L’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal et l’Orchestre de l’Agora se sont unis samedi soir pour présenter Le Couronnement de Poppée, mystérieux opéra de Claudio Monteverdi. La taille restreinte de la salle Pierre-Mercure du centre Pierre-Péladeau de l’UQAM n’a pas empêché les interprètes de livrer une prestation grandiose. Une mise en scène efficace et une distribution de très haut calibre ont contribué à rendre cette soirée troublante et mémorable.
On dit que cet opéra de Monteverdi est plein de mystères puisque la version originale de Monteverdi a disparu, et que les mises en scène sont des reconstitutions rendues possibles par les recherches musicologiques. Malgré tout, cet opéra est considéré comme un joyau du répertoire italien, et continue à fasciner les publics, même près de 400 ans après sa création. Le livret raconte les péripéties de Poppée, amante de l’empereur Néron, qui souhaite accéder à la couronne. Après avoir répudié son épouse Octavie, Néron marie Poppée, faisant de cette dernière l’impératrice de Rome. Derrière cet argument basé dans la Rome antique se cachent des dilemmes intemporels : le combat entre l’amour et le devoir, et les contradictions internes qui nous habitent toutes et tous.
La complexité émotionnelle du livret est efficacement représentée par une mise en scène d’Aria Umezawa. Les décors, au commencement épurés et ouverts, se chargent de plus en plus d’objets divers, laissés sur scène par les chanteuses et chanteurs. Le dernier tableau de l’opéra s’en trouve alors des plus surchargés visuellement, illustrant la décadence et la désolation suggérées par l’œuvre. Les costumes aussi sont réfléchis et évocateurs, permettant même des changements vestimentaires en quelques instants, sur la scène même.
Pour leur part, les interprètes, autant sur scène que dans la fosse d’orchestre, sont toutes et tous d’une qualité exceptionnelle. Si l’on s’inquiétait de prime abord au sujet de l’acoustique (l’Orchestre de l’Agora, dirigé par Nicolas Ellis, jouant pour l’occasion sur des instruments d’époque), on est rapidement rassuré. Chaque instrument est clairement audible, et ne rivalisent nullement avec les voix. Tout est parfaitement calibré de ce point de vue.
À la qualité vocale des chanteuses et chanteurs s’ajoute un jeu d’acteur convaincant qui fait vivre toute une gamme d’émotions. On tremble devant la colère de Néron (Ilanna Starr), on s’inquiète devant l’ambition de Poppée (Emma Fekete), on est ému devant Sénèque (Matthew Li) destiné à mourir et on est déchiré par les dilemmes que vit Ottone (Ian Sabourin). Toutes et tous interprètent les passages les plus difficiles et virtuoses avec aisance et agilité. Toutes les prestations sont à saluer et à applaudir chaudement.
Le Couronnement de Poppée a vu plusieurs forces s’unir pour offrir une représentation des plus spectaculaires. On ne peut que les féliciter et attendre avec impatience une autre collaboration du genre.