Deuil national: « Les Cowboys Fringants c’est nous autres »

par Alain Brunet

« Les Cowboys c’est nous autres », a dit hier le ministre de la Culture et des Communications du Québec. Généralement, je ne cite pas un ministre évoquant des lieux communs dans de telles circonstances mais… cette fois, pour une fois, un ministre a choisi la bonne ligne.

À gauche, à droite, au centre, les personnalités publiques s’expriment depuis mercredi PM. Le PM, acronyme d’une autre signification, a d’ailleurs tweeté une « poésie » de l’étoile filante, le maire de Québec y est allé d’une longue et vibrante apologie sur les ondes radio-canadiennes, le maire de Repentigny (où les Cowboys ont grandi) a exprimé son admiration et ses condoléances, sans compter le chef péquiste, l’auguste vétéran chanteur Michel Rivard, l’humoriste (et animateur sortant du gala de l’ADISQ) Louis-José Houde, d’autres artistes connus et tous ces fans mettant en œuvre des hommages spontanés, à commencer par celui de l’Assomption ou vivait Karl Tremblay avec sa petite famille.

Tous les médias traditionnels convergent naturellement vers ce deuil aujourd’hui, les drapeaux sont en berne, des funérailles nationales sont évoquées. Bref, c’est très gros! Beaucoup plus important que je ne l’aurais cru. Il s’agit de toute évidence de la plus retentissante mort prématurée d’un chanteur québécois de souche et blanc de peau depuis celles de Gerry Boulet en 1990 et de Dédé Fortin en 2000. À bien y penser, cette réaction collective est encore plus considérable.

À entendre les hommages officiels qui déferlent, Karl Tremblay a la stature des plus grandes figures de proue de la chanson québécoise francophone, toutes époques confondues. Que dire de plus ? Rien pour l’instant. Vraiment pas l’occasion des évaluations historiques. Toutefois…

En tant que chroniqueur musique, j’ai assisté aux débuts fulgurants des Cowboys Fringants puis je m’en suis lassé rapidement comme d’autres citoyens las d’une québécitude blanche et francophone faisant du sur-place. Ce n’était pas tant l’œuvre des Cowboys, éminemment respectable, que ce qu’ils pouvaient incarner.

Démobilisation? Déconnexion? Snobisme ?

Sûrement une déception et une démobilisation quant à la mollesse d’une nation québécoise ayant voté non à deux reprises, n’ayant plus le même élan, de plus en plus insulaire, de plus en plus encline à la fermeture et à un anti-intellectualisme navrant. 

Sûrement une posture montréalaise aujourd’hui plus proche du cosmopolitisme et de l’interculturalisme. Personnellement, ça m’a détourné des chansons des Cowboys Fringants que je m’applique à écouter aujourd’hui dans le contexte de ce décès tragique – puisque Karl Tremblay n’avait que 47 ans.

Sûrement une déconnexion volontaire de la mouvance keb de souche et l’adoption progressive de valeurs mondialistes au détriment d’un nationalisme étroit qui s’ouvre si peu avec la nouvelle vague à l’ère PSPP.

Sûrement un snobisme perçu par celles et ceux qui croient encore au projet québécois francophone tel qu’il fut mis de l’avant dans les années 60 et 70.

Quoi qu’il en soit, il faut faire acte d’humilité aujourd’hui et reconnaître sans hésiter la profondeur des chansons écrites par Jean-François Pauzé, interprétées par Karl Tremblay et les collègues des Cowboys Fringants dont Marie-Annick Lépine, sa compagne bien-aimée et mère de ses enfants. 

Il faut reconnaître cette sagesse populaire exprimée dans ces chansons réalistes du Québec francophone. Regards lucides et limpidement exprimés sur notre continent, sur notre identité culturelle, sur nos conditions sociales, sur la politique, sur l’environnement, sur l’amitié, l’amour, la vie.

Il faut surtout reconnaître les valeurs progressistes mises en chansons des Cowboys Fringants, fidèles au nationalisme d’ouverture, à ce centre-gauche optimiste et presque candide, à ce projet de souveraineté politique imaginé par René Lévesque et le Parti Québécois, il y a plus d’un demi-siècle.

À l’évidence, cette posture a été adoptée par les Cowboys Fringants, devenus puissant miroir d’un peuple bien au-delà de leur œuvre. Et c’est pourquoi ce répertoire a frappé dans le mille pendant plus d’un quart de siècle, et ce jusqu’au concert désormais mythique donné en juillet dernier au Festival d’été de Québec dont la conclusion fut marquée par les ultimes remerciements de Karl Tremblay : « Nous étions les Cowboys Fringants », questions d’annoncer son départ imminent dans une autre dimension.

“Nous étions les Cowboys Fringants”… Vraiment ? À l’évidence, les kebs de souche sont tous aujourd’hui des Cowboys Fringants, où qu’ils se situent dans le spectre, quoi qu’ils pensent de l’état des choses en Amérique francophone, quelle que soit leur motivation à poursuivre cette aventure autrefois palpitante, telle qu’elle fut imaginée à une époque révolue pour certains…. mais toujours en cours pour l’immense majorité keb franco, force est d’admettre.

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