baroque / classique

Ensemble Caprice | JSB, humour, pertinence, vrai et faux intrus…

par Alexis Desrosiers-Michaud

Vendredi à la Maison symphonique, L’Ensemble Caprice et leur chef Matthias Maute présentaient  le premier de leurs quatre programmes de l’année 2024-2025. Il y avait dans ce concert beaucoup de Johann Sebastian Bach et d’humour, des démonstrations pertinentes, un faux et un vrai intrus.

Les trois Concertos brandebourgeois joués furent chacun précédés de transcriptions Maute de Préludes et fugues de… Dimitri Chostakovitch ! Surprenant, mais on comprend par la suite pourquoi il se trouve dans un concert baroque. 

Avant le concert, le chef explique qu’au retour de Leipzig où il a jugé un concours de piano, Chostakovitch eut l’idée d’écrire à son tour des Préludes et fugues, à l’image du cantor. Même s’ils sont écrits dans un style ancien, celui de Chostakovitch apparaît rapidement.

Les transcriptions de Maute sont très bien réalisées, collant même les orchestrations à celles des concertos auxquels les Préludes étaient jumelés. 

Dans le 4e concerto, on perçoit bien le dialogue entre le violon et les deux flûtes solistes. Le meilleur moment et le mouvement, où le contrepoint est remarquable. Vient ensuite le 1er concerto, plus dense. On n’a pas affaire ici à des solistes, mais à des groupes de solistes; il y a bien le violino solo (le « bébé violon » selon Maute), mais trois hautbois et deux cors naturels. 

Afin de démontrer comment Bach superpose tout musicalement, le chef demande à chaque section de jouer la première mesure du concerto séparément avant l’exécution. Le public part ainsi avec de solides points de repères pour suivre. En guise de cerise sur le gâteau, pour démontrer ce qu’est précisément un menuet, le premier violon Olivier Brault y va même d’une démonstration de danse, fort appréciée. 

Musicalement, c’est réussi, malgré le fait que l’on perde souvent le violino dans la densité. Les cors ponctuent le rythme des mouvements et les hautbois anciens apportent une couleur ambrée, moins nasillard que le hautbois moderne. Le mouvement lent met particulièrement en valeur ce pupitre dans une équilibre des voix parfait où l’on distingue clairement les trois instruments. 

Tout s’enchaîne ensuite jusqu’à la fin du dernier mouvement, où l’orchestre s’arrête net pour laisser ces mêmes pupitres dans un fantastique duo (ou duel?), où certains se mettent à danser pendant qu’ils jouent. Ce qui fait rire avant de conclure. 

Au retour de l’entracte, autre démonstration de Matthias Maute, celle-ci illustrant la différence entre orchestre symphonique moderne et orchestre baroque. On a droit à un simple accord, avec (moderne) et sans (baroque) vibrato, sur lequel on laisse la note diminuer après l’attaque. 

Vient ensuite une très bonne exécution du symbolique 3e Concerto brandebourgeois. Symbolique car pour le concerto #3, il y a 3 parties de violons, 3 parties d’altos et 3 parties de violoncelles, donc beaucoup de voix.

La direction de Maute insuffle beaucoup d’énergie et incite les musiciens à aller vers les premiers temps des phrases musicales. 

Celles-ci coulent d’elles-mêmes et s’enchaînent sans relâche. Les rythmes des danses sont habilement soulignés. Maute prend une vitesse juste assez pour garder l’esprit Allegro, tout en gardant le contrepoint clair. Il suffit de suivre le chef pour comprendre où sont les thèmes dans les deux principaux mouvements.

Pour le second mouvement, « le plus court de toute la musique de Johann Sebastian  Bach. Deux accords! », Caprice ne joue que les deux accords, au lieu de laisser un musicien improviser brièvement une cadence, comme c’est souvent le cas. La Musette BWV Anh 126 qui part ensuite est une musique de party tellement envoutante qu’on doit se retenir de taper des mains. Les musiciens se promènent et dansent sur scène. 

Pour introduire la 3e Suite pour orchestre de Bach, Caprice joue une transcription par Maute de l’Adagio de Tomaso Albinoni, le vrai intrus. D’ailleurs, on désigne dans programme faussement Albinoni comme étant le compositeur de cette pièce, mais en réalité, c’est Remo Giazotto qui, en 1950, composa l’œuvre en se basant sur des morceaux de différentes ébauches d’autres pièces d’Albinoni. Honnêtement, nous cherchons toujours la raison de pourquoi cette pièce faisait partie de ce concert. En plus de ne rien avoir avec la musique de Bach, elle casse l’ambiance entre la Musette et la Suite. Puis, ce ne fut pas une interprétation qui passera à l’histoire. Adagio signifie lentement, ce qui n’est pas le cas chez Caprice, qui prend un tempo plutôt Moderato
Pour terminer le concert, la Suite est très appropriée. Maute souligne l’apparition des timbales et des trompettes baroques, qui ponctuent par la suite les rythmes des différentes danses. Dans l’Air, connu pour pouvoir être joué sur la corde de sol, les violons se surpassent dans un phrasé et un soutien, sans vibrato, des notes impeccables. On sent l’appui de l’orchestre sur les dissonances qui contribuent au lyrisme de la mélodie. Bref, on va là où on n’est pas allé dans Albinoni/Giazotto.

Crédit photos: Tam Lan Truong

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