Alex Ortiz : ne pas freiner le Fluxus

Entrevue réalisée par Luc Marchessault

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Alexander Ortiz ne sort pas d’un moule à biscuits : il est singulier comme pas un, son album solo Fluxus Pop en est la preuve renouvelée et spectaculaire. Parallèlement aux travaux pop – relativement – plus accessibles de We Are Wolves et des mutineries hardcore de FRVITS, entre autres, Ortiz crée des trames sonores pour toutes sortes de manifestations artistiques. L’expérimentation, c’est son dada. De la lumière et des sons s’échappent du soupirail de son laboratoire, le jour comme la nuit. Les genres et sous-genres lui importent peu. Pour Alex, les conventions n’existent que dans leur négation. Bref, c’est le règne – ou le non-règne – du Fluxus et de Rip Pop Mutant. Pan M 360 a pu en jaser avec lui.

Pan M 360 : Bonjour Alexander. Félicitations, tout d’abord, pour Fluxus Pop. Malgré les références à des styles généralement lugubres comme la cold-wave et ainsi de suite, l’album s’avère lumineux. Déroutant, envoûtant, mais pas glauque. Peut-être que ça tient à votre voix et à vos intonations qui n’évoquent pas la tristesse, l’angoisse ou l’inquiétude?

Alexander Ortiz : Ha ha ha! Wow, je trouve que ça a du sens. C’est la première fois qu’on me dit ça et j’aime ça! En fait, depuis quelque temps certains de mes amis proches me disent que, pour une personne qui écoute régulièrement de la musique bizarre et froide, et qui fait constamment référence à l’absurdité et au vide absolu de l’existence, je suis extrêmement positif. Alors j’imagine que mon positivisme transparaît dans ma voix.

Pan M 360 : Adrian Popovich est votre principal collaborateur sur Fluxus Pop. Il s’agit d’un personnage pour le moins mythique, au sein du rock marginal montréalais des 30 dernières années. On sait qu’il fait aussi partie du groupe FRVITS, avec vous. Qu’est-ce qui est à l’origine de votre collaboration?

Alexander Ortiz : Effectivement, c’est un grand rocker et il est reconnu pour ses formidables riff-ripss de guitare, mais sa force, c’est plein d’autres choses. Mais, plus sérieusement, nous avons travaillé ensemble pour l’enregistrement de l’album LMPC de We Are Wolves il y a longtemps, ça avait créé une belle amitié. Ensuite, nous avons collaboré une seconde fois lorsque j’ai réalisé le projet solo de Hugo Mudie.  À ce moment-là, dans une discussion plutôt banale, il m’a demandé d’écouter mes démos. Je lui ai fait écouter et bang : Rip Pop!

Pan M 360 : À l’écoute de Fluxus Pop, on a parfois de se diriger vers un lieu connu… jusqu’à ce que vous nous redirigiez vers l’inédit. Je pense entre autres à Évidemment, qui commence comme une pièce typique de New Order, puis se transforme en promenade hallucinée chez Elli et Jacno.

Alexander Ortiz : Ouais, super! Je pense que c’est exactement ça! En plus la super référence! J’ai un gros buzz Charles de Goal et Grauzone, alors ça correspond bien à l’idée de la promenade hallucinée! J’aime déstabiliser au moment où on semble saisir la direction, ça donne un petit vent de fraîcheur.

Pan M 360 : Étrangement, l’impression d’imprévisibilité persiste. Même lors d’écoutes subséquentes, on se demande ce qui nous attend au détour des segments de chansons. Était-ce l’un des objectifs, lors de la création de l’album?

Alexander Ortiz : Oui, absolument. Je voulais présenter, comme premier album, un délire musical, un fouillis émotif exploratoire à la fois sombre et pop. Comme si je présentais une exposition d’art dans ma chambre, avec des sculptures, des dessins, des peintures et des collages. J’aime beaucoup les albums de Faust et Neu!, qui sont comme des excursions aux chemins abstraits, des moments non linéaires qui sont vulnérables et authentiques.

Pan M 360 : Les pièces comportent des éléments cold-wave, new-wave, synth-pop et post-punk, mais aussi, à l’occasion, post-rock, industriels, bruitistes, kraut et j’en passe. Ç’a été complexe d’intégrer tout ça, ou alors ça s’est fait plutôt naturellement?

Alexander Ortiz : Ça s’est fait très naturellement, je savais que je voulais faire un genre de journal personnel de musique, où je pouvais explorer, faire des tests et des erreurs sans me sentir jugé par une intelligentsia musicale… Enfin je pense, et j’espère.

Pan M 360 : De quel outillage vous êtes-vous servi, électroniquement parlant? Avez-vous mis à profit des trouvailles récentes, des synthés rétro, des logiciels inédits, des pédales insoupçonnées?

Alexander Ortiz : J’ai vraiment utilisé tout ce qu’il était possible d’avoir dans l’immédiat, c’est-à-dire chez nous et dans le studio. J’ai fait l’effort de ne pas trop toujours utiliser les synthés que j’adore, mais ils sont utilisés dans toutes les productions, genre les JUNO et le Yamaha DX7.

J’ai surtout utilisé deux synthés en malade, le Solton Programmer 24 et un petit synthé « jouet brisé » que je nomme le silver synth. Les Korg M1, MS-20, MS-10 et PolySix, le Baldwin Fun Machine. Beaucoup beaucoup de vieilles drum machines et de delay de toutes sortes, analogiques et numériques – AMS DMX 15 dans presque tout le mix –, beaucoup de reverse reverb et de percussions kling-klang inventées.

Pan M 360 : De quand date votre intérêt pour le mouvement artistique Fluxus? Et comment le définiriez-vous?

Alexander Ortiz : Très jeune, je suis tombé sur les dadaïstes et j’ai ressenti un amour profond pour eux. Ensuite, au début de la vingtaine, j’ai découvert le Black Mountain College et le concept du « happening » avec des personnes comme John Cage et Robert Rauschenberg. Et puis Joseph Beuys, La Monte Young, Alison Knowles et Yoko Ono. Fluxus! J’aime l’idée du non-mouvement et de la dérision, chez Fluxus. Pouvoir faire une note soutenue de synthé avec du bruit, entortillée de pop et de percussions cumbia… Pourquoi pas?

Pan M 360 : Merci beaucoup, Alexander, de nous avoir accordé cette entrevue!

Alexander Ortiz : Très cool, merci à vous!

Photo : David Hurteau

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