Barbara Pravi : du grand art avant tout

Entrevue réalisée par Luc Marchessault
Genres et styles : chanson

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Une chanson – Voilà – en deuxième place du concours Eurovision 2021. Le prix « Révélation féminine » aux Victoires de la Musique 2022. Une réputation qui ne cesse de croître. Une carrière déjà enviable, une authenticité et une liberté qui le sont tout autant. Et, surtout, des mots, des airs et une voix qui élèvent, en 2022, la notion de « grande chanson française ». Ce ne sont là que quelques éléments pouvant décrire Barbara Pravi. Pan M 360 a pu s’entretenir avec elle en vue de son concert très attendu, le jeudi 16 juin aux Francos, dans l’intimité du Studio TD.

Pan M 360 : Bonjour Barbara, bienvenue à Montréal! Ce sera votre première participation aux Francos ici. Est-ce votre première visite au Québec?

Barbara Pravi : Il y a cinq ans, j’étais venue à Montréal en vacances. Je me souviens qu’il y avait des affiches des Francos dans la rue; je me disais « J’espère qu’un jour ce sera moi, j’espère qu’un jour j’y serai », donc je suis très contente!

Pan M 360 : Est-ce que ce concert aux Francos de Montréal était prévu avant la pandémie?

Barbara Pravi : Non, pas du tout, rien n’a été reporté.

Pan M 360 : Votre plus récent simple, Prière pour soi, lancé le 8 mars dernier à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Cette chanson m’a ramené directement à Anne Sylvestre et à Une sorcière comme les autres. Un hymne aux femmes aussi nécessaire, 47 ans plus tard. Sauf que le réquisitoire d’Anne Sylvestre s’adressait aux hommes, tandis que vous faites appel à la guerrière en vous. Est-ce que vous y voyez une filiation et une évolution?

Barbara Pravi : Je connais bien sûr la chanson d’Anne Sylvestre, c’est vraiment sympa ce rapprochement, mais je n’avais pas songé. Ces « prières » sont des chansons que je fais à côté des albums, c’est un peu ma cour de récréation. Ce sont de petits mantras, c’est très personnel, je les ai écrits pour me donner de la force. Ce sont des appels, car je crois que quand on pose des mots sur les choses, ça les appelle ces choses. J’ai écrit Prière pour soi à un moment où j’étais un peu perdue; ce métier est un peu chamboulant. Il y a des moments de doute plus puissants que d’autres. J’ai donc écrit ces mots qui me font du bien pour me les rappeler, chaque fois que je doute. Et ça marche!

Pan M 360 : En 2021, le 8 mars également, vous aviez lancé un microalbum de six « prières ». Ce sont des duos – sauf la dernière pièce – avec des femmes que vous admirez (et qui vous admirent réciproquement, sans doute), nommément Golshifteh Farahani, Silly Boy Blue, Lubiana et Irma. Est-ce que ce projet émanait d’un besoin de spiritualité humaniste? Ce n’est pas prêchi-prêcha, c’est beau et authentique.

Barbara Pravi : Ça me touche que vous disiez ça. J’écris ces chansons sans jamais me prendre la tête. C’est la première expression qui me vient, puis la dernière. C’est un geste d’expression libre. Pour les pochettes c’est pareil, je ne sais pas dessiner, mais je m’en fiche! Je suis comme ça, adulte mais encore enfant, c’est un mélange de toutes sortes de choses : ma spiritualité, qui est quelque chose de personnel et d’intérieur, ma façon d’être une femme, ma façon d’écrire. Je ne me pose pas de questions sur qui va écouter ça, est-ce qu’on va me juger.

Pan M 360 : Parmi vos collaboratrices des prières, il y a November Ultra. Ma collègue Anne-Sophie Rasolo l’a interviewée récemment (ici). Comment cela s’est-il passé?

Barbara Pravi : C’est une des plus grandes artistes de ma génération. J’adore ce qu’elle fait, j’adore la femme qu’elle est. Elle m’a beaucoup inspirée et aidée. On s’est rencontrées il y a six ans, elle m’a aidée à réfléchir à ma condition de femme. C’est avec November Ultra que j’ai posé les premiers mots sur quelques injustices que je vivais. C’est une artiste incroyable et une super amie. On n’a pas souvent les deux, mais elle oui : elle est aussi géniale dans la vie que dans son art.

Pan M 360 : Votre art s’inscrit dans une tradition de grande chanson française, sans être ni traditionaliste ni classiciste, ni pour les textes ni pour la musique, comme on l’entend sur Saute avec sa sonorité orientale, ou sur Mes maladroits avec ses arrangements électroniques. Vous n’avez pas de barrières stylistiques. De fait, votre premier album homonyme était plutôt électro-pop.

Barbara Parvi : Ah, ça c’est un album que je n’affectionne pas particulièrement parce que je l’ai fait avec des gens qui contrôlaient tout. Je n’écrivais que les textes, tout le reste était décidé par d’autres. Donc ce n’est pas une musique que j’aime. Mais j’en suis fière, car ça m’a permis d’apprendre absolument tout ce que je ne voulais pas faire. J’étais très jeune et très mal entourée. Alors que l’album On n’enferme pas les oiseaux, sorti en 2021, est le fruit d’une recherche de la vérité, de ma vérité. Je suis autrice-compositrice, mais je ne veux pas nécessairement tout écrire et tout composer. J’ai donc appris à choisir à qui j’ouvre la porte, car j’aime travailler avec d’autres, la musique est pour moi un acte de partage. J’écoute plein de formes de musique, ma voix me permet de faire beaucoup de choses genre « grande chanson », mais en revanche je peux faire aussi des choses plus petites; j’ai vraiment de la place et j’ai envie d’explorer tout. Pour moi, la musique ne se limite pas à une seule chose. Et le liant là-dedans c’est les mots, et la voix. L’important, c’est de trouver sa singularité et de la chérir.

Pan M 360 : Vous êtes donc une créatrice généreuse par votre engagement en matière de droits des femmes, et très sociable, si je puis dire, par vos collaborations et le fait que vous écrivez beaucoup pour d’autres artistes. Avec les honneurs que vous accumulez, ce volet de votre carrière risque de prendre de l’ampleur. Vous tenez à consacrer une partie de votre temps à écrire pour d’autres?

Barbara Pravi : J’adore écrire pour d’autres. Je reçois toujours des demandes, mais en ce moment j’ai moins le temps. J’y tiens, parce qu’écrire pour les autres nous recentre, ça nous réapprend à aimer à écrire pour soi. Et c’est un acte de générosité de malade, parce qu’on doit être à l’écoute de l’autre, on doit prendre ce qu’est l’autre, puis le câliner et lui offrir la plus belle expression de ce qu’il n’arrive pas à mettre en mots. Et j’adore écrire pour de plus jeunes artistes que personne ne connaît.

Pan M 360 : Vous serez en concert ce jeudi au Studio TD, une salle conviviale et juste assez intime. Est-ce que vos musiciens ont aussi fait le voyage pour vous accompagner?

Barabara Pravi : Ils arrivent demain. Mes musiciens sont des « tueurs »! Mon pianiste est le meilleur, il est incroyable. J’ai une contrebasse et un violoncelle aussi, sur scène. C’est vraiment hypermusical; j’aime la musique généreuse, j’ai besoin d’avoir de la chaleur humaine autour de moi.

Pan M 360 : Merci énormément Barbara Pravi pour cette entrevue, bon séjour à Montréal et bon concert jeudi, on sera là!

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