« La profondeur physique de l’enfer et le sommet du paradis, le purgatoire comme une montagne magique dans l’hémisphère sud, donc renversée, et les images sans retenue, tout m’a coupé le souffle. Dante est une interprétation musicale de ce paysage – et un voyage transcendantal à travers celui-ci.” C’est en ces termes que le compositeur britannique d’origine syrienne Thomas Adès décrit son premier contact avec la Divine Comédie de Dante Alghieri et l’inspiration qu’elle a suscitée chez lui pour en faire son premier ballet. Fruit d’une commande du Los Angeles Philharmonic et du Royal Ballet, l’œuvre a été présentée en première au Royal Opera House de Londres en 2021 dans une chorégraphie de Wayne McGregor planté dans les décors de Tacita Dean et les éclairages de Lucy Carter et Simon Bennison. Auparavant, seule la première partie avait été présentée sous la direction de Dudamel en mai 2019 avant d’effectuer sa première américaine en mai 2022. Il s’agit donc ici du premier enregistrement discographique complet de l’œuvre.
L’œuvre musicale, tout comme le texte de Dante, est divisée en trois parties, reprenant thématiquement le voyage de l’auteur italien, de l’enfer en passant par le purgatoire pour finalement arriver au paradis. Accompagné et guidé par le penseur romain de l’Antiquité Virgile, Dante traverse les neuf niveaux de l’Enfer où en treize tableaux il côtoie les âmes damnées par le vice dans un paysage sonore cuivré au rythme effréné. Émergent de la Géhenne sur une île, les deux protagonistes sont accueillis par un hymne sépharade préenregistré qui les accompagnera dans leur ascension du Mont Purgatoire. Pièce-fleuve, la troisième partie, décrit le voyage cosmique: accompagné cette fois de Béatrice Portinari, sa muse représentant la foi, Dante entreprend ce parcours vers l’Empyrée, le Paradis, à travers des strates musicales changeantes qui se concluent par l’apparition d’un chœur angélique.L’allégorie que représente ce texte majeur de Dante, où il fait intervenir figures historique et mythologique et personnages de son époque, offre un matériau composite et donne, de manière similaire à Adès, une palette de couleur et une trame narrative d’une grande richesse qu’il exemplifie dans un langage musical inspiré de Liszt, Stravinsky, Ravel ou même Bernstein. Projet ambitieux du point de vue scénographique et matériel, l’œuvre, qui peut aisément être autonome sans les éléments scénographique et dansant, offre un récit musical poignant et captivant.