Quelque part entre les Cowboys Fringants et NOFX, on retrouve Jérôme 50 fidèle à sa poésie frondeuse. Étendu sur le seuil de la colline du Parlement de Québec, les yeux mi-clos, joue plaquée contre le béton, bière toujours à la main. Cette scène de désinvolture, immortalisée sur la pochette, résume d’emblée l’essence d’Anarcolique : le portrait d’un personnage anarchiste et alcoolisé qui se fait avaler par ses vices.
L’auteur-compositeur-interprète revient en force avec 12 titres, tous estampillés d’un petit « E » pour contenu explicite sur les plateformes de streaming — un clin d’œil à cette nouvelle direction assumée où il déploie sa verve crue de linguiste sans gêne. Cette fois, plus que jamais, l’ivresse des idées chemine aux côtés de la forme, dans un mélange parfois plus brut qu’éloquent.
C’est lors d’une virée à Trois-Rivières, entre du Hatebreed, du Dead Milkmen et des covers métal de 90’s pop que mon ami Michaël DesBouleaux m’a fait découvrir les nouvelles chansons de Jérôme 50. Ça m’a plu. Pourtant, Tokéakicitte m’envahissait complètement depuis quelques années, puis je n’avais pas réécouté le chansonnier depuis la sortie de La Hiérarchill.
Au-delà du son, ce sont les textes qui marquent. « Criss que la vie c’est plate quand faut tu sèyes à jeun. » Ce n’étaient pas les mots de mon cher DesBouleaux, mais bien ceux de Jérôme 50, tirés de la pièce inaugurale Le king de la consommation. D’entrée de jeu, on sait que ça sera lucide, mais engourdi. Jérôme 50 nous y énumère ses poisons préférés sur une musique folk-pop-rigodon.
Gros coup de cœur pour La plus belle fille du moshpit où l’auteur déclare son amour passionnel pour une fille un peu sale au charme magnétique. L’air ska à la Mad Caddies donnent furieusement envie de vivre cette chanson en chair et en décibels dans une salle de spectacle de région. De coup de cœur à cris du cœur, un appel à la prudence décapant porté par des percussions cinglantes Y’a pu d’poude dans poude. Rappel à tout consommateur responsable de faire tester sa came. C’est le pic.
Puis, un requiem pour l’oisif en chacun de nous. Tant qu’à être dans les comparaisons, Le pauvre riche, est comme une version québécoise de la chanson pour l’Auvergnat, revisitée à la manière de L’arbre est dans ses feuilles. Tout est dans tout « parce qu’on est tous le riche ou le pauvre de quelqu’un », nous chante Jérôme 50. Avec les titres Roche papier ciseau et Fuck you mon ostie, il assouvit son appétit pour les comptines d’enfants, quoiqu’elles soient plus salées que celles qui composent Le camp de vacances de Jérôme 49, paru à l’été 2019.
On retrouve aussi les chœurs d’enfants sur Chanson dont vous êtes le héros. Une satire tentaculaire de huit minutes et demie, passant du gospel au hard rock, du reggae au punk, et bien plus encore influencé par les riffs de Seeing Double at the Triple Rock. J’aurais été satisfaite si l’album en était resté là avec Anarcolique pour clôturer.
Profusion de brass, un soupçon de yodel et beaucoup de gros mots témoignant d’un plaisir manifeste à brouiller les pistes. On perçoit une liberté jubilatoire dans l’autodérision, et un musicien qui rend hommage avec tendresse à ses influences d’adolescent, quitte à s’y vautrer.