Concert féminin et féministe, doublé d’un exemple de diversité culturelle en musique contemporaine, Sororité de l’ensemble Obiora a rassemblé un public nombreux à la salle Pierre-Mercure hier après-midi. Un programme dirigé avec vivacité par Janna Sailor et au cours duquel nous avons pu entendre pour une trop rare fois à Montréal la musique de Reena Ismaïl, une des voix les plus réjouissantes en musique d’aujourd’hui. Après une composition assez scolaire qui tenait lieu d’ouverture (When Enchantment Comes de Rachel McFarlane, inspirée d’Oscar Peterson mais assez peu représentative), c’est en effet l’univers de fusion indo-occidentale de Ismaïl, une compositrice d’origine indienne vivant aux États-Unis, qui a offert le moment le plus coloré de l’après-midi. Meri Sakhi ki Avaaz (My Sister’s Voice), pour orchestre de chambre, soprano et chanteuse hindoustanie (le style vocal classique de l’Inde du Nord) a offert une envoûtante rencontre entre deux styles vocaux très différents, sur fond d’orchestre romantico-impressionniste (debussyste pour être précis, mais avec d’évidentes couleurs indiennes) sans aspérités harmoniques contemporaines, mais expertement détaillé. L’oeuvre qui s’amorce sur un extrait sur bande du fameux duo des fleurs de l’opéra Lakmé de Léo Delibes (dont le synopsis se situe en Inde) enchaîne une version plus ‘’authentique’’ de cette mélodie, entonnée par la soliste Anuja Panditrao (excellente).
La soprano lyrique Suzanne Taffot se joint plus tard et les deux femmes se parlent d’amitié et de sororité dans un effet d’écho du plus que célèbre air d’opéra (repris tellement souvent dans des publicités). La rencontre entre les deux types de chant est très bien équilibrée et habilement construite par Ismaïl. La finale exige même une belle part de virtuosité de la part de Taffot, qui imite les envolées saccadées typiques du chant hindoustani avec une grande précision. Bravo.
La finale du concert était assurée par la Symphonie gaélique de Amy Beach, une œuvre longtemps négligée mais presque en passe de devenir un morceau de répertoire. La lecture de Sailor invitait une grande précision, généralement offerte par Obiora, si ce n’est quelques imprécisions rythmiques occasionnelles. L’orchestre a surtout offert une belle et ample sonorité d’ensemble, transcendant son caractère de ‘’grand orchestre de chambre’’ plutôt que véritable orchestre symphonique.
L’ensemble Obiora s’avère être un ajout d’importance dans le paysage musical montréalais et québécois, car si l’on se fie au public présent, nombreux, très diversifié, familial et surtout très attentif, il réussit à fidéliser un nouveau public à qui il fait découvrir du répertoire méconnu et inspirant. Un succès signé ‘’diversité’’ qu’il faut célébrer!