Le saxophoniste montréalais d’origine ukrainienne Bogdan Gumenyuk donnait hier soir un concert où il introduisait dans sa musique des instruments à vents traditionnels venus de son pays natal. L’annonce promettait en effet un voyage dans un répertoire inspiré de pièces traditionnelles ukrainiennes et de sonorités inusitées. Le résultat fut beaucoup plus conventionnel que prévu. Les incongruités sonores d’instruments tels que le rig (une corne de vache) et le double sopilka (une flûte) ont été occasionnellement présentes, mais pas plus. Cela dit, certains ont quand même eu un effet spectaculaire, comme le trembika, une grande flûte (énorme!, environ 3 mètres de long!) qui dépassait largement la scène et se retrouvait presque dans le public quand Gumenyuk en jouait. Avec une sonorité de cor de chasse en bois, à peu près, ça tonnait pas mal fort dans le petit Dièse Onze.
La musique elle-même naviguait en eaux assez classiques du jazz : ballades que n’auraient pas reniées les ténors de la Côte Ouest d’une certaine époque (Getz, Gordon), bop fébrile, blues dandinant, etc. On a aimé une mélodie qui provenait du répertoire populaire ukrainien, bien sûr, et aussi quelques incartades plus modernes comme La Terre en soi, sortie en format EP il y a peu (et dont je vous invite à lire ma critique). Mais en général, on était devant un produit plus prudent que son album Love Letters to the Other Side, sorti en 2022, et qui maniait avec conformité mais abondamment de feu et de sincérité un hard bop de fort belle facture (malgré la présence de deux titres du disque en question). Les touches d’instrumentation inusitée ont plus donné l’impression d’un perlage saupoudré que d’une réelle base conceptuelle.
Mais bon, on a eu droit, c’est le plus important, à de belles et solides envolées solistes de tous les membres du quartette en place : Paul Shrofel au piano, Sandy Eldred à la contrebasse, John Hollenbeck à la batterie et bien sûr Bogdan lui-même au ténor et solide souffleur. D’ailleurs, le public nombreux a souvent chaudement applaudi.
Crédit photo : V. Yanuk