À la faveur d’un séjour d’études à Boston, Okkyung Lee, violoncelliste coréenne de formation classique, découvre le jazz, puis, c’est l’époque du Tonic dans le Lower East Side new-yorkais, l’improvisation libre. C’est une révélation! Depuis, soit une quinzaine d’années, elle multiplie les collaborations avec une kyrielle de musiciens de la scène des musiques improvisées, de Christian Marclay à Bill Orcutt en passant par Ellen Fullman et Evan Parker, pour ne nommer que ceux-là.
En 2016, elle met sur pied un quatuor harpe, violoncelle, contrebasse et piano baptisé Yeo-Neun, ce qui signifie en coréen « geste d’ouverture ». Que des cordes donc, jouées à l’archet, pincées ou martelées, ce qui assure une homogénéité et une transparence des timbres remarquable et favorise une forme de lyrisme totalement assumé.
Mai 2020, la formation lance un premier album. Dix compositions où madame Lee témoigne – quand on connaît l’intrépidité de son travail d’improvisatrice – d’une sensibilité et d’une délicatesse surprenantes. La première pièce, par exemple, est légère comme la brise qui fait doucement onduler des rideaux de tulle dans la lumière du matin. Un enchantement! Toutes les pièces ne sont pas aussi contemplatives, certaines sont ponctuées de moments plus emportées, mais en raison de cette instrumentation de rêve, est-on tenté de la qualifier, elles présentent pour la plupart la même dimension diaphane et lumineuse.
Madame Lee a aussi le sens de l’invention. Sur in stardust (for kang kyung-ok), des craquements et grincements produits par les archets, qui évoquent ceux de quelque voilier fantôme, créent un effet de perspective spatiale qui rehausse le caractère sombre et désolé de la mélodie jouée au piano. Superbe! Ses compositions s’inspirent aussi parfois de ballades pop ou folkloriques de son enfance, on y retrouve donc de subtiles harmonies orientales, ce qui ajoute à leur charme.