien à voir avec moi, mais au final, ça passe bien, donc y a plein de choses à tester encore. Je vais juste me concentrer sur un format plus long de plus de titres pour la prochaine fois, histoire de vraiment montrer encore plus de choses. 

PAN M 360 : Dernière petite question : on sait que le coronavirus a mis en suspens beaucoup de choses, mais quels sont tes projets futurs en termes de live ? 

Jäde : Ben là, c’est la merde. Le seul concert qui est maintenu, c’est en novembre parce que c’est ma release party, 6 mois plus tard (rires), donc si ça se trouve, on va fêter un autre projet en même temps. Tous les projets de l’été sont annulés. Après, on bosse les sons en studio et on va vite pouvoir enchaîner parce qu’on a que ça à faire, donc on passe du temps en studio et après on tourne des clips et on revient dès que possible. 

PAN M 360 : Et t’as prévu des collabs ?

Jäde : Ouais si, bah déjà sur ce projet, y avait personne, donc là, j’ai envie pour le prochain d’inviter des gens. Par contre il faut vraiment que j’invite des gens que j’aime. Je vais essayer de collaborer surtout avec Lyonzon et de m’ouvrir et essayer de sortir de cette wave parce qu’y a plein d’autres gens, mais oui, je prévois des collabs fortes. 

PAN M 360 : Super merci. T’as prévu quoi là ?

Jäde : Là, je vais aller bronzer, il fait beau. 

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